Le Pont du Gard - Hubert Robert . Huile sur toile . 2,42 x 2,42 m. Détail 1787.
Hubert Robert est un peintre d'architecture et de paysages, né à Paris en 1733, mort à Paris en 1808. De bonne famille bourgeoise, il fit de solides humanités au collège de Navarre, ou il compta parmi les meilleurs élèves de l'abbé Batteux. Nourri de bonne heure dans l'amour des lettres et de l'Antiquité, il passa des bancs de l'école dans l'atelier du sculpteur Michel-Ange Slodtz; mais il y apprit surtout à dessiner, négligeant la sculpture, et partageant ses goûts entre la peinture, l'archéologie et l'histoire.
Peintre-archéologue, voilà ce que fut Hubert Robert, et ce qu'il voulut être dès ses premiers pas dans la carrière. De 1753 à 1765, il parcourut l'Italie, recueillant des documents, prenant force croquis d'après nature, et enrichissant ses cartons d'une collection abondante d'esquisses pittoresques qui devaient plus tard alimenter sa verve. On était en plein enthousiasme de l'Antiquité romaine, lorsque Robert rentra à Paris. Déjà connu des amateurs et des artistes par les dessins qu'il avait envoyés, il eurent tout de suite la faveur du public.
Les ouvrages les plus justement célèbres de Hubert Robert sont : le Colisée de Rome, le Pont du Gard, les Catacombes de Rome (s'étant égaré en visitant, ces catacombes, il avait failli y périr : c'est cette terrible situation qu'il a représentée dans ce tableau), le Tombeau de Marius, la Vue des arènes de Nîmes, la Maison carrée de Nîmes, le Temple de Vénus, l'Incendie de l'Hôtel-Dieu de Paris, etc., les six tableaux dont il avait décoré le château de Méréville, vendus en 1900 (quatre achetés par un musée de Chicago), et les tableaux suivants, que possède le musée du Louvre : L'Arc de triomphe d'Orange, le Temple de Jupiter à Rome, Temple circulaire surmonté d'un pigeonnier, Sculptures rassemblées sous un hangar. (G. Cougny)
Le pont du Gard Stendhal, Mémoires d’un touriste Pauvert, 1955
Profitant d’une nuit de pleine lune, un touriste nommé Stendhal a quitté Nîmes pour Remoulins. Le 3 août 1837 au matin, il est installé à l’ombre, sous une arcade du pont du Gard.
Vous savez que ce monument, qui n’était qu’un simple aqueduc, s’élève majestueusement au milieu de la plus profonde solitude.
L’âme est jetée dans un long et profond étonnement. C’est à peine si le Colisée, à Rome, m’a plongé dans une rêverie aussi profonde.
Ces arcades que nous admirons faisaient parties de l’aqueduc de sept lieues de long qui conduisait à Nîmes les eaux de la fontaine d’Eure ; il fallait leur faire traverser une vallée étroite et profonde ; de là le monument.
On n’y trouve aucune apparence de luxe et d’ornement : les Romains faisaient de ces choses étonnantes, non pour inspirer l’admiration, mais simplement et quand elles étaient utiles. L’idée éminemment moderne, l’arrangement pour faire de l’effet, est rejetée bien loin de l’âme du spectateur, et si l’on songe à cette manie, c’est pour la mépriser. L’âme est remplie de sentiments qu’elle n’ose raconter, bien loin de les exagérer. Les passions vraies ont leur pudeur.
Trois rangs d’arcades en plein cintre, d’ordre toscan, et élevées les unes au dessus des autres, forment une grande masse qui a six cent pieds d’étendue sur cent soixante de hauteur.
Le premier rang, qui occupe tout le fond de l’étroite vallée, n’est composé que de six arcades.
Le second rang, plus élevé, trouve la vallée plus large, et a onze arcades. Le troisième rang est formé de trente-cinq petits arcs fort bas ; il fut destiné à atteindre juste au niveau de l’eau. Il a la même longueur que le second, et porte immédiatement le canal, lequel a six pieds de large et six pieds de profondeur. Je ne tenterai pas de faire des phrases sur un moment sublime, dont il faut voir une estampe, non pour en sentir la beauté, mais pour en comprendre la forme, d’ailleurs fort simple et exactement calculée pour l’utilité.
Par bonheur pour le plaisir du voyageur né pour les arts, de quelque côté que sa vue s’étende, elle ne rencontre aucune trace d’habitation, aucune apparence de culture : le thym, la lavande sauvage, le genévrier, seules productions de désert, y exhalent leurs parfums solitaires sous un ciel d’une sérénité éblouissante. L’âme est laissée toute entière à elle-même, et l’attention est ramenée forcément à cet ouvrage du peuple-roi qu’on a sous les yeux. Ce monument doit agir, ce me semble, comme une musique sublime, c’est un événement pour quelques cœurs d’élite, les autres rêvent avec admiration à l’argent qu’il a dû coûter.
Comme la plupart des grands monuments des Romains, le pont du Gard est construit en pierre de taille posée à sec sans mortier ni ciment. Les parois de l’aqueduc sont enduites d’un ciment qui se conserve encore. Une fois j’eus le loisir de suivre cet aqueduc dans les montagnes ; il se divisait en trois branches, et le guide me fit suivre ses traces dans une longueur de près de trois lieues ; le conduit étant souterrain a été mieux conservé.
Le Gardon passe sous le pont du Gard ; et comme souvent il n’est pas guéable, les états du Languedoc firent bâtir, en 1747, un pont adossé à l’aqueduc. Au dix-septième siècle, on avait essayé de rendre praticable aux voitures le dessus de la seconde rangée d’arcades.
On arrive à l’aqueduc proprement dit, supporté par trois arcades, en gravissant l’escarpement qui borde la rive droite du Gardon.
Hubert Robert sur cosmovisions.com