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23 avril 2015 4 23 /04 /avril /2015 17:22

Depuis octobre 2014, une équipe d’archéologues de l’Inrap fouille, sur prescription de l’État (Drac Champagne-Ardenne), une tombe princière datée du début du Ve siècle avant notre ère, dans un complexe funéraire monumental exceptionnel, à Lavau (Aube).

 

 

Une tombe princière exceptionnelle
Au centre d’un tumulus de 40 m de diamètre, le défunt et son char reposent au cœur d’une vaste chambre funéraire de 14 m², une des plus vastes recensée par les archéologues pour cette période de la fin du premier âge du Fer (le Hallstatt). Sous les niveaux d’effondrement du tumulus, la tombe contient des dépôts funéraires d’une richesse digne des plus hautes élites hallstattiennes. Disposés dans un angle, les objets les plus fastueux se composent de bassins, d’une ciste (seau) en bronze, d’une céramique fine au décor cannelé, d’un coutelas dans son fourreau. La pièce maîtresse du dépôt funéraire est un chaudron en bronze, d’environ 1 m de diamètre. Ses quatre anses circulaires sont ornées de têtes d’Acheloos, dieu-fleuve grec ici représenté cornu, barbu, avec des oreilles de taureau et une triple moustache. Le bord du chaudron est également décoré de huit têtes de lionnes. L’œuvre est étrusque ou grecque. À l’intérieur du chaudron repose une oenochoé en céramique attique à figures noires : Dionysos allongé sous une vigne fait face à un personnage féminin. Il s’agirait d’une scène de banquet, un thème récurrent de l’iconographie grecque. La lèvre et le pied de cette cruche sont sertis d’une tôle d’or, soulignée d’un décor de méandres en filigrane. Elle est la plus septentrionale à ce jour. Ce service à boisson d’origine gréco-italique reflète les pratiques de banquet des élites aristocratiques celtiques.
 
Principautés celtiques et cités-états étrusques ou grecques
La fin du VIe siècle et le début du Ve siècle avant notre ère sont marqués par le développement de l'activité économique des cités-états étrusques et grecques d’Occident, Marseille en particulier. À la recherche d'esclaves, de métaux et de biens précieux (dont l’ambre), les commerçants méditerranéens entrent en contact avec les communautés celtiques continentales. Celles maitrisant les voies naturelles de communication, en particulier dans la zone des interfluves Loire-Seine-Saône-Rhin-Danube, profitent de ce trafic et voient leurs élites acquérir de nombreux biens de prestiges dont les plus remarquables sont retrouvés enfouis dans de monumentales tombes tumulaires – à La Heuneburg et Hochdorf en Allemagne par exemple, à Bourges, Vix et maintenant Lavau.

 

Un espace funéraire, lieu mémoriel

La vocation funéraire de ce site est remarquable, notamment par sa pérennité. Des tombes à incinération et des tertres circulaires délimités par des fossés sont mis en place dès la fin de l’âge du Bronze (vers 1300 à 800 avant notre ère). Leur succède, au cours du premier âge du Fer, un guerrier et son épée en fer ainsi qu’une femme parée de bracelets en bronze massif. Vers 500 avant notre ère, des fossés de près de trois mètres de profondeur unissent au sein d’un même ensemble monumental ces anciens monuments funéraires et le récent tumulus princier. Cet espace mémoriel est encore en usage à la période gallo-romaine : les fossés du tertre sont curés, des sépultures antiques occupent désormais l’espace.

 

La connaissance des principautés celtiques renouvelée
La fouille de la sépulture de Lavau renouvelle aujourd’hui la recherche et nos connaissances sur le phénomène princier du premier âge du Fer en Europe occidentale. Mieux conservée que les tombes à char de Vix (Côte-d’Or) et d’Hochdorf dans le Bade-Wurtemberg (Allemagne), celle de Lavau bénéficie aujourd’hui des dernières méthodologies et techniques développées par l’Inrap et déjà mises en œuvre lors de la fouille de la tombe à char de Warcq (Ardennes). Ainsi une équipe interdisciplinaire, d’une grande complémentarité, œuvre sur le terrain, pour faire de ce chantier une opération préventive exemplaire.
 

