Si notre langue, le français, évolue, il n'est pas certains que cela soit toujours de façon enrichissante et positive. Il n'est pas rare d'entendre des journalistes ou des animateurs d'émission de télévision ou de radio, s'exprimer dans un français plus d'approximatif, ou d'une grande pauvreté, quand ce n'est pas en franglais. Pourtant, ces personnes, parce qu'appelées à s'exprimer en public, devraient être sélectionnées en fonction de leurs qualités professionnelles, dont une maîtrise impeccable du français fait partie. C'est malheureusement (mais certainement pas par hasard), lors de programmes destinés aux jeunes que, par le vocabulaire employé, les vedettes grassement payées du petit écran ou des ondes radios,se comportent de façon grotesque.
Tiens justement, d'où nous vient le mot grotesque ?
Tout commence avec Kruptein verbe grec signifiant "cacher, dissimuler". De ce verbe est issu Krupté, nom désignant, en grec toujours, une "voute souterraine" ou une "salle souterraine cachée". En latin, krupté s'est transformé en crypta, sans changer de sens : la crypta latine est un "caveau" et une "salle ou galerie souterraine".
La crypta latine a donné plusieurs mots en français : d'une part le nom crypte, servant à nommer un caveau ou une chapelle aménagés sous une église, et d'autre part les mots crote et croute, qui, en ancien français, désignaient une "caverne", une "cavité naturelle".
Tandis qu'en France la crypta se transformait en crote et en croute, en Italie la même crypta devenait une grotta. À partir du XVIè siècle, cette grotta italienne a été adoptée en France, sous la forme grotte, pour désigner notamment une construction décorative imitant une cavité naturelle. À cette époque, en effet, suivant la mode italienne, on se plaisait à aménager, dans les parcs et les jardins, des cavernes artificielles, ornées de coquilles et coquillages incrustés sur les parois, agrémentées d'une fontaine et de jets d'eau... Ce fut le cas à Versailles où en 1664 (achevée en 1670, détruite en 1684) fut construite la grotte de Thétis, sur le côté nord du château. Ses murs étaient tapissées de coquillages, de galets et de pierres colorées. Décrite par Jean de la Fontaine, elle inspira à Lully et Robert de Visée, une œuvre musicale.
Robert de Visée - La Grotte de Versailles - (Luth)
Le nom grotta, en italien, désignait aussi une "excavation archéologique" autrement dit une cavité dans laquelle étaient enfouis des vestiges archéologiques. Or, à la fin du XVè siècles, les Italiens découvrirent à Rome, les vestiges ensevelis de la Domus aurea ("Maison dorée") , un palais somptueux bâti au Ier siècle pour l'empereur romain Néron. Sur les murs de son palais, Néron avait fait peindre un décor plein de fantaisie, composé d'élégants motifs végétaux, aux courbes gracieuses, de guirlandes légères, et d'étranges figures humaines ou animales. Ces fresques antiques fascinèrent aussitôt les artistes italiens de la Renaissance, qui en imitèrent le style... Un nouveau genre artistique naquit ainsi : la pittura grotesca, ou "peinture de grotte", ainsi baptisée parce qu'elle s'inspirait des peintures trouvées dans la grotta, dans l'excavation abritant le palais de Néron. L'adjectif grottesca, qui signifiait donc de "grotte" fut bientôt également employé comme nom, et au, XVIè siècle, ce nom prit, en Italie, le sens de "peinture caricaturale ou licencieuse (indécente)".