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21 juillet 2011 4 21 /07 /juillet /2011 11:15

  Dès la fin du IVe siècle, le christianisme orthodoxe devient une religion de l’Empire. L’Église va se trouver placée devant une situation nouvelle. D’une part, de minorité plus ou moins persécutée (7% des habitants de l’Empire), elle va devenir majoritaire, bénéficiant des lois qui, sur une durée de trente ans, interdisent progressivement les cultes païens, même en privé. Les temples vont être démolis par les croyants enthousiastes ou, plus généralement, transformés en bâtiments publics. C’est ainsi que l’on a découvert récemment les débris monumentaux du sanctuaire de Vénus à Port-Vendres (Portus Veneris) – Pyrénées-Orientales - qui avaient été précipités dans la mer à cette époque.

  D’une autre côté, les définitions dogmatiques deviennent non plus seulement des questions de foi, mais aussi des enjeux politiques de première importance, pour lesquelles le pouvoir impérial se sent impliqué. D’abord parce que l’État apporte son soutien à la doctrine orthodoxe, mais également parce que tous les avantages de l’unité spirituelle risquent d’être menacés par les succès d’une hérésie.

  Une hérésie nous dit le dictionnaire, c’est une doctrine contraire aux idées émises par une religion ; et parmi les hérésies qui vont voir le jour, l’arianisme prendra une place importante.

  L’Incarnation et la Trinité sont les thèmes que les différents courants hérétiques remettent le plus souvent en causeste-trinite

 

  En affirmant la nature divine du Fils, les chrétiens se faisaient accuser de polythéisme par les juifs et les « judaïsants », mais, paradoxalement, également par les païens qui renchérissaient sur ce registre, accusant le christianisme de revenir aux mythes des demi-dieux. D’autre part, si jésus était né comme un homme, avait-il reçu sa nature divine de toute éternité ou progressivement ? Était-ll déjà Dieu avant de naître, seulement le jour de sa naissance ou l’est-il devenu ultérieurement, suite à une prise de possession de son corps par le Père ? S’il était déjà Dieu avant de naître par la chair, avait-il eu un commencement ou partageait-il avec Dieu créateur la divinité éternelle ? Cette question engendrait un second problème qui était la nature du Fils par rapport au Père, et par conséquent leurs places respectives, l’existence d’une hiérarchie entre les personnes de la Trinité.

  Le courant antitrinitaire, principale source d’hérésie,  remet en cause la Sainte Trinité : Le Père, le Fils et le Saint Esprit ne font qu’un, et aucun n’est supérieur aux autres.

 

  Le plus ancien hérésiarque connu sur ce sujet, fut Noët, un prêtre de Smyrne, qui vivait vers 180, et qui condamnait ce qu’il appelait la diversité en Dieu, prétendant renouer avec le monothéisme strict : la monarchie divine. Il fut chassé de l’Eglise d’Ephèse et mourut vers 200. Peu après à Rome et non plus en Orient, une hérésie voisine se fit connaître sous la férule d’un prêtre grec nommé Praxéas. Ce chef d’école avait commencé par adhérer au montanisme avec Tertullien, puis l’abandonna en se soumettant au pape Victor Ier, mais ce fut pour mettre en doute le Trinité en enseignant que le même Dieu était en même temps le Père et le Fils, c’est-à-dire le Dieu caché et le Dieu manifeste. Il fut cruellement moqué par Tertullien et supplicié sous Marc Aurèle en 180.

  D’autres hérétiques hostiles à la divinité de Jésus étaient les artémoniens : « Jésus a eu un commencement, donc il n’est pas Dieu », disaient-ils. Ils furent condamnés au concile d’Antioche en 216.

  Une autre façon de rejeter la divinité originelle du Christ était la théoriezénobie-palmyre « adoptianiste » de Paul de Samosate, évêque d’Antioche vers 260, qui fut longtemps soutenu par la reine Zénobie de Palmyre. Selon lui, le Christ était un homme à l’origine, mais il avait été adopté par Dieu comme son fils. Comme la toute puissance de Dieu ne connait aucune limite, il n’y avait rien d’étonnant à ce que Dieu le Père ait accordé à son nouveau fils l’homoousie, c’est-à-dire l’unité de substance avec le Père, les deux êtres divins ne formant alors plus qu’une seule personne.

  Enfin, certains, choqués par ce qu’ils considéraient comme une atteinte au monothéisme, tentèrent néanmoins de trouver une expression acceptable en préservant les images divines distinctes : ce fut le cas de Sabellius, évêque de Ptolémaïs en Libye de 250 à 260. Ce théologien voulut réaffirmer ce qu’il appelait la monarchie de Dieu, mais en formulant une théologie des « trois formes divines » : celle du Père créateur et testateur de la Loi, celle du Fils, le messager incarné, celle de l’Esprit projetant sa lumière sur les apôtres. Ce qui était important, pour lui, c’était de comprendre qu’il n’y avait pas trois personnes, mais une seule, prenant des formes différentes. D’où le nom de ses théories : modalisme. L’Eglise orthodoxe romaine condamna Sabellius au synode d’Alexandrie en 261.

  Cependant, c’est avec Arius que l’hérésie antitrinitaire reçut sa formulation la plusarius durable, appelée à un grand renom et à des rebondissements jusqu’à la fin de l’Empire romain. Arius (256-336) était un prêtre libyen qui se rendit célèbre lors d’une controverse avec Alexandre, évêque d’Alexandrie, aux alentours de l’an 318. Celui-ci s’attachait à montrer que la Trinité n’était pas incompatible avec l’Unité éternelle de Dieu. Arius s’opposa à lui, reprenant les objections de Sabellius et de Paul de Samosate, mais sans adopter leurs conclusions. En effet, Arius répétait que le Père seul était Dieu depuis le commencement des temps, le Fils étant créé par lui afin de devenir le « second créateur ». Il faut observer qu’Arius ne date pas la création du Fils au moment de la création du monde, en tous cas avant les autres créatures. Il s’agit donc d’une tentative de compromis entre les tenants de la stricte monarchie divine et les enthousiastes de la révolution de l’Incarnation. D’ailleurs Arius croit pouvoir trouver une allusion à cette seconde création, celle du Fils, dans le chapitre 8 du Livre des Proverbes : le monologue de la Sagesse (versets 22-31) :

  « J’ai été établie dès les temps éternels, Dès le commencement, avant la création de la terre.

  Quand il n’y avait point encore d’abîmes, j’ai été enfantée, Avant les sources aux eaux abondantes.

  « Avant que les montagnes fussent fondées, Avant les collines, j’ai été enfantée,

  « Avant qu’Il eut créé la terre et les campagnes, Et l’ensemble de la poussière du monde.

  « J’étais là quand Il disposa les cieux, Quand Il traça un cercle sur la surface de l’abîme.