Source : inrap.fr

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22 novembre 2014 6 22 /11 /novembre /2014 18:20

 

L’enseignement, l’éducation des jeunes Gaulois, provenait principalement des druides. Cet enseignement druidique, paraît avoir été réservé principalement à la noblesse guerrière des gaulois, ce que César appelait les chevaliers, c’est-à-dire les combattants utilisant le cheval. Comme chez toutes les peuplades issues de la Germanie, l’éducation à la violence guerrière fut certainement primordiale : « il y eut un temps, dit César, où des gaulois l’emportaient en bravoure sur les germains, où c’était eux qui leur portaient la guerre et qui, par suite de leur nombreuse population et de l’insuffisance des terres cultivables, envoyaient des colons au-delà du Rhin. » Certes, cela ne dura qu’au cours des premiers siècles de leur indépendance, puisqu’une des causes de la conquête romaine fut l’appel des gaulois aux Romains pour les défendre contre les germains devenus trop belliqueux. Mais il n’empêche que demeurèrent longtemps chez eux des pratiques qui visaient à ne mettre en honneur que le courage et le mépris de la mort.

Les druides par leur enseignement, les prêtresses par l’exaltation consécutive au sacrifice humain, transformèrent la mort en un simple fossé qu’il suffisait de savoir sauter. Ainsi s’explique le fait qu’ils aient poussé des guerriers gaulois à combattre nus, s’offrant ainsi en véritable sacrifice au dieu de la guerre afin de rendre la tribu victorieuse. Ils leur enseignaient une technique d’exacerbation des sens qui permettait au guerrier de provoquer l’adversaire d’abord par une danse sauvage, accompagnée d’un chant ; nu, les armes à la main, l’homme finissait par entrer dans un état de fureur guerrière qui le poussait à ouvrir largement la bouche, tirant une langue énorme jusqu’à faire entrevoir le fond de la gorge et même quasiment (dans son esprit) le fond de son cœur. Cette férocité ainsi exhalée était perçue par les gaulois comme une manifestation du dieu infernal chthonien dévorant comme à l’avance l’ennemi. Cette technique de possession divine rendait ainsi à leurs yeux le guerrier invulnérable et invincible.

Il en reste de nombreuses traces dans l’inconscient collectif. Chimères et dragons sortant une langue démesurée symbolisèrent longtemps ses états de fureur destructrice et maléfique. Le folklore français conserva, lui aussi, par le biais des romans celtiques et bretons, comme Tristan et Iseut, le souvenir des sauvages gaulois coupant la tête de leurs ennemis et, surtout, mettant la langue à part. La légende de la bête à sept têtes en est un exemple bien connu, puisque le véritable vainqueur du monstre est découvert grâce au sept langues qu’il avait soigneusement conservées. Le symbolisme de la langue dans l’éducation gauloise et donc, au strict sens du mot, capital. Siège de la vertu belliqueuse, elle est aussi, par la parole qu’elle émet, la créatrice de l’éloquence politique, porteuse de messages, annonciatrice de prophéties et moyen privilégié d’exacerbation des pulsions homicides.

Ainsi druides, bardes et prêtresses apprenaient aux jeunes aristocrates, la fleur des guerriers, à « craindre les dieux, à ne rien faire qui ne soit noble et à s’exercer aux qualités viriles ». Ceux-ci devaient apprendre à se battre sous la direction des anciens, ce qu’une phrase bien comprise de César souligne lorsqu’il dit que les gaulois « n’admettent pas d’être abordés dans un lieu public par leurs propres enfants, avant que ceux-ci soient en âge de porter les armes ; ils estiment honteux qu’un fils encore enfant se tienne en publics sous les yeux de son père ».

Il fallait donc être considéré comme un guerrier adulte ayant voix à l’assemblée tribale et, pour cela, être passé par toute une formation. De même qu’il fallait vingt ans à l’apprenti druides pour être totalement initié, il devait exister aussi une véritable initiation pour ces guerriers en herbe que sanctionnait un rite de passage. Ces collèges de jeunes sont en effet courants dans toutes les sociétés indo-européennes, et c’est peut-être à eux que l’historien Polybe faisait allusion lorsqu’il parlait des hétairies des Celtes. Ils continuèrent très certainement sous la domination romaine, car, lors d’une révolte gauloise à Autun en 21 après Jésus Christ, Sacrovir « distribua en même temps à la jeunesse des armes fabriquées en secret ». Ainsi l’école romaine prenait-elle la suite de l’enseignement des druides et la noblesse gauloise continuait à faire s’entraîner les jeunes gens aux exercices physiques et militaires puisqu’ils ne possédaient pas d’arme et qu’ils surent manier celles qu’on leur distribua. 0219.jpg

