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14 janvier 2013 1 14 /01 /janvier /2013 06:51

La Wallonie fournit de nombreuses traces de la romanisation. Villas, cités, sites isolés, voies romaines… Si les vestiges ne sont pas impressionnants, il n'en témoigne pas moins de l'impact très important de l'appartenance de ces régions à l'Empire Romain. Pourtant, cette présence n'est pas sans présenter quelques paradoxes.

 

La Wallonie romaine demeure essentiellement rurale. Des principaux centres urbains qui polarisent l'espace sont situés le plus souvent juste à l'extérieur de son territoire. On pense à Bavay et Tongres, mais aussi à Metz, Trèves et Cologne. Le seul centre urbain important situé sur les territoires wallons est Tournai, qui est déjà une vraie ville. Les voies romaines qui structurent la région sont disposées en fonction de ses centres urbains extérieurs. À côté de cela il y a quatre agglomérations majeures, qu'on peut qualifier de petites villes. Il s'agit de Namur, Liberchies (près de Charleroi), Arlon et Saint-Médard (près de Virton). Pour le reste, il n'existe que de petites bourgades au milieu d'un vaste paysage rural. Ces villes, petites ou grandes, montrent des plans d'organisation différents. Il y a le plan en damier, comme à Arlon, mais aussi le plan polynucléaire, dû aux contraintes de la géographie locale, comme à Namur ou à Tournai. À Tournai, la ville se développe en rapport avec l'Escaut. À Namur, ce sont la Sambre et la Meuse qui structurent l'espace. La cité mosane se développe d'abord au confluent des deux cours d'eau, au pied de la colline du Champeaux, ancien oppidum qui deviendra la Citadelle. Toutes ces villes répondent aux besoins de fonction de l'époque. Si le secteur primaire (production agricole, carrières, chasse…) est mal étudié, il est de toute façon plutôt l'apanage des zones rurales. Le secteur secondaire est bien présent. On retrouve la trace d'un artisanat bien développé, et qui ne date d'ailleurs pas de l'époque romaine mais remonte aux proto-cités celtiques. Enfin, le secteur tertiaire est représenté également ! Les textes montrent la présence d’organes de justice, de temples et d’autres services aussi typiquement romains que les thermes. Les cités gallo-romaines de Wallonie sont modestes, mais elles n’en sont pas moins de véritables percées de la civilisation romaine dans ces contrées.

Peut-on en conclure que ces villes sont des îlots de romanité dans une campagne restée celtique ? Sûrement pas. À côté de ce réseau urbain plutôt lâche existait un monde rural tout aussi authentiquement gallo-romain. Les Romains étaient un peuple d’administrateur rigoureux, d’ingénieurs efficaces et de stratèges habiles. C’est ainsi qu’ils ont pu conquérir un empire. Mais avant cela, les Romains sont avant tout un peuple de fermiers ! Cela peut paraître paradoxal quand on sait que Rome a longtemps été la plus grande ville du monde, aussi grande qu’une métropole moderne. Mais les racines du monde Romains sont rurales, et même agricole. Ceux qui étudient le droit romain sont souvent frappés par deux choses. La première, c’est la grande similitude qui existe entre le droit actuel de droit romain de l’époque ; la seconde, c’est que ce code de loi devait être parfait pour des agriculteurs, ou pour être précis pour des familles de propriétaires terriens. Or, que sont les sénateurs sinon les représentants de grandes familles possédant de grandes propriétés à vocations agricoles ?

Partout où les Romains se sont installés, ils ont fondé des villes, mais ils ont aussi et surtout transposé leurs modes d’organisation du monde rural. La Wallonie ne fait pas exception à la règle. Elle offre des terroirs favorables à l’installation des villas. Le sens moderne du mot villa ne doit pas oblitérer le sens que lui donnaient les Romains. Dans l’Antiquité, une villa était un complexe réunissant habitation, atelier et entrepôts autour d’une même vocation agricole. Construit au milieu du domaine qu’elle exploite, la Villa héberge la famille propriétaire ainsi que certains de ses employés et ses esclaves. On y225.jpg vit, mais surtout on y travaille. Les ateliers permettent de fabriquer et d’entretenir le matériel dans les ouvriers agricoles ont besoin. Les entrepôts permettent de stocker la production, d’abriter le bétail et le matériel. Le concept de villas tient donc à la fois de la résidence et de l’entreprise. Plus étendue et polyvalente que nos fermes actuels, elle peut jouer localement le même rôle qu’une petite ville ! La Wallonie, offre des terres fertiles, est abondante en eau, jouit d’un climat maritime tempéré et possède de l’espace en suffisance. Si on y ajoute la présence des cités qui jouent le rôle de gestionnaire, ainsi que les infrastructures routières qui favorisent la circulation des marchandises, on obtient une terre extrêmement favorable pour un peuple tel que les Romains.