  « Quand Il fixa les nuages en haut, Quand les sources de l’abîme jaillirent, Quand il assigna à la mer une limite que Ses eaux ne devaient pas franchir, Quand Il traça les fondements de la terre, J’étais à Ses côtés, son ouvrière, J’étais toute allégresse, jour après jours, M’égayant devant Lui sans cesse, M’égayant sur le sol fertile de sa terre, Trouvant ma joie dans les fils des hommes. »

  La doctrine du premier arianisme ne conteste pas la Trinité, comme on le croit souvent, mais seulement la consubstantialité et l’« égalité » du Père et du Fils ; il est subordinatialiste, c’est-à-dire que le Fils est soumis au Père. Dans la Thalie, une des rares œuvres qui nous soient parvenues, Arius explique que « le Fils n’a rien de propre à Dieu selon la substance qui lui est originelle, car il n’est pas égal à lui, ni même consubstantiel ». À la différence des patripassiens ou des modalistes ; Arius considère le Christ comme un Dieu, mais subalterne et changeant. Disciple du martyr saint Lucien d’Antioche, né à Samosate en 240, qui prônait une lecture très « historique » des Evangiles, il applique une grille critique aux actes de Jésus, voyant des contradictions dans ses actes et dans ses paroles et en tirant la conclusion que le Christ ne peut être le Dieu unique et tout-puissant. D’autre part, il intègre l’Incarnation dans cette logique de l’« infériorité » de Jésus : c’est parce qu’il était seulement le Verbe et non pas Dieu qu’il a pu s’unir à la chair. Du reste Arius et ses successeurs contestent à la fois la nature divine complète du Christ et sa nature humaine. Citons l’évêque arien Eudoxe de Constantinople (v.300-370), qui insiste lourdement sur ce point : « Nous croyons que l’unique Seigneur, le Fils, qui s’est fait chair, non pas homme, car il n’a pas assumé une âme humaine, mais il s’est fait chair, de telle sorte que Dieu nous fut révélé, à nous les hommes, à travers la chair comme à travers un voile, non pas deux natures, puisqu’il n’était pas totalement homme, mais Dieu dans la chair. » Ce texte parmi tant d’autres montre que l’arianisme est bien une solution de compromis : pour maintenir un monothéisme absolu sans pour autant abandonner la Trinité, il réduit à la fois la divinité du Christ et son humanité. Les conséquences de la formulation d’Arius contre Alexandre furent prévisibles : la condamnation d’Arius avec déposition. Alexandre fut secondé puis remplacé dans sa lutte par Athanase (298-373), inlassable pourfendeur de l’arianisme. Pourtant, il fallut attendre près de quatre siècles avant d’en venir à bout.

 

Source : Histoire des hérésies, Pierre de Meuse. Éd. Trajectoire

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1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 10:46

  En 324, l'empereur Constantin Ier, vainqueur de Lucinius à Andrinople rétabli l'unité de l'Empire romain. Se rendant en Orient, il constate un grand nombre de dissensions au sein du christianisme. Il prend donc la décision l'année suivante, de réunir un concile àConcile-Nicée Nicée (Turquie actuelle). Le concile de Nicée réunit des représentants de presque toutes les tendances du christianisme, il est considéré comme étant le premier concile œcuménique[1] bien qu'il ne s'agisse pas du premier concile à proprement parler. Cependant, les précédents conciles réunissaient un nombre bien plus restreint d'évêques, venant de régions moins éloignées les unes des autres (concile de Rome en 313, concile d'Arles en 314).

  Lors du concile, une définition de la foi est rédigée, sous la forme d'un symbole (c'est-à-dire d'une formule de foi). Elle sera complétée au concile de Constantinople en 381, pour devenir le «Symbole de Nicée-Constantinople» ou «Credo» (du latin, "je crois"). 

  L'adoption du Credo est un symbole d'unification du christianisme, on défini aussi de cette façon qui sont les vrais chrétiens; et les vrais chrétiens croient fermement, totalement et sincèrement tout ce qui est dit dans le Credo :


« Nous croyons en seul Dieu, Père Tout-Puissant,

créateur de tous les êtres visibles et invisible ;

et en un seul Seigneur  Jésus Christ,

le Fils de Dieu, engendré du Père, unique engendré,

c'est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu,

lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu,

engendré non pas créé,

consubstantiel au Père,

par lui tout a été fait.

Ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre,

qui à cause de nous les hommes,

et à cause de notre salut est descendu et s'est incarné,
s'est fait homme,

a souffert et est ressuscité le troisième jour,

est monté aux cieux,

viendra juger les vivant et les morts ;

et [nous croyons aussi] en l'Esprit-Saint.

Amen

 

  Ceux qui, comme le prêtre libyen d'origine berbère : Arius, ne reconnaissent pas le Credo comme leur profession de foi sont excommuniés.

 

  Le Credo est donc l'une des principales prières des catholiques du royaume de France, cependant, faible est la partie de la population sachant lire. Or, le peuple a peur de mal réciter les prières, il considère que la moindre erreur lors de la récitation d'une prière rend celle-ci nulle. Il est donc preferable de laisser à ceux qui sont instruits (les clercs) le soin de dire les prières.

  Dès le Vè siècle, les rois et les seigneurs les plus riches créent des monastères, des communautés religieuses, des prieurés où des clercs prient pour eux, pour leur famille et pour leurs morts - pour tous leur lignage. Fonder des monastères est d'ailleurs considéré comme le plus bel acte de dévotion que l'on puisse faire quand on en a les moyens.

 

[1] Concile qui réunit tous les évêques des diverses Églises.

Image : Icône du premier concile de Nicée (fêté le dimanche après l'Ascension). Au premier plan, l'évêque saint Spyridon s'exprime devant le concile et confond Arius. Derrière lui, préside à gauche (à droite de l'autel) le représentant de l’évêque de Rome, et en seconde place, à droite, la puissance invitante, l'empereur Constantin.

 

Source : L'Histoire N° 305

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11 mars 2011 5 11 /03 /mars /2011 01:21

  Les premiers monastères furent d'abord établis en Gaule du sud, sur les côtes de Provence, où s'exerçaient plus aisément les influences de l'Orient : les îles de Lérins (en 410, par Honorat), et Saint-Victor et Saint-Sauveur à Marseille (en 418 par Cassien), Arles (saint Césaire en 513). Par la suite, plus au Nord, les rois burgondes et francs dotent largement de nouvelles communautés; ainsi Sigismond, roi des Burgondes (515, Agaune), Clovis et Clotilde (Sainte-Geneviève à Paris). Childebert (Saint-Germain-des-Prés), Clotaire (Saint-Médard à Soissons), Radegonde, sa femme (Sainte-Croix de Poitiers), Brunehaut (Saint-Martin d'Autun). Plus tard se multiplient, en Normandie, en Ile-de-France et dans le centre, les fondations sur les terres des grands, comtes ou familiers du palais. Les premières règles de vie, en Provence, étaient encore inspirés de l'ascétisme oriental : longues prières et mortifications, peu de contacts avec le monde. Certaines de ces traditions se maintiennent longtemps; ainsi à Agaune, les moines devaient, sans arrêt, chanter des psaumes. Cependant, la règle de Césaire d'Arles, qui, au Concile d'Agde (en 506), avait fait préciser les règles disciplinaires pour le clergé séculier, marque un premier pas vers une vie monacale affranchie des pratiques orientales, une vie moins contemplative, mieux adaptée aux exigences de l'évangélisation des campagnes.

 

Saint Benoit de Nursie Small  L'action décisive fut ici celle de saint Benoit. Né en 480, à Nurcie (Ombrie), dans une famille noble, il passa sa jeunesse à étudier à Rome. Choqué par la vie dissolue qui s'y menait, il se retira dans une région déserte près de Subiaco (Abruzzes) et vécut en ermite dans une grotte (baptisée plus tard la grotte sainte) pendant trois ans. 

  Célèbre parmi les paysans pour de nombreux miracles, il fut sollicité pour devenir abbé dans un monastère du nord de l'Italie, et accepta. Mais les moines, en désaccord avec les règles qu'il imposa, tentèrent de l'empoisonner.

  Il s'établit ensuite au Mont-Cassin, en 529. Pour diriger ses moines, il rédige lui-même une règle marquée d'un sens aigu de l'organisation et duabbaye-Mont-Cassin commandement. Il y précise les attributions de l'abbé, l'emploi du temps religieux, la distribution des offices. L'originalité, face aux traditions orientales, tient surtout à la nécessité de l'engagement à vie, de la vie communautaire et du travail, intellectuel ou manuel.

  Cette règle de saint Benoit[1] qui aura un impact majeur sur le monachisme occidental et même sur la civilisation européenne médiévale, claire et commode, fut vigoureusement approuvée par la papauté et plus particulièrement par Grégoire le Grand (590-604) qui appartenait à une riche famille patricienne de Rome et fut d'abord préfet de la ville.