Il est difficile de savoir comment cet entraînement se faisait. La chasse aux sangliers avec des épieux et des coutelas en étaient probablement la première forme. Le dressage des chiens, et peut-être aussi des faucons, constituait un apprentissage lent et difficile où le jeune Gaulois apprenait à lâcher la bête sur la proie de manière à faire se déchaîner toutes ses forces sauvages au meilleur moment. D’ailleurs, les gaulois importèrent jusqu’à la fin de l’Empire romain des chiens de chasse de grande race depuis l’Irlande. Ils les utilisaient aussi à la guerre pour les lancer contre leurs ennemis. De même, ils apprenaient à se servir pour la chasse à l’oiseau d’une espèce de javelot qui se lançait sans propulseur et qui allait plus loin qu’une flèche. Ils s’en servaient également en bataille rangée.

Ainsi la lutte menée contre les animaux permettait-elle de mieux affronter les hommes. La chasse préparait à la guerre. Il en résulterait une sauvagerie et une barbarie qui frappèrent beaucoup Grecs et Romains.

Au retour de la bataille, ils suspendaient à l’encolure de leurs montures les têtes de leurs adversaires. Ils en clouaient d’autres devant les portes. Ils embaumaient même les têtes des chefs de leurs ennemis à l’huile de cèdre et les exposaient dans leurs temples. Ainsi exaltaient-ils la violence pour que leurs jeunes gens devinsent des guerriers émérites.

L’embonpoint leur était interdit, et quiconque négligeant l’exercice physique voyait son tour de taille dépasser la mesure permise se trouvait sévèrement puni. Enfin, comme toujours dans ce milieu de compagnonnage militaire, il était normal que ces jeunes adolescents se prodiguassent mutuellement leurs charmes, car le désir de se montrer digne de son amant ne pouvait que pousser l’aimé à l’éblouir par son audace et sa force. L’amour pédérastique poussait ainsi à l’exaltation des forces physiques. De plus, il devait exister des jeux sportifs ou guerriers, du genre des courses de chevaux ou des combats de gladiateurs, auprès des sanctuaires religieux où se déroulaient de grandes fêtes solennelles, car une espèce particulière de combattants, appelé en gaulois cruppellaire, portait une cuirasse de fer lui couvrant tout le corps. Des esclaves sans cuirasse destinés à ces duels inégaux terminaient leur vie sous les yeux exaltés des spectateurs, ce qui n’était pas sans entretenir le goût du sang au milieu de ces festivités sauvages.

Nous ignorons l’âge auquel commençait et finissait l’adolescence aux yeux des gaulois, de même que nous ne savons pas quand l’enfant se trouvait séparé de sa mère.

 

Source : Histoire de l'enseignement et de l'éducation en France, Michel Rouche éd. Perrin

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25 mars 2014 2 25 /03 /mars /2014 18:00

Les gaulois n’ont laissé aucun écrit sur eux-mêmes et pratiquement aucune représentation de leurs Dieux. Longtemps, la religion gauloise n’a été connue qu’à travers des textes latins ou grecs qui ont servi de base à nos connaissances. Ainsi, depuis le XIXe siècle, on pensait que les cultes des gaulois étaient pratiqués dans les forêts profondes à proximité de sources... Depuis 30 ans, grâce à l’archéologie, nous en savons davantage sur leurs lieux de cultes et leurs rituels.

 

« Toute la population gauloise s’adonne avec passion aux pratiques religieuses. » En introduction à son exposé de la religion gauloise (dans la Guerre des Gaules, vers 52 – 51 avant Jésus Christ), César écrit cette phrase étonnante. Les historiens postérieurs ne lui ont pas prêté l’attention qu’elle mérite. Il est vrai que le conquérant de la Gaule qui la copiait d’un livre du savant grec Poséidonios d’Apamée, paru 30 ou 40 ans plus tôt, n’en mesurait pas lui-même la portée. Cette natio omnis Gallorum dont il parle n’est qu’une vue de l’esprit et la suite de son texte montre trop qu’il ne comprend guère ces religiones qu’il évoque de façon confuse : les sacrifices humains, quelques dieux qu’il désigne par le nom de leurs équivalents romains, d’étrange trophées d’armes. C’est pourquoi, pendant deux millénaires, historiens, philosophes et même les rédacteurs de l’Encyclopédie ont préféré se fier à leur propre imagination, puisant seulement dans quelques textes antiques haut en couleur : les accusations outrancières d’un Cicéron, la description précise mais non comprise d’un rite de cueillette par Pline, des évocations poétiques sans valeur documentaire.