Ces villas se concentre essentiellement sur les bas-plateaux et le long des voies romaines. L’Ardenne est donc relativement délaissée, à l’exception d’un axe Namur-Bastogne qui suit les voies de communication. La plupart de ces villas sont bâtis dans un style romain, donc méditerranéen, avec prédominance de la pierre et de la brique. C’est également le cas pour des bâtiments plus petits. Par contre, au nord de la Wallonie la typologie des habitations est radicalement différente, avec une subsistance du modèle gaulois et la prédominance de matériaux comme le bois. La limite entre ces deux typologies coïncide remarquablement avec le tracé de la frontière linguistique actuelle. Au sud, on a un modèle romain, signe d’une présence plus forte et donc d’une influence culturelle forte. Au nord, on a un modèle celtique, signe d’une persistance des façons de faire celtique. Cette asymétrie dans la romanisation aura des conséquences importantes jusqu’à nos jours.

L’Empire romain s’installe donc dans la future Wallonie, mais il n’y a pas de véritable colonisation par des populations italiques. La romanisation ne se fait donc pas via le mélange des peuples. Les Gallo-Romains, dans leur grande majorité, ne sont pas des métisses de gaulois et de Romains mais bien des gaulois romanisés. La romanisation ne se fait pas non plus de manière coercitive. Les gaulois adoptent spontanément la langue et la culture romaine. Ce comportement vis-à-vis d’un occupant après une conquête violente s’explique par plusieurs paramètres.226.jpg

Tout d’abord, il y a la proximité linguistique. Si le gaulois est une langue celtique, il y a une réelle parenté avec la langue cousine, le latin. Et à l’époque, la divergence était moins forte qu’elle ne l’est actuellement. On peut même considérer le gaulois comme plus proche du latin que des langues celtiques actuelles. Il n’a donc que probablement pas été plus difficile pour les gens de l’époque de passer du gaulois au latin que plus récemment du wallon aux français.

Ensuite, il y a les ressemblances socioculturelles. Le substrat gaulois comportait déjà des éléments qui rappelaient aux Romains leurs propres coutumes et institutions : magistrats élus pour un an, sénat en charge du contrôle des magistrats, assemblées plus rares. La structure en cités était également semblable, ce qui a permis aux Romains de calquer leur maillage territorial sur celui des anciennes tribus gauloises.

Enfin, les élites gauloises étaient depuis longtemps tournées vers le monde méditerranéen, dont les idées avaient filtré jusque dans les forêts d’Ardenne. Il n’est donc pas surprenant de les voir se lier avec l’occupant par convergence d’intérêts. Ils verront dans l’Empire l’occasion d’améliorer leurs conditions de vie. Ils vont donc faciliter la tâche des Romains en ce romanisant. Par ailleurs, cette romanisation leur permettra de faire valoir leurs droits et même de jouer un rôle dans la gestion de l’Empire.

Les Romains importent leur langue, mais pas uniquement. Avec eux, le droit passe de l’oralité à l’écrit. L’administration se met en place et le mode de vie change. Au niveau religieux également, l’influence se fait sentir. Les divinités du Panthéon arrivent en Wallonie. Selon les cas, elle s’ajoute, remplace ou assimile les divinités celtiques comme Diane avec Arduinna. Le seul élément réellement exotique pour les Romains, le druidisme sera interdit et les druides poursuivis et persécutés.

Économiquement, la période romaine est une période faste. Les échanges qui existaient déjà avec l’espace méditerranéen s’intensifient et s’accélèrent. Les fouilles menées en Wallonie ont révélé des biens fabriqués en Italie, en Espagne ou en Occitanie. On importe en Wallonie des produits agricoles, comme de l’huile d’olive. Les produits issus des plateaux fertiles sont consacrés à l’exportation. Les Romains, grands amateurs de vin, implante la vie. Elle se développera sur les adrets du sillon Sambre-et-Meuse, mais périclitera sous le double coup d’un léger refroidissement et d’une perte progressive de savoir-faire. C’est une sorte de petit âge d’or que cette période gallo-romaine, cette fusion réussie de deux mondes différents qui vont accoucher d’un troisième, à la fois neuf et fort de ses racines. Et déjà, à cette époque, va se dessiner la future frontière entre les mondes latins et germains.

 

Source : Histoire de Wallonie, Yannick Bauthière - Arnaud Pirotte éd. Yoran Embanner

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