  Deuxième pape surnommé "le Grand", son épitaphe dans l'église Saint-Pierre le vénère au titre de consul dei, «consul de Dieu». Ayant hérité de vaste propriétés, il les donne afin qu'on ysaint grégoire-le-grandconstruise des monastère dont celui de Saint-André, sur le mont Caelius, à Rome, où il fut lui-même moine.

  Succédant à Pélage II, mort de la peste, bien qu'il ne le souhaite pas, il supplie l'empereur Maurice Ier (582-602) d'invalider son élection. Rien n'y fait, et lorsque le mandat impérial arrive, il est sacré pape contre son gré. Il est même élu à une unanimité exceptionnelle, en raison notamment de sa vie exemplaire, mais aussi de ses qualités d'administrateur.

  Grégoire le Grand sut réparer les ruines de la cité, nourrir les populations affamées et affaiblies. Il s'attacha surtout à organiser l'Église, à lui imposer une ferme discipline par l'envoi de visiteurs et par le contrôle des élections épiscopales, dans tout l'Occident. Ses ouvrages, (les Dialogues, les Morales sur Job, les sermons ou homélies, le Pastoral) montrent , par ailleurs, l'abandon des grandes controverses dogmatiques et le désir d'offrir des règles pratiques de la religion et de la vie chrétienne. Enfin, il affirme sa suprématie sur les métropolites d'Italie du Nord et les patriarches orientaux. Sous son règne, face à Constantinople et à Ravenne, Rome reprend sa place de capitale, mais cette fois de capitale spirituelle.

 

Peinture de Saint Grégoire le Grand parFrancisco de Zurbaran (XVIIè)

[1] La Règle de Saint Benoit (PDF)

 

Sources : Précis d'histoire du Moyen Âge, Jacques Heers - Tous les papes, Reinhard Barth -  Nominis : Saint Benoît

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1 mars 2011 2 01 /03 /mars /2011 01:25

Réponse à la question du mois de février qui était : Au IVè siècle, le 37è pape confie à un certain Eusebius Sophronius Hieronymus une mission d'une extrème importance pour la chrétienté. Quels sont les noms usuels de ces deux personnages, et surtout, quelle est cette mission ?

 

  En 383, Damase, 37è pape, confie à Eusebius Sophronius Hieronymus, plus connu aujourd'hui sous le nom de saint Jérôme de Stridon, la tache colossale de traduire l'intégralité de la Bible en latin, la langue courante de l'époque. En effet, la Bible n'est traduite que partiellement, dans un mauvais latin, ou alors en hébreu ou en grec, mais avec de nombreuses fautes ou erreurs.

  Damase qui lutte contre les hérésies, voudrait que les chrétiens puissent lire la bible, du début à la fin, et sans erreurs. Jérôme, que le pape a pris pour secrétaire est le seul capable d'effectuer ce travail.

  Simple prêtre avant d'être recruté par Damase, Jérome parle le latin aussi bien que l'hébreu ou le grec. Sa mémoire est fascinante, il écrit avec une élégance rare, en un mot, c'est un génie !

  La traduction de la bible prendra plus de vingt ans, mais Jérôme aime travailler sur ces textes, de plus il a bien conscience de l'importance de cette tache.

  Damase meurt en 384, et Jérôme quitte alors Rome pour Bethléem. Il poursuit son travail et lorsqu'il s'éteint à son tour en 420, sa mission est accomplie : il existe enfin une belle traduction de la bible. On l'appellera la Vulgate, c'est à dire la Bible «pour tout le monde». Effectivement, pendant des siècles, c'est la Bible de Jérôme que liront tous les chrétiens du monde.

 

    DAMASE Ier

 

Né à Rome vers 305 et mort le 11 décembre 384; pape à partir du 1er octobre 366.

 

  Au IVè siècle, l'Église catholique est en pleine confusion, des élections irrégulières portent sur le trône pontifical des prétendants alors qu'un pape exerce déjà ou pendant une vacance du trône : ce sont des antipapes.

  Damase devient pape en 366, il succède à Libère et Félix II, respectivement pape et antipape.Damase Alors que les partisans de Libère élisaient Ursin dans la basilique julienne, leurs adversaires choisissaient Damase. Celui-ci parvint à s'imposer par la violence : il paya des hommes de main qui envahirent la basilique et semèrent la terreur pendant trois jours parmi les partisans d'Ursin. La bande occupa l'église de Latran le 1er octobre 366, et Damase Ier fut sacré pape. Il fit ensuite appel au préfet(une première dans l'histoire de la papauté) afin de chasser Ursin et ses fidèles de Rome. Cet épisode fut également sanglant.

  Constamment tracassé par les partisans d'Ursin, Damase parvient à s'imposer avec l'aide de l'empereur. Il poursuit dès lors, les doctrines qui s'écartaient du christianisme avec la même ardeur qu'il avait autrefois démontré contre ses adversaires à Rome, notamment l'arianisme, le priscillianisme (un mouvement ésotérique espagnol) et l'apollinarisme. Il n'hésite alors jamais à faire appel au soutient de l'État. Il n'entretient que peu de contacts avec les Églises orientales et ne participe pas davantage au concile de Constantinople (381) qui condamna la doctrine selon laquelle le Saint-Esprit serait une créature du Christ et établit définitivement la doctrine de la Trinité. À Rome, en revanche, Damase Ier pose des jalons important pour la consolidation du primat romain. Il obtient que le Saint-Siège soit reconnu comme l'instance juridique pour toutes les questions relatives à la foi et aux mœurs.

  L'établissement du christianisme comme religion d'État (27 février 380) par l'empereur Théodose Ier (379 - 395) est conforme aux attentes du pape. Il fait également construire un grand nombre d'églises (entre autres, l'église Saint-Laurent-in-Damaso), et fait restaurer les catacombes, fermées depuis les persécutions sous Dioclétien, et parer les tombes des martyrs avec des vers de son cru poétique, gravés avec art. À la fin de sa vie, il engage saint Jérôme comme secrétaire et lui confie la rédaction de la Bible en latin, la Vulgata.

 

Saint Jérôme de Stridon

 

 Eusebius Sophronius Hieronymus est né en 347 à Stridon, cité située entre la Pannonie et la Dalmatie (actuelle Croatie). Son père l'instruit dans les lettres, puis Jérôme part effectuer ses études à Rome auprès du grammairien Donat. Il va ensuite en Gaule étudier la rhétorique, puis à Trèves, transcrire des œuvres pour la bibliothèque.

  Après avoir reçu le baptême en 366, il voyage beaucoup pendant quelque temps pour maintenir les liens avec érudits, théologiens et exégètes. Il mûrit sa décision de se faire moine et part vivre en ermite dans le désert de Chalcis en Syrie, de 375 à 378.

  Après être allé à Constantinople étudier avec Grégoire de Nazianze, il se rend à Rome, où éblouie par ses connaissances, le pape Damase Ier en fait son secrétaire particulier.

  À la demande de ce dernier, il se lance dans la rédaction d'une bible en latin, intégrale, débarrassée de fautes et d'erreurs, connue sous le nom de Vulgate. Après la mort de Damase, Jérôme part poursuivre son travail en terre sainte. Il s'installe à Bethléem où il fonde un monastère. Celui-ci est composé d'une hôtellerie afin d'accueillir les pèlerins, mais aussi d'un monastère pour les femmes. Jérôme défend tout au long de sa vie la possibilité pour les femmes d'avoir une vie consacrée. Dès l'époque romaine, il défend la virginité de la femme dans son traité Contre Helvidius. 

  Le statut des femmes à Rome à l'époque de Jérôme laissait place à une large émancipation pour les femmes riches de Rome; l'apparition de femmes consacrées encouragées par Jérôme était donc une nouveauté qui était mal vue par la société romaine. Il commence à rencontrer des femmes dévotes à Rome, Marcella, amie du pape Damase Ier, puis d'autres romaines comme Paule auxquelles il enseigne la Bible et l'exégèse.