On a ainsi parlé d’une religion naturiste, sans lieu de culte, pratiquée dans le plus profond des forêts, auprès de quelques phénomènes naturels, voire d’un dolmen. De le seul rite qui était décrit est évidemment le sacrifice humain accompli par un personnage énigmatique mi-devin mi-sorcier, le druide que César mentionne dans un autre chapitre de sa description de la société gauloise. Une ligne ou deux, tout au plus, dans les livres d’histoire. Il valait mieux suivre le conseil de Voltaire : « détourner les yeux de ses temps horribles ».

Et pourtant, depuis une trentaine d’années, c’est une tout autre vision de la religion gauloise que nous révèle les découvertes archéologiques : un univers spirituel ou les druides, des savants et des théologiens, joue le plus grand rôle, où le culte public - c’est-à-dire d’État - occupe toute la place.


D’authentiques sanctuaires


La découverte de la religion gauloise à commencer par celle de ses lieux de culte qu’on croyait inexistants. Le sanctuaire de Gournay-sur-Aronde (dans l’Oise), le premier identifié, est un enclos carré qui paraît petit (50 m de côté) mais n’est pas moins grand que bien de ses homologues de Grèce et du latium. Il en a aussi l’aspect : entourée de hauts murs et ornés d’un porche monumental. Poséidonios, qui avait fait un voyage en Gaule au tout début du premier siècle avant Jésus Christ, n’hésite pas à appeler «temenos » une telle enceinte et « propylée » son entrée couverte de boucliers, de lances et d’épées. Même l’intérieur lui rappelait ce qu’il voyait partout en Méditerranée : au centre une sorte de temple en bois et près de lui, un bosquet que grecs et latins qualifiés de « sacré ».

C’est qu’en gaule si le lieu de culte est un terrain commun aux dieux et aux hommes, où lessacrifice-gaulois seconds honorent les premiers par des donc qui ne peuvent être que ce qu’ils ont eux-mêmes produit : le bétail élevé parole, les dépouilles arrachaient un ennemi vaincu. Les animaux sauvages qu’on prétendait être le tout venant des sacrifices gaulois n’y avait donc pas leur place, pas plus que des hommes à titre de victimes : les uns comme les autres appartenaient au domaine divin. Les offrandes, animales et matérielles, étaient traitées comme en Grèce et en Italie. Les premières faisaient l’objet des deux types de sacrifices habituels. Le plus courant, dit « de commensalité », consistait à partager les bovidés, moutons et porcs entre les dieux qui n’en recevaient que sang et fumet des viscères et les hommes qui en consommaient sur place les meilleurs morceaux. Dans l’autre, exceptionnel, on précipitait des bœufs entiers dans une grande fosse servant d’autel -leur chair y pourrissant alimentait la divinité censée résider dans les entrailles de la terre ; les Grecs le qualifient de «chtonien ». Les offrandes matérielles quant à elles sont, surtout à date haute (IVème - IIème siècle avant J. C.), des armes. Elles étaient fixées sur les parois du sanctuaire et y demeurer des décennies, jusqu’au moment où leurs liens les laissaient choir au sol. Elles étaient alors désacralisées : on les pliait, les tordait, les priser. Les Grecs usant du même rite l’appelait : l’anathéma.

Cependant les gaulois différé de leurs voisins sur un point majeur : il ne donnait pas figure humaine à leurs dieux, ne leur fabriquait. De statut et n’avait, par conséquent, nul besoin de construire de temple où abriter pareille effigie. Le bâtiment qui occupait le centre des sanctuaires protégeait seulement l’autel, une grande fosse bordée d’un foyer, qui servait en toute saison, à l’abri des intempéries. Seule son ouverture sur l’extérieur rendu possible par les colonnes de bois supportant la toiture lui donnait l’allure d’un bâtiment classique qui lui avait peut-être servi de modèle.


