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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 08:06

 

Qui sont les Gaulois ? La question intrigue les savants, les dirigeants et – dans une moindre mesure – la population tout au long du XIXe siècle. Ainsi en va-t-il de Fernand Cormon (Fernand-Anne Piestre, 1845-1924), qui signe ces trois œuvres en 1897. Cet artiste, spécialisé dans la peinture historique et militaire, a également séjourné en Algérie et brossé sur le vif des tableaux mêlant souci ethnographique et tradition orientaliste. Peintre souvent sollicité par l’État français, ses ministères et ses musées, Cormon reçoit en 1893 une importante commande de la part du Muséum d’histoire naturelle. La série de toiles représentant les progrès de l’humanité capitalise l’influence officielle du peintre, mais lui permet aussi d’exprimer sa vision particulière des origines de l’Homme, saisi dans toute sa dimension physique et la primordialité de ses besoins et de ses attitudes.0110
 

L’humanité gauloise


Les trois esquisses de Fernand Cormon, de grand format pour des dessins, représentent les personnages au plus près, sur fond de paysage naturel, quasi éternel, avec une touche spontanée aux contours flous. Dans La pêche, le décor de montagnes se devine à peine à l’arrière-plan, la composition propose à l’œil un parcours en zigzag. La roche qui plonge dans l’eau offre un mur de scène efficace qui renvoie le regard aux deux premiers plans – terrestre et aquatique. L’absence du produit de l’effort (poissons) permet d’illustrer à la fois la maîtrise de techniques primitives – navigation en barque, filets tressés tirés à la force des bras, habits crus protégeant plus que vêtant – et la faiblesse de l’humanité balbutiante face à la nature toute-puissante. Contemplative et énigmatique, la figure centrale féminine, debout à côté d’un enfant nu, absente à l’action en cours, parée et translucide de blancheur, donne une touche poétique inattendue à l’ensemble.0111
La structure également en zigzag de L’agriculture, élaborée sur trois plans, se charge d’une tonalité plus bucolique. Dans le quart supérieur du tableau, l’horizon laiteux n’est cette fois barré d’aucun obstacle, nous sommes dans une plaine agricole quasiment sans arbres – alors qu’un cliché de l’époque voulait que la Gaule ait été couverte de forêts denses. La force déployée est à présent animale : au troisième plan, quatre bœufs tirent la charrette, deux autres paissent au second plan. Au premier plan, un cavalier armé d’une lance et d’une épée et aidé d’un chien à l’affût surveille toute l’opération. La nature (animaux et terre) est désormais domestiquée, appropriée et source de richesse, donc d’envie.0112.jpg
La composition verticale du dessin Le bronze et le fer emploie le même procédé pour décrire l’âge industriel, l’âge de la transformation des produits du sol. Le paysage réduit est intensément peuplé, marqué de la présence de l’homme qui s’active sans relâche et occupe quasiment tout l’espace. Là aussi, un personnage légèrement décalé (à droite) se fait spectateur de l’action. Dans son dos, deux fourneaux constamment entretenus permettent la fusion du métal ; devant lui, écho inconscient à l’image socialiste de l’ouvrier forgeron, un homme et une femme, concentrés sur leur tâche, unissent leurs forces pour donner forme au métal.

 

 

De l’origine de la nation France

Les trois œuvres commentées ici constituent les dernières esquisses (conservées au Petit Palais), réalisées un an avant l’achèvement de la série peinte (1898). La pêche, très proche du tableau final Les Pêcheurs, évoque ainsi l’âge de la pierre polie, au bord d’un lac alpin (Suisse). L’agriculture, plus éloigné des Agriculteurs puisqu’y manque la distribution du pain aux cultivateurs, doit fixer l’image de l’âge du bronze pour le visiteur du musée. Enfin, Le bronze et le fer (Atelier gaulois) offre plus précisément un aperçu de la période gauloise, spécifique dans la préhistoire ainsi rattachée à l’histoire par Cormon. Ces trois étapes distinctes du développement de l’humanité, qui culminent dans la civilisation gauloise, tracent une ligne continue depuis l’apparition de l’hominidé bipède jusqu’aux ancêtres des Français contemporains. Cormon développe une vision positive du rapport de l’homme à son environnement, positiviste du progrès dans la maîtrise de la nature et dans la constitution de la société, patriotique de l’enracinement d’une civilisation sur le territoire de la France.

Si les historiens comme Amédée Thierry ont tendance à opposer les Gaulois aux Francs, les archéologues parviennent enfin à opérer la distinction avec les hommes de l’âge néolithique, qui ont légué dolmens et menhirs. L’identité de cette civilisation de la fin de l’âge du fer demeure floue, notamment du fait de l’absence de culture écrite et surtout de monuments remarquables. Les Gaulois se fondent dans l’identité celte, étendue pendant tout un millénaire sur l’ensemble de l’Europe occidentale et centrale ; ou on voit en eux la souche originelle, quasi mythique, des Français actuels. Pas plus que les régimes antérieurs, la IIIe République ne parvient à résoudre la tension entre actualisation des connaissances sur un peuple méconnu et revendication d’essence patriotique d’une France primordialement unie, ayant subi l’invasion et la défaite, mais ayant su résister, se relever et se perpétuer à travers les âges.


Source : www.histoire-image.org - Auteur : Alexandre SUMPF

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