  Après une vie bien remplie et passionnante[1], Jérôme de Stridon meurt le 30 septembre 420, à Bethléem. Considéré comme un des Pères de l'Église catholique, il est fait  docteur de l'Église en 1298, par Boniface VIII.

  vulgate1

                                               Vulgate de Saint Jérôme, publiée à Paris en 1552

 

 

 Lorenzo Lotto

Saint Jérôme pénitent, vers 1520

st-jérome-pénitent2

Analyse du tableau :

Saint Jérome est représenté en ermite, portant la barbe et à demi nu. Les tableaux qui lui sont consacrés le représente soit travaillant dans un petit cabinet, soit, comme c'est le cas ici, en vieil homme en fin de vie.

_ À l'arrière plan, sur la droite, on distingue, au loin la ville de Rome, où l'on reconnaît la silhouette du château Saint-Ange, représentée ici pour souligner le détachement de l'ermite vis-à-vis de la cité terrestre.

_ À gauche, sous les arbres, un lion : selon La Légende dorée, saint Jérome guérit un lion qui s'était blessé à une patte. L'animal est considéré comme un symbole de la force brute vaincue par la pitié.

_ Tout en bas, dans l'angle à gauche (pas très visible sur cette image hélas !), un crâne d'oiseau fait allusion à la vanitas.

_ Il y a aussi un peu sur la droite du crâne, un serpent (entre le crâne et la sauterelle) : celui-ci est un symbole du démon insidieux, prêt à tenter l'ermite dans le desert.

_ Dans la main droite, le saint tient une pierre : il s'en sert pour se frapper la poitrine en signe de pénitence, mais aussi pour vaincre les tentations de la chair.

Selon l'interprétation médiévale, reprise par La Légende dorée, Jérôme devait, pour être secrétaire du pape, être cardinal. C'est pourquoi figure un manteau pourpre à ses côtés, mais Jérome n'était pas cardinal.

_ Des livres sont posés devant lui : le livre est un attribut iconographique de l'homme d'étude; dans ce cas précis, on peut le rapporter à ses nombreux écrits exégétiques, mais aussi à l'entreprise de la Vulgate.

_ Autour des livres, il y a des plantes grimpantes symbole de fidélité et donc de solidité de la foi.

_ Dans la main gauche, saint Jérome tient un crucifix, attribut des ermites, objet de méditation devant lequel le saint se prosterne en signe de pénitence.

 

[1] à lire : Saint jérome par Philippe Henne, ou par Régine Pernoud

 

Sources : Phillipe Henne, Saint Jérôme, éd. Cerf_ Reinhard Barth, Tous les papes, éd.komet _  Le livre des merveilles, éd. Mame

 

Saint Jérome par Le Caravage sur le blog Scripta manent : cliquez ici

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27 décembre 2010 1 27 /12 /décembre /2010 22:37

  Léon Ier et Grégoire Ier sont les seuls papes qui portent, accolé à leur nom, le qualificatif «le Grand». Léon Ier était originaire d'une famille de Toscane. Archidiacre sous Célestin Ier et Sixte III, il exerçait une grande influence sur la politique de l'Église de Rome, et ce, déjà avant son pontificat. Son élection eut lieu alors qu'il était en mission diplomatique en Gaule pour le compte de l'Empereur. Il fut sacré à son retour en 440, le 29 septembre, jour qu'il fêta ensuite chaque année comme son «jour d'anniversaire». Le discours qu'il faisait en ce jour reflète son approche de l'autorité supérieure et universel de l'Église, qui n'était pas affectée même quand la fonction supérieure pastorale était mal assumée. «La dignité de Pierre n'était pas entamée par une succession indigne», telle était la formule avec laquelle Léon Ier exprimait sa vision de la tradition papale, dont les racine remontaient à la mission de l'apôtre Pierre par Jésus, comme une valeur en soi, indépendamment de la personne qui en exerçait alors la fonction.

  L'œuvre de Léon Ier à Rome est éclairée par quatre-vingt-dix-sept prêches qui nous sont parvenues, ainsi que par cent soixante-treize lettres (dont trente lui sont adressées). Il combattit âprement les doctrines erronées, notamment celles du manichéisme et du pélagianisme, et émit un grand nombre de décrétales sur des questions de discipline dans les Églises occidentales. Dans sa célèbre lettre dogmatique de 449, le Tomus Leonis, adressée au patriarche de Constantinople, il défendait les deux nature du Christ - divine et humaine - contre le monophysisme. Le Tomus Leonis servit de fondement à la définition de la foi lors du concile de Chaldénoine, en 451. Léon Ier ne put toutefois pas empêcher que l'on accordât les mêmes prérogatives religieuses à Constantinople qu'à Rome. Il veilla cependant à entretenir de bonne relation avec le pouvoir laïque de l'Empire byzanthin, et créa une délégation papale permanente à la cour de l'Empereur de Constantinople.

  À l'ouest, où l'Empire était en pleine décadence, le pape se vit reconnaître une autorité politique croissante en 452, il parvint à obtenir le retrait d'Italie des Huns sous le commandement d'Attila; en 455, il obtint de Genséric, le roi des Vandales qui occupaient Rome, que la population soit épargnée. Lors de l'intervention du pape face aux Huns qui dévastaient le pays, l'empereur demanda, raconte-t-on, conseil au pape. Léon Ier pria à genoux trois jours et trois nuits durant. Puis il se leva et dit : «Que celui qui veut me suivre le fasse». Accompagné de quelques dignitaires, il partit à la rencontre d'Attila à Mantoue. Lorsque ce dernier le vit, il tomba à genoux, et le pape lui ordonna de quitter l'Italie avec ses troupes. Attila s'exécuta. Lorsqu'on lui demanda pourquoi l'homme le plus puissant du monde avait satisfait le souhait d'un homme d'Église, Attila répondit : «C'est pour mon et votre salut, parce que j'ai vu à la droite du pape un horrible chevalier, une épée à la main. Il prédisait ma perte et celle de mon peuple si je n'obéissait pas». La scène est fixée pour toujours dans l'estampe du Vatican sur un tableau de Raphaël. À sa mort, le 10 novembre 461, Léon Ier le Grand fut enterré sous le porche de l'église Saint-Pierre, puis ses ossements furent transférés à l'intérieur de l'édifice, en 688. En raison de son engagement pour la musique religieuse, saint Léon (fêté  le 10 novembre) est le patron des chanteurs et des musiciens.

  Raphael-Leon Attila-1513

                                             La rencontre entre Léon Ier le Grand et Attila

 

 Raffaello Sanzio, plus connu sous le nom de Raphael réalisa cette œuvre en 1513, au Vatican, dans la chambre d'Héliodore. Autrefois, cette salle était réservée aux audiences privées du pape. Elle fut décorée aussitôt après la salle de la Signature. Les scènes, à fond politique, illustrent la protection miraculeuse accordée par Dieu à l’Eglise, en divers périodes de l’histoire allant de l’Ancien Testament à l’époque médiévale. Raphaël a également peint sur la voûte les quatre épisodes de l’Ancien Testament. La dernière fresque peinte dans la Chambre d'Héliodore fut La Rencontre entre Léon Ier le Grand et Attila, le triomphe de la chrétienté sur les peuples barbares.Elle fut terminée après la mort de Jules II (pape de 1503 à 1513), sous le pontificat de son successeur Léon X (pape de 1513 à 1521).Léon Ier est représenté sous les traits de Léon X qu’accompagnent les envoyés de Dieu qui provoquent la panique dans les troupes ennemies. L’Eglise est victorieuse face à la menace extérieure sur les territoires que Dieu lui a accordé. Dans le contexte politique de l'époque, le message possède un double sens : il met en garde les souverains européens qui souhaiteraient attaquer les provinces italiennes. Raphaël a situé l’épisode aux portes de Rome dont on voit le Colisée, un aqueduc, un obélisque et d’autres édifices, alors qu’en réalité ce fait historique a eu lieu en Italie du Nord, dans les environs de Mantoue.