Le culte public


Tous les lieux de culte découvert, depuis près de quarante ans, on sait allure de grand sanctuaire : les animaux qui ont été sacrifiés parfois par centaines et les armes offertes par milliers. Il ne fait guère de doute que ces aménagements sont l’œuvre de vastes communautés ne craignant pas ces prélèvements de leurs richesses. Le soin de la construction témoigne d’un engagement collectif : plan géométrique, matériau abondant et de qualité. Il faut parler ici de culte public, celui d’un groupe humain qui arbore sa puissance guerrière et affirme son autorité sur un territoire mis par lui en exploitation. S’il est excessif de reconnaître dans cette entité une civitas, comme l’appelle César, un de ses soixante grands peuples qui ont laissé des souvenirs dans les noms de nos villes ou de nos régions, on n’y verra sûrement l’une de ses subdivisions, le pagus, plusieurs tribus unies et occupant l’équivalent d’un ou deux de nos cantons.

Mais alors qu’en est-il à des pratiques religieuses plus individuelles ou familiales, celle qu’on dit généralement les héritières directes de croyances venues tout droit de la Préhistoire ? L’archéologie ne nous en dit rien : ni autel ni ex-voto dans les maisons pas plus qu’auprès des tombes. S’il y eut des cultes privés - l’absence de leurs vestiges ne pouvant signifier leur inexistence - , il faut pour le moins reconnaître qu’ils furent le contraire de ce de nature publique : ils ne se sont pas exprimés dans l’ostentation. Et pourtant, dans les deux cas, il s’agissait des mêmes hommes. Comment la société gauloise, en moins de deux siècles, a pu étouffer le culte de la personnalité de ces princes pour le remplacer par des formes collectives ?


Les druides au cœur de la religion


Pour le comprendre il faut interroger la personnalité des druides et leur rendre leur fonction dans la société. Les auteurs Grecs, mieux que César, nous disent qui sont ces étranges personnages qui le sont moins que ce que l’on s’est plu à imaginer pendant des siècles : des sages, quasiment des philosophes qui firent naître en Gaule les premières disciplines intellectuelles. Comme les mages en Perse ou les chaldéens en Assyrie, ils furent tout d’abord des spécialistes de la divination par l’observation des astres. Et cette pratique les a naturellement amenés à d’autres découvertes : le calcul, le calendrier, les cycles de la nature. Ils durent beaucoup aux Grecs dont ils servirent d’intermédiaire auprès des indigènes dans leurs activités commerciales. Très tôt on les compara aux Pythagoriciens, ce qui dit beaucoup des honneurs que non seulement les gaulois leur accordaient mais aussi les étrangers : comme les disciples du grand savant, ils prônaient la pureté, se vêtait d’une toge blanche, se réunissaient en des sortes de séminaires où l’enseignement n’était qu'oral. Les notes étaient proscrites pour encourager le travail de la mémoire mais aussi pour interdire la diffusion de connaissances conçues comme des armes spirituelles et politiques.

Ainsi les druides eurent conscience que le contrôle de la religion leur permettrait d’atteindre leur but : rendre la société plus morale et plus harmonieuse. Ils se firent théologiens. En interdisant les représentations des dieux, ils s’imposaient comme leurs interlocuteurs auprès des populations ; eux seuls connaissaient les désirs divins, les moyens et le bon moment de les satisfaire. Aux yeux des Grecs, la Gaule parut alors reconnaître un âge d’or : une société dirigée par les sages. Il est vrai que les druides seuls assuraient l’éducation d’une jeunesse choisie, qu’ils avaient rendu dépendante du culte public la vie politique, qu’enfin ils exerçaient une justice nationale, indépendante des potentats locaux.

Seuls leurs dogmes très particuliers et qu’ils diffusèrent largement rendirent possible l’ascendant des druides sur la société. En moins d’un siècle, ils firent disparaître des croyances populaires, notamment celle d’un au-delà où l’individu conserverait une existence larvaire, justifiant l’inhumation d’un mort avec armes et bijoux. Comme les Pythagoriciens et les poètes or physiques, ils professaient l’immortalité de l’âme et sa réincarnation perpétuelle dans de nouveaux corps : la vie, le cosmos tout entier obéissait à des cycles. Il valait donc mieux incinérer les morts et enfouir leurs cendres afinP1020697.JPG qu’elles regagnent au plus vite la demeure d’un Pluton gaulois, père de tous les hommes. Cependant, pour les besoins de leur cause, ils avaient aménagé la foi : les guerriers - la classe la plus importante et la plus dangereuse - échappaient au cycle des réincarnations, s’ils mouraient au combat. Non seulement la témérité de ces hommes était multipliée - ils n’hésitaient plus dès lors à combattre nus - mais leur force, origine du pouvoir politique, devenait dépendante de ceux qui pouvaient conduire leur âme à un paradis céleste auprès des dieux.