 

Sources : Tous les papes, Rheinhard Barth éd. Komet - http://mv.vatican.va - http://histoiredelart.net

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2 novembre 2010 2 02 /11 /novembre /2010 17:52

À la fin du IVè siècle, par la volonté de théodose, non seulement le christianisme devient seule religion d'État, mais encore l'accès aux fonctions publiques est interdit à tout homme qui ne professerait pas la religion du Christ[1]. Par voie de conséquence, la diffusion du christianisme s'effectue dans le cadre du réseau administratif, ce qui explique la prise de responsabilité des évêques lorsque l'Empire défaillant voit son administration disparaître.

 

livrhist 007  À partir du Vè siècle, les évêques s'impliquent donc beaucoup plus dans l'administration des cités qui était assurée au temps de l'Empire romain par les chefs des grandes familles réunis dans des assemblées municipales. Progressivement, le ravitaillement de la cité, l'entretien des bâtiments civils, l'enseignement et dans une certaine mesure l'exercice de la justice passent dans les mains de l'évêque et de ses clercs.Cette évolution qui s'explique en grande partie par la décadence de l'Empire, a une autre conséquence : dès lors, la fonction d'évêque est briguée par les familles aristocratiques, qu'elles soient issues de l'ancienne noblesse sénatoriale gauloise ou de parentèles puissante d'origine germanique.

  Ce renforcement de pouvoir de l'évêque dans la cité se traduit par l'installation de celui-ci au cœur de la ville enserrée par des remparts dont la construction date le plus souvent du IVè siècle. Désormais, cathédrale, basiliques annexes, résidence de l'évêque, logement des clerc, lieux d'accueil couvrent alors une part considérable de l'espace urbain.

  La conversion de Clovis, si elle influence son entourage le plus proche, ne suscite pas immédiatement une adhésion personnelle massive au sein du peuple franc. Elle est surtout appréciée par la population gallo-romaine, heureuse de voir le roi rejoindre leur communauté.

  L'association entre le pouvoir et les évêques devient alors officielle, comme le montrent à partir du concile d'Orléans de 511 et tout au long des VIè et VIIè siècles, les assemblées régulièrement réunies dans toutes les grandes villes du royaume.

  Les relations entre la royauté et les grands monastères témoignent elles aussi de l'idée que les souverains se font de leur fonction. Depuis le VIè siècle, rois et reines ont pris l'habitude de fonder et doter à titre personnel de grands monastères ( comme Saint-Marcel à Chalon, Saint Médard de Soissons ou Saint Denis).

  Les évêques désignés à clero et populo, c'est à dire par les clercs et les laïques les plus éminents, doivent à partir du milieu du VIè siècle, voir leur nomination entérinée par un écrit du roi; ensuite seulement, seront-ils consacrés par l'évêque métropolitain (l'évêque de la province, plus tard, archevêque).

  L'organisation de l'Église est issue du découpage administratif romain. La Gaule était divisée en cités, regroupées en provinces. Chaque chef-lieu de cité devient un siège épiscopale.

  Les évêques sont à la tête du clergé de leur diocèse; ils ordonnent les prêtres, consacrent les églises, administrent le sacrement du baptême et de la confirmation. Leurs sermons doivent diriger les fidèles. Ils remplissent aussi une fonction essentielle, dans la vie quotidienne des cités. Ils défendent leurs administrés face aux rigueurs de la justice civile ou aux exigences abusives du fisc. Ainsi, Saint Germain d'Auxerre, qui avait commandé les troupes romaines entre Seine et Garonne, avant de devenir évêque, s'en alla un jour à Arles, protester contre les impôts exceptionnels qui surchargeaient son diocèse.

 Plus les circonstances deviennent critiques, plus nettement se dessine le rôle politique des évêques, leur esprit d'humanité, de charité, les portait à être l'organe de leurs villes, à en être les bastions.

 

«Que le flot des barbares vienne se briser contre le Christ, et qu'ils se laisse dompter». Ces vers de saint Paulin de Nole définissent bien l'attitude qu'allait prendre, tout le long du Vè siècle, l'épiscopat gallo-romain.

 

 

saint-aubin 

  L'Église et les évêques possèdent des biens considérables, mais ils ont le devoir de secourir les pauvres et les malades, pour lesquels ils fondent parfois hospices et léproseries. Les évêques se chargent souvent de la réparation des remparts ou des édifices de leur cité. Outres les réparations, certains consentent également à bâtir, perpétuant ainsi les traditions artistiques et architecturales romaines. Dans ces nouvelles basiliques urbaines ou suburbaines, telle la basilique Saint-Pierre-et-Saint-Paul à Paris, accourent des foules de pèlerins venus vénérer les reliques des saints qui s'y trouvent conservées. Leurs pouvoirs vont croissant. Seul maître de la cité, l'évêque en devint le défenseur, l'administrateur, voire le percepteur. 

  Une telle charge a pu entraîner des ambitieux à briguer la nomination, et à en user à des fins politiques : l'histoire mérovingienne abonde en évêques guerriers ou intrigants, mais le nombre de pasteurs dévoués et efficaces que la foule canonisera spontanément est beaucoup plus élevé.

  Après le souverain, l'évêque est l'homme de la politique religieuse du haut Moyen-Âge. Dans le cadre de son diocèse, dans les limites duquel il veille jalousement à l'exercice de ses pouvoirs, c'est lui qui a la responsabilité concrète de la christianisation sous toutes ses formes. Il mène également un combat systématique contre les éventuelles manifestations hérétiques, et plus encore contre toutes les formes de ce qui semble ressortir du paganisme. Cette lutte anti-païenne est marquée par la prédication, par des gestes spectaculaires comme la destruction d'anciens lieux de culte païens, par diverses actions destinées à montrer la toute-puissance du Dieu des chrétiens, par une politique plus subtile de récupération ou d'adaptation de lieux ou de coutumes païennes dont on conserve la forme extérieure mais dont on modifie l'interprétation.

 

  Dans les actes du concile que Clovis convoqua à Orléans, en juillet 511, les trente-deux évêques présents, saluent le roi en des termes respectueux sans équivoque et précisent explicitement que c'est Clovis lui-même qui a établit l'ordre du jour de la réunion, que c'est lui qui prendra les décisions en la matière et que leur avis n'est que consultatif. C'est dans cette ligne que se succèderont, sous les rois mérovingiens des VIè et VIIè siècle, quelque trente autres conciles dont les actes ont été conservés.

 

  Suite à la chute de l'Empire romain, l'autorité religieuse catholique, par l'intermédiaire de ses évêques, a donc pris la responsabilité du pouvoir dans les grandes villes Gauloises. Si cela fut une aubaine pour l'Église, les cités désorganisées par la disparition de l'administration et fragilisées par la disparition progressive des armées qui assuraient leur protection, trouvèrent dans les évêques des hommes dévoués et compétent pour les guider. Puis, lorsque Clovis pris le contrôle du pays et embrassa la religion du Christ, les hommes d'églises conservant de nombreux avantages et certaines responsabilités, abandonnèrent l'autorité principale aux rois, séparant ainsi que l'avait préconisé le Christ, le pouvoir spirituel du pouvoir temporel.

 

 

[1] Toutefois, au sein de cet Empire catholique, certains royaumes germaniques "fédérés" ont obtenu de l'Empereur l'autorisation de conserver leur roi, leur droit, leurs coutumes mais aussi leur religion -païennes ou, parfois ariennes-; dans les territoires où ces fédérés ont été établis.

 

Sources : L'Histoire N° 358 _  Dossiers d'Archéologie N° 223 _ Histoire de la Nation Française Tome VI - Gabriel Hanotaux _ Clovis - collection Rois de France - ed. Atlas

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21 octobre 2010 4 21 /10 /octobre /2010 18:11

  L'irlande, restée en marge du monde romain, puis de la Bretagne anglo-saxone, garde ses anciennes coutumes, ses structures politiques et sociales bien partculières : confédérations tribales dominées par des chefs, des rois soumis eux-mêmes à des rois plus puissants. L'évangélisation du pays fut l'œuvre de missionnaires : prètres envoyés par le pape (en 431 par Célestin Ier) et, surtout, Patrick; ce dernier, Breton, un temps captif en Irlande, séjourna ensuite en Gaule, et y fut consacré évêque par Germain d'Auxerre, en 432, pour aller évangéliser les Irlandais.

StPatrick  Maewyn Succat, le vrai nom de Patrick est né aux environs de 385, sa grand-mère était originaire de la région de Tours, son grand-père était était prêtre (à l’époque, le clergé occidental n’était pas encore soumis à l’obligation de célibat) et son père diacre. En 405, le jeuna Maewyn alors âgé de seize ans est enlevé par des pirates irlandais, qui le vendent comme  esclave. Durant ses six années de captivité (dans une cage), il est berger pour le compte d'un chef de clan irlandais. Peu religieux avant sa capture, il rencontre Dieu et devient un crétien dévot. En 411, éclairé par le Christ, il parvient à s'échapper, embarque sur un bateau et débarque en Gaule quelques jours plus tard. Ayant rejoint sa famille, il se consacre à la religion, puis gagne les îles de Lérins, et s'installe au monastère de saint Honorat où il se consacre à des études théologiques pendant deux années. Enfin, auprès de saint Germain d'Auxerre, il devient diacre puis évêque. En 432, il retourne en Irlande qu'il commence à évangéliser. Il sillonne tout le pays prêchant, enseignant, construisant églises, monastères et écoles. Par son courage héroïque, son humilité et sa bonté, Patrick est considéré par les Irlandais comme leur guide.

  La nouvelle Église vite toute puissante, s'organise autour des monastère qui, en l'absence de villes et d'évêques, exercent l'autorité spirituelle sur les campagnes, deviennent les seuls centres de la vie religieuse et intellectuelle.

  Les premiers moines irlandais vivaient en ermites. Mais, par la suite, se multiplient les couvents dispersés dans toute l'île : Clouard fondé par saint Finnian, Clonmacnoise par Ciaran, Durrow et Derry par Colombus qui émigre ensuite sur la côte d'Écosse où il s'établit dans l'île d'Iona (il y meure en 597). Ces monastère construit souvent à la façon des habitations des rois - les raths - étaient entourés, pour se protéger des loups et des brigands, de murs circulaires ou de remparts de terre de plusieurs mètres d'épaisseur. Dans cette enceinte sont rassemblés de nombreux batiments, en ordre dispersé : église, réfectoire, hospice, école, cellules pour deux ou trois moines. Bâtiments fort modestes : les cellules ne sont souvent que des cabanes de branchages et les églises, rectangulaires, aux belles pierres taillée, couvertes d'un toit pointu fait de grandes dalles minces, n'ont que trois à cinq mètres de longueur. Seuls quelques rares monastères avaient construit d'imposantes églises où pouvaient se tenir les fidèles; partout ailleurs, ceux-ci priaient dehors, près d'une croix de pierre dressée dans l'enceinte.

croix-celtique

   Les règles de la vie monastique, en Irlande, s'inspirèrent d'abord de l'Orient. Celle de saint Colomban, déjà tardive (vers l'an 500), insiste toujours sur la pauvreté, la chasteté, la mortification; mais elle fait du monastère une communauté étroite, soumise à une stricte obéissance, à des pénitences sévères; cette communauté doit partager son temps, entre la prière, l'étude (ou la copie des livres) et le travail. Les monastères qui pratiques largement l'hospitalité, dirigent la vie spirituelle des laïcs; leurs pénitenciers, ou guides de confesseurs, furent ensuite largement utilisés dans tout l'Occident. Leurs écoles accueillent de nombreux disciples venus d'Angleterre. Ainsi se fondent de grandes cités monastiques où vivent, près de l'abbé et des moines, plusieurs centaines de maîtres, d'étudiants, artisants et ouvriers agricoles. À Toomregan, le monastère comptait trois écoles : une pour les études latines, une pour le droit irlandais, une pour la poésie irlandaise.

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                                                     Monastère de Clonmacnoise (Irlande)

  Ces moines irlandais doivent sans doute aux traditions aventureuses des Scots (piraterie, expéditions sur les côtes de Bretagne er d'Écosse) leur goût des voyages lointains et de la vie errante. La peregrinatio, le désir d'isolement, vertus fondamentales, expliquent les sites escarpés des monastères, dressés sur des îlots rocheux ou des montagnes abruptes, et les longues migrations solitaires; comme celle de saint Brendan. Ces moines errants se lancent à la découvertes des îles du Nord. Sur le continent, en Gaule et en Germanie,ils furent de hardi missionnaires. Saint Colomban, le plus actif et le plus célèbre, fonde d'abord les monastères de Luxeuil et de Fontaine (eu sud des Vosges). Mais il se heurte aux évêques. Expulsé par Brunehaut, il gagne la Suisse (où son discilple saint Gall dirige ensuite une importante communauté), la cour des rois lombards, et enfin Bobbio dans l'actuelle Émilie-Romagne. Il y construit un nouveau monastère, bientôt centre d'évangélisation, de lutte contre l'hérésie arienne et de défrichement des forêts voisines. Il y meurt en 615. En Gaule, les disciples de saint Colomban installent de nombreux monastères qui suivent tous la même règle : à Coutances, Fontenelle (Saint-Wandrille), Saint-Éloi (Solignac en Limousin), Corbie, Remiremont, Hautvilliers et Saint-Valéry-en-Vimeu.

 

Sources : Patrick d'Irlande - Wikipédia _ Précis d'histoire du Moyen-Âge - Jacques Heers

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1 septembre 2010 3 01 /09 /septembre /2010 14:24

  Ernest Lavisse est né le 17 décembre 1842 et est mort le 18 août 1922. Cet historien a écrit de nombreux ouvrages, parmi lesquels les « manuels Lavisse », qui ont accompagné la formation de multiples générations de professeurs, d’instituteurs et d’élèves. Ils vont faire naître, phénomène nouveau, une véritable culture historique populaire en France. Toutefois, bon nombre de clichés y trouvent aussi leurs sources, Lavisse étant souvent plus soucieux d’une reconstruction systématique de l'Ancien Régime en fonction de l’avènement de la République que d’une stricte recherche de la vérité historique.

  Le texte qui suit, issue de Histoire de France Tome I - Les Origines (395-1095),écrit en 1893, et traitant des missions chrétiennes en Gaule au IIIè siècle, est digne de confiance, même si depuis, les recherches historiques ont apporté de nombreuses précisions.

 

  Les missions au IIIè siècle.

 

  Sous le règne de Dèce, écrit Grégoire de Tours, sept hommes, après avoir été ordonnés évêques, furent envoyés pour précher la foi en Gaule, ainsi que le raconte la passion de saint Saturnin... Voici leurs noms : à Tours, Gatien; à Arles, Trophime; à Narbonne, Paul; à Toulouse, Saturnin; à Paris, Denis; chez les Arvernes, Austremoine; à Limoge, Martial». Et ailleurs il indique que cette mission était partie de Rome.