Les dieux eux-mêmes connurent une profonde réforme. La description très succincte en fait César montre des dieux désormais très policés : le premier et Mercure « inventeur de tous les arts », viennent ensuite Apollon qui « guérit les maladies », Minerve qui « enseigne les principes des travaux manuels », Jupiter « maître des dieux », Mars qui « préside aux guerres ». On est bien loin de ces divinités protectrices (la déesse mère par exemple) ou infernales qu’on dit venir de la Préhistoire. Ce panthéon très gréco-romain et celui que durent expliquer les druides à Poséidonios quand il faisait son enquête en Gaule. Nul doute qu’il était une enveloppe acceptable pour une forme de panthéisme, plus conforme à la philosophie de ces sages.

Cependant les druides et le culte public ne pouvait résister longtemps à l’ouverture de la Gaule sur le monde romain. La conquête de César l’ordonna le coup de grâce. La religion gauloise fut absorbée dans le culte public romain. Il en demeura fort peu de vestiges.

 

Source : Jean-Louis Brunaux - Le Monde de la Bible, Hors Série

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23 juillet 2013 2 23 /07 /juillet /2013 18:27

 

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24 juin 2013 1 24 /06 /juin /2013 07:05

 

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17 avril 2013 3 17 /04 /avril /2013 18:46

 

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10 avril 2013 3 10 /04 /avril /2013 07:03

 

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11 mars 2013 1 11 /03 /mars /2013 05:53

« L’Aquitaine s’étend de la Garonne aux Pyrénées » (César, Guerre des Gaules, Livre I – 1)

« Au bruit de cette victoire la plus grande partie de l’Aquitaine se rendit à Crassus, et envoya d’elle-même des otages. De ce nombre furent les Tarbelles, les Bigerrions, les Ptianii, les Vocates, les Tarusates, les Elusates, les Gates, les Ausques, les Garunni, les Sibuzates et les Cocosates ». (César, Guerre des Gaules, Livre III – 27)

« Les Aquitains diffèrent des peuples de race gauloise tant par leur constitution physique que par la langue qu’ils parlent, et ressemblent bien d’avantage aux Ibères. (…) On compte plus de vingt peuples aquitains, mais tous faibles et obscurs. (Strabon, Géographie, Livre IV – 2)

 

La Gaule Belgique s’étend au nord de la Seine, la Gaule Aquitaine au sud de la Garonne et la Gaule Celtique occupe l’espace entre Seine et Garonne. 

Les données archéologiques semblent indiquer que la région bordelaise est sous l’influence des Santons, et non d’un peuple aquitain. De même, les influences romaines (la Province romaine de la Transalpine existe depuis 118 av. J.C. et comprend Toulouse) se font fortement sentir jusqu’à la région d’Agen. La Garonne est plus ou moins la frontière entre les Aquitains et les Gaulois, mais cette frontière est fluctuante et perméable. C’est surtout un espace de rencontres et d’échanges.

Grâce aux textes antiques, il est possible de connaitre la localisation des peuples aquitains pour la période précédant la guerre des Gaules. Cependant, les auteurs de ces textes ont rarement voyagés dans les pays qu’ils décrivent et rapportent des témoignages de seconde main.

Aquitania_SPQR.png

En s’appuyant sur la toponymie, la toponymie et l’onomastique, linguistes et historiens ont essayé de préciser l’identité des populations dans l’Aquitaine définie par César. Ils ont cherché à déterminer l’origine celtique ou bien aquitanique (c’est-à-dire issus de la langue parlée par les anciens aquitains) des noms de lieux, de personnes ou de dieux.

On a ainsi pu remarquer que la répartition des noms de lieux actuels avec un suffixe en -os, -osse, -oz, -ués, considérés par les linguistes comme d’origine aquitanique, correspond assez bien à l’Aquitaine césarienne. Toutefois, on ne peut pas les dater précisément : un certain nombre d’entre eux se sont formés pendant la période romaine ou plus récemment encore. Les textes et les inscriptions antiques, plus fiable, montrent que les noms de personnes et de lieu à consonance aquitanique rares auprès de la Garonne, deviennent plus nombreux en allant vers les Pyrénées. Inversement, les noms de lieux et de peuples à consonance celtique sont rares au sud de l’Aquitaine est totalement absents dans le bassin de l’Adour ; plus on se rapproche de la Garonne, plus leur fréquence augmente.

A l’époque romaine, la langue celtique pénètre donc assez loin vers le sud et l’ouest de la vallée de la Garonne. Il est difficile de savoir si cette mixité linguistique témoigne d’un brassage survenu depuis la conquête romaine, ou si elle a échappé aux auteurs antiques qui ont dépeint la région avant celle-ci. Cette situation résulte peut-être en partie de l’installation en bordelais des Bituriges Vivisques (seconde moitié du premier siècle avant J.-C. ?) qui, selon Strabon sont le seul peuple gaulois établi chez les aquitains (Géographie, 4. 2. 1).

 

Au sud du fleuve, César donne les noms de douze peuples dont certains comme les Gates, les Ptiani et les Garunni sont difficiles à localiser. Les Bituriges Vivisques, habitants de Burdigala à la période romaine, ne sont pas encore installés dans le Bordelais à l'époque où César rédige la Guerre des Gaules.

Au nord du fleuve, les Nitiobroges habitent le Lot-et-Garonne actuel, les Pétrocores sont installés en Dordogne, les Lémovices dans le Limousin et les Santons dans la Saintonge actuelle. Généralement, les peuples occupent un territoire correspondant à un de nos départements actuel. Pour l’Aquitaine, chaque peuple occupe un espace plus restreint.

L’archéologie peut nous renseigner sur ces peuples au travers de certains objets. En allant du sud au nord de l’Aquitaine, les céramiques et les parures, par leurs décors, leurs styles, se rapprochent de plus en plus d’objets que l’on trouve en Gaule Celtique. Au sud de l’Adour, les influences en provenance des ces régions sont très rares et au nord de la Garonne, les influences ibériques et sud-aquitaines disparaissent.


En Aquitaine, les monnaies ont souvent une diffusion restreinte, correspondant à leur utilisation par le peuple qui les a créées. Elles sont de très bons marqueurs de l’influence des différents peuples.


Plus on s’éloigne dans le temps, plus les données sont rares. Il n’y a plus de textes et il devient impossible de mettre un nom sur ces peuples. Pour le Premier âge du Fer (entre 800 et 450 av. J.C.), on ne parle pas de Gaulois. On rassemble les populations comme le « Groupe girondin » ou le « Groupe landais » à partir des formes et des décors des céramiques. L’origine de ces populations fait encore débat : s’agit-il de populations ayant évolué sur place ou de groupes venant de l’est de l’Europe ?

 

Source : Au temps des Gaulois. L'Aquitaine avant César, Musée d'Aquitaine éd. Errance _ Gaulois d'Aquitaine éd. Ausonius

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 06:05

Les Celtes ont laissé une trace profonde dans la toponymie wallonne. Namur, par exemple, située au confluent de deux cours d'eaux importants, au pied d'une colline escarpée, dérive du nom latin Namurcum. Ce dernier contient la racine celtique nam- qui signifie vallée ou lieux escarpés. Mais l'exemple le plus flagrant, c'est l'Ardennes. Le nom du plus célèbre massif de Wallonie, vient de la déesse celtique Arduinna. Ce nom lui-même viendrait soit de arduo- (hauteur) ou de ar duen (la noire). Arduinna était la déesse tutélaire de la forêt ardennaise, et l'objet d'un culte à mystères. Son animal fétiche, et destrier, était un sanglier, animal au combien symbolique de l'Ardenne puisqu'il y pullule et qu'il sert de symboles à la Province de Luxembourg. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le sanglier était un candidat à la figuration sur le drapeau wallon au moment de la conception de ce dernier. Si finalement le choix s'est porté sur le coq hardi, nul doute que le sanglier aurait également été un bon ambassadeur de la Wallonie et de ses habitants. Si le fond celte a beaucoup apporté à la Wallonie, ce n'est pas lui qui la distingue de ses voisins. Les spécificités wallonnes sont apparues progressivement, au fil des événements.