MartyreSaintSaturnin  Sur plusieurs de ces évêques, Grégoires de Tours ne donne point de renseignements précis. Il mentionne la décapitation de saint Denis, il raconte que Saturnin, attaché aux jambes d'un taureau furieux, fut précipité du Capitol de Toulouse. Quand à Gatien, un de ses prédécesseurs dans l'épiscopat à Tours, Grégoire parle de lui plus longuement et même fixe sa venue à la première année du règne de Dèce. Il devait parfois se cacher, pour se dérober aux attaques des «puissants» qui l'accablaient d'outrages, et célébrait secrètement, le dimanche, l'office divin dans de cryptes. «Il vécut ainsi à Tours cinquante ans, à ce qu'on dit, mourut en paix, et fut enseveli dans le cimetière du quartier chrétien. Après lui l'épiscopat resta vacant trente-sept ans.» Un disciple de ces évêques, Ursin, aurait fondé l'église de Bourges. Il recrutait ses adeptes parmi les pauvres. Un haut personnage,Leocadius, qui était de la famille d'un des martyrs de Lyon, Vettius Epagathus, ouvrit sa maison aux fidèles, pour en faire une église. Mais tout ce qui concerne cette évangélisation du IIIè siècle est singulièrement obscur, et le témoignage de Grégoire de Tours n'a pas une valeur chronologique précise. Si l'existence de plusieurs évêchés en Provence, à Arles, Marseille, Vaison, Nice, Orange, Apt, est certaine, pour l'Aquitaine on ne sait rien d'assuré avant le IVè siècle : en 314, des évêques existent à Bordeaux, à Eauze, à Gabales. Ailleurs, quelques églises, Rouen, Sens, Paris, Reims, Autun, paraissent un peu plus anciennes. Dans la région rhénane, à Trèves, à Cologne, on rencontre des évêques dès le commencement du IVè siècle. Le christianisme a dû y être introduit, au cours du IIIè, par les légions qui y étaient cantonnées, ou par les commerçants étrangers.[1]

  Au commencement du IVè siècle, alors que Dioclétien et Galère entreprirent en Orient une guerre d'extermination contre le christianisme, les fidèles des Gaules jouirennt d'un calme relatif. Constance Chlore, qui exerçait dans ce pays le pouvoir impérial, n'était pas un soldat de fortune comme ses collègues. Esprit modéré, administrateur habile, il semble avoir reculé devant des mesures qui répugnaient à la douceur de ses mœurs autant qu'elles inquiétaient son sens politique. Pour se conformer en apparence aux édits promulgués par Dioclétien et par Galère, il fit détruire quelques églises, mais ne persécuta guère les personnes. En orient, le nombre, l'importance des chrétiens pouvaient alarmer même une politique calme et réfléchi comme l'était Dioclétien; en Gaule, disséminés dans quelques villes, ils n'inspiraient pas les mêmes craintes.  Cette différence de situation aide à comprendre la conduite de Constance Chlore; rien ne prouve qu'il ait adhéré au christianisme et qu'il ait dépassé à son égard une curiosité bienveillante. Mais son fils Constantin, lorsqu'il alla; en 312, disputer l'Italie à Maxence, se déclara l'allié et le protecteur des chrétiens et plaça sur ses enseignes le monogramme du Christ. Après sa victoire, l'édit de Milan, qui proclama la liberté de conscience, accorda aux chrétiens le droit d'exister, de posséder, de célébrer leurs cérémonies religieuses. Si le christianisme n'était pas encore le culte officiel, il devenait le culte protégé; désormais l'Église pouvait s'appuyer sur l'État pour continuer la conquête religieuse de la Gaule, mais sa tâche devait y être plus laborieuse que dans la plupart des autres régions de l'Empire.

 

[1] Vers cette époque la querelle du Novatianisme agita toute l'Église. L'antipape Novatien s'était mis à la tête des rigoristes qui ne voulaient pas qu'on pardonnât à ceux qui avaient faibli pendant les persécutions. Il eût pour partisanen Gaule l'évêque d'Arles, Martien; Fauslin, évêque de Lyon, et ses collègues gaulois se prononcèrent contre lui, d'accord avec le pape Étienne et Cyprien de Carthage, le grand adversaire du novationisme.

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13 août 2010 5 13 /08 /août /2010 17:56

  Les icônes les plus anciennes représentant les apôtres André et Jean, datant de la fin du IVe siècle, ont été découvertes dans les catacombes de Santa Tecla à Rome, a révélé le surintendant des fouilles archéologiques de ce site, Fabrizio Visconti.

  saint andré

                                             Le martyre de Saint André par Charles Le Brun (vers 1645 - 1646)

 

 Ces icônes de Pierre, Paul, André et Jean se trouvent au plafond d’une petite chambre funéraire dans les tons ocres et rouges situé dans les catacombes de Santa Tecla, elles-mêmes situées à environ 500 mètres de la basilique Saint-Paul-hors-les-murs, l’une des quatre basiliques majeures de la capitale italienne, où se trouve la sépulture de saint Paul.

  Les catacombes avaient été édifiées à la demande d’une « nobildonna » (femme appartenant à une famille noble, mais sans titre de noblesse).

  « Cette découverte démontre l’introduction et la diffusion du culte des apôtres aux origines du christianisme », a expliqué à la presse Barbara Mazzei, directrice de la restauration de cette chambre funéraire, au cours d’une visite organisée par le Vatican.

  « Pour André et Jean, il s’agit des plus anciennes représentations », tandis que l’on connaissait déjà des représentations de l’apôtre Pierre datant de la moitié du IVe siècle, mais « jamais seul sur une icône », à souligné M. Visconti.

 

FriesSuppliceSaintJean

                                                          Le supplice de Saint Jean, par Hans Fries (vers 1516)

   

  La découverte de l’icône de Paul, avait, elle, été déjà révélée il y a un an par l’Osservatore romano . Les découvertes, réalisées à l’occasion de la restauration de ces catacombes après deux ans de recherches, ont été rendues possibles grâce à l’utilisation d’une technique au laser inédite qui a permis de se débarrasser du dépôt de calcaire recouvrant les fresques. La structure des catacombes est située sous un immeuble remontant aux années 1950 dont la construction n’a heureusement pas endommagé les trésors archéologiques, ont indiqué les experts.

 

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23 juin 2010 3 23 /06 /juin /2010 15:07

 

  En 410, deux moines, Honorat et Caprais, de retour d'Orient, obtiennent l'autorisation de l'Évêque Saint Léonce de Forum Julii (Fréjus) de s'installer en ermite sur les îles de Lérins au large de Cannes, qui étaient alors isolées et infestées de serpents. 

  sthonorat

  Né dans l'aristocratie gallo-romaine, Honorat reçoit une éducation classique, cependant sa vocation religieuse se manifeste très tôt, en particulier son attirance pour la vie monastique. Ce renoncement au monde va entraîner l'hostilité de sa famille, surtout celle de son père qui voit s'effondrer tous les espoirs placés en son jeune et brillant fils. Malgré les efforts paternels pour l'en détourner, le jeune Honorat tient bon. À la vie confortable que lui promet son père, il préfère répondre à l'appel du Christ.

 

  Honorat se convertit probablement à l'âge de 15 ou 16 ans ainsi que son frère aîné, Venantius avec qui il entreprend quelques années plus tard, un voyage en Orient pour visiter les lieux saints de Palestine, de Syrie et d'Égypte. Ils embarquent ainsi à Marseille vers 368. Malheureusement Venantius meurt lors de ce périple. Et Honorat, malade après ce séjour malheureux, revient en Occident afin de poursuivre son ascèse[1] sous des cieux plus cléments.

  Après un bref séjour en Italie, où il noue des liens d'amitié avec les communautés chrétiennes du pays, il rentre à pied en Gaule du sud, accompagné de Caprais. Honorat séjourne un moment dans la cité militaire romaine de Fréjus. On vient de loin pour l'écouter. Cette célébrité lui devient pesante et pour finir intolérable. L'appel de la solitude se fait ressentir avec de plus en plus d'insistance. Toujours accompagné de Caprais, il s'installe d'abord comme ermite dans une grotte du Cap-Roux, perdue dans le désert odorant du massif de l’Estérel, où les deux hommes tentent de mettre en pratique les enseignements des Pères du désert. Mais bientôt, les visiteurs se font trop nombreux. Il faut partir à nouveau.

Ile-Saint-Honorat  Mais où ? A Lérins, bien sûr, sur la petite île qui ressemble à un désert. Honorat demande à un pêcheur d'Agay de les conduire sur l'île. C'est la stupeur et un concert de lamentations : l'île est petite, inhabitable, sans eau, remplie de serpents. Mais rien de tout cela ne fait peur à Honorat ni à Caprais. Finalement, il se trouve un pêcheur assez courageux, -- ou assez inconscient ! -- pour accepter de les conduire à Lérina. Personne ne croit qu'ils y resteront plus d'une journée. Honorat et Caprais bâtissent deux abris sommaires avec des pierres plates et des branchages, et ils reprennent la vie érémitique commencée au pic du Cap-Roux. Ainsi, peu à peu, dans l'absolue solitude de Lérins à peine troublée par le passage, de temps en temps, d'un pécheur qui apporte l'eau et quelques galettes de pain, offrande du petit peuple fidèle d'Agay, Honorat se prépare à la plus haute perfection, en compagnie de Caprais. Mais, comme il fallait s'y attendre, l'installation d'Honorat et de Caprais à Lérins provoque un grand mouvement de curiosité sur tout le littoral. Et au grand désappointement des deux solitaires, se produit le contraire de ce qu'ils avaient espéré : de plus en plus nombreuse la foule réapparait devant leur ermitage. Certains, parmi cette foule, touchés par l'exemple des deux moines, se construisent un abri sur le rocher, quémandant humblement chaque jour un conseil pour se livrer à leur tour aux mortifications corporelles et à la purification de l'esprit, prélude au grand voyage vers les immensités intérieures où les happait l'irrésistible appel de Dieu.

  Après avoir longuement prié, Honorat demande conseil à l'évêque Léonce, et il se décide entre 400 et 410, avec quelques compagnons à fonder le deuxième monastère chrétien de Gaule romaine sur la plus petite des îles de Lérins.

 saint-honorat

 

  Avant l'arrivée des moines, les marins redoutaient d'accoster sur cette île en cas de tempête, tant elle était sauvage et inhospitalière. Après qu'Honorat s'y fut installé, beaucoup firent le détour pour recevoir son hospitalité ! Honorat avait un don très particulier, il lisait dans la vie et le cœur de ceux qui venaient à lui, comprenait tout de suite leurs peines, leurs joies, leurs préocupations.

    À cette époque, les relations entre les hommes étaient brutales et violentes. La vie (surtout celle des esclaves et des femmes) n'avait pas beaucoup de valeur... Le christianisme apporta du neuf dans les rapports humains : l'attention aux autres, le respect, la tendresse, la solidarité. Ce dont témoignait Honorat avec ceux qu'il rencontrait. Son biographe et ami, saint Hilaire, disait de lui qu'il «changeait les fauves en hommes».
 
Au monastère, Honorat met tout en œuvre pour faire avancer ses disciples dans les voies de la perfection. En 420, Maewyn Succat (futur Saint Patrick) vient à l'abbaye de Lérins pour étudier la théologie. Il reste deux années, puis retourne en Irlande évangéliser et construire des églises, des monastères et des écoles. 
  La renommée d'Honorat est grande, et à la mort de l'évêque d'Arles, devenue en 395, capitale des Gaules et de l'Empire, il va devoir quitter son île pour être, contre son gré, placé sur le siège épiscopal d'Arles. N'ayant pas été consulté, il refuse d'abord ce siège épiscopal. De plus, l'abbaye de Lérinsn'est pas du tout décidée à laisser partir son Abbé.

  Alerté de cette nomination, le pape, Célestin 1er écrira en 428 à tous les évêques du sud-est de la Gaule pour leur demander qu'à l'avenir « un prêtre ne soit élu, venant d'une autre Eglise, que dans le cas où aucun clerc de l'Eglise à pourvoir ne serait jugé digne, ce que nous croyons, ne pouvoir se produire. Il faut réprouverle fait de préférer ceux des Eglises étrangères, ne pas faire appel à des étrangers de peur que l'on ne paraisse avoir établi une sorte de nouveau collège d'où seraient tirés les évêques. »

  Honorat se sait malade et en sursis. Mais il renonce à finir sa vie dans la paix de son île, et se jette dans ce guêpier politico-socio-religieux de la métropole d'Arles, car il y aperçoit finalement la volonté de Dieu de l'y voir rétablir la concorde et l'amour fraternel.

  A son arrivée à Arles, Honorat trouve les caisses du trésor pleines de richesses amassées par ses prédécesseurs. Honorat n'hésite pas et redistribue toutes ces richesses aux donateurs, ne se réservant pour l'évêché « que ce qui devait suffire aux nécessités du ministère ».

   Honorat fait rapidement l'unanimité dans son diocèse. Mais le travail à accomplir est énorme. 

  Le 6 janvier 430, bien que faible, il se rend prêcher dans sa cathédrale. Mais à son retour, il doit s'aliter. À cette nouvelle, ses amis du diocèse d'Arles et de l'île de Lérins accourent à son chevet, Hilaire en tête, qui nous dit «Leur douleur lui était plus pénible que la sienne propre».

  Lorsqu'il entra en agonie, les corps constitués affluèrent, ainsi que le préfet en exercice et les anciens préfets, selon l'usage de l'époque. Le Saint ne manqua pas une si belle occasion de les chapitrer. Et, toujours grâce à Hilaire, nous possédons l'unique sermon qui ait été conservé d'Honorat :

  «voyez quelle fragile demeure nous habitons ! Si haut que nous montions, la mort nous en fera descendre. Vivez donc votre vie de telle façon que vous ne redoutiez pas le terme, et ce que nous appelons la mort, attendez-le comme un simple passage». Puis, après les avoir menacés de l'enfer, il rappela ce que fut sa règle monastique. «Il faut que l'esprit reconnaisse sa nature supérieure et livre combat aux vices charnels. Ce n'est qu'à ce prix qu'il conservera l'une et l'autre substance sans tache pour la paix éternelle». Enfin, il lança un suprême avertissement concernant tous les moines de l'avenir : «Que nul parmi vous ne soit prisonnier de l'amour excessif dit monde. Que personne ne s'abandonne aux richesses». Et il répétera avant de s'endormir dans la paix de la mort : «Que nul ne soit l'esclave de l'argent, que nul ne se laisse corrompre par la vaine apparence des biens terrestres. C'est un crime de faire un instrument de perdition de ce qui pourrait vous servir à acheter le salut, et de rendre esclave au moyen de ce qui pourrait vous reconquérir la liberté».

  Seize siècles nous séparent de l’arrivée de saint Honorat sur l’île qui porte aujourd’hui son nom. Pendant toute cette période, la vie monastique a été menée à Lérins de façon presque ininterrompue jusqu’à nos jours. L’’île  qui accueillit saint Loup de Troyes, saint Eucher de Lyon ou saint Césaire d'Arles, appartient aujourd’hui aux moines de la Congrégation cistercienne de l’Immaculée Conception de Sénanque.

 

  [1] Discipline, ensemble d'exercices auxquels s'astreint une personne pour son perfectionnement spirituel

 

Ouvrage de référence  :

  1. M. Labrousse, Saint Honorat, fondateur de Lérins et évêque d’Arles. Étude et traduction de textes d’Hilaire d’Arles, Fauste de Riez et Césaire d’Arles, (Vie monastique 31), Bellefontaine, 1995.

Conférence de Mireille Labrousse du 24 avril 2008 – Église de Puyricard :

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