 

Entre romanisation et poussées germaniques.

 

En l'an 58 avant notre ère, César, entreprend de faire la conquête de la Gaule Belgique. Les raisons de cette conquête sont à chercher à la fois à Rome, où la république est sur le déclin, mais aussi en Gaule, où les divisions internes mettent à mal les intérêts économiques des élites romaines. Dans cette conquête, César jouera habilement des divisions internes. Ces légions ne sont souvent que les arbitres des batailles entre les différentes tribus gauloises. Après avoir dominé, avec l'aide des Rèmes, les Séquanes et les Suessions, César s'attaque aux Atrébates et aux Nerviens. C'est la fameuse bataille du Sabis, dont la localisation exacte fait toujours débat. César remporte la victoire ; les Aduaduques, qui devaient venir en renfort, font demi-tour et se retranche dans leur oppidum parfois identifié à Namur. Assiégés, ils tentent de percer les lignes ennemies et sont décimés. César part alors pour le Sud, laissant aux Rèmes le soin de mettre la Gaule Belgique en coupe réglée.218.jpg

En -54, Ambiorix emmène les Eburons à la révolte. Il assiège deux légions à Atuatuca, leur promet la vie sauve s'ils quittent la région, les laisses sortirent puis les massacrent. Cet « exploit », même si César affirme qu'il est obtenu par perfidie, est unique dans les annales de la Guerre des Gaules. Les tribus voisines se soulèvent à leur tour. Nerviens, Aduatuques, et Ménapiens reprennent le chemin de la guerre. César doit revenir avec trois légions. La supériorité des troupes romaines est imparable, et les armées belges sont définitivement battues. Quelques guerriers gaulois réussissent à fuir en Bretagne (l'actuelle Grande-Bretagne), où ils retrouvent des tribus sœur et organisent une guérilla. César, qui avait déjà annoncé sa victoire et la pacification à Rome, n'a alors plus le choix. D'une part, il entreprend la conquête de la Bretagne pour supprimer les bases arrière de la résistance gauloise. D'autre part il laisse deux légions sur le territoire des Éburons. La mission de ses légions est simple : liquider toute résistance. La répression qui se met en place à toutes les caractéristiques de ce que les modernes appellent un génocide. En -52, c'en est fini de la guerre des gaules. En ultime symbole de sa domination, César se permet le luxe de se lever une légion entièrement gauloise, la Vème Aulaudae, dont le nom (« les alouettes ») fait référence aux plumes qui ornaient les casques.

 

Soumise et pacifiée, mais à quel prix, la future Wallonie intègre ce qui n'est pas encore l'Empire romain. Son territoire actuel s'étend sur quatre civitates : la cité des Ménapiens, dont la capitale et Cassel, la cité des Nerviens, dont le chef-lieu est Bavay, la cité des Tongres, dont la capitale et Aduatuca (l'actuelle Tongres), et la cité des Trévires dont la capitale est Trèves. De la première dépendent les territoires situés à l'ouest de l'Escaut, dont Tournai, Mouscron, Comines. De la deuxième cité dépendent les territoires situés entre l'Escaut d'une part, la Dyle et le Piéton d'autre part, dont Mons et Ath. De la troisième cité dépend presque tout le reste du territoire wallon, avec Charleroi, Namur, Liège. La Cité des Trévires s'étend sur l'extrême sud-est du territoire : Arlon.

 

 

Source : Histoire de Wallonie, Yannick Bauthière - Arnaud Pirotte éd. Yoran Embanner

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14 novembre 2012 3 14 /11 /novembre /2012 07:12

Avec une superficie de près de 78 ha, le site de Vernon (Eure) compte parmi les habitats fortifiés les plus étendus de la Gaule belgique. L'enceinte est implantée sur la rive droite de la Seine, à proximité de la confluence avec l'Epte, à l'extrémité occidentale d'un éperon calcaire naturellement défendu par des versants abrupts d'environ 80 m de dénivelé. Vers l'extérieur, un puissant talus de 4 m de hauteur – qui n'est plus conservé qu'en périphérie du tracé – barre l'accès au plateau sur une longueur de près d'un kilomètre. Deux systèmes d'accès principaux ont été repérés à partir des photographies aériennes.

 

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