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1 mai 2012 2 01 /05 /mai /2012 09:14

           Vercingétorix

 

     Chapitre XII - Avaricum.

 

3. Prise de Vellaunodunum et de Génabum.

 

Le lendemain de son départ, il fut en vue de la première ville forte ennemie, Vellaunodunum (Montargis ?), qui gardait, sur le territoire sénon et dans la vallée du Loing, les routes d’entre Seine et Loire : petite ville sans doute, sur une hauteur insignifiante, mais ayant de bonnes murailles et pas mal de défenseurs. Car il fallut s’arrêter, décider le blocus, tracer une ligne d’investissement : cela prit deux jours. Le troisième, des parlementaires offrirent de capituler. On leur demanda de livrer les armes, les chevaux, six cents otages ; et, comme le temps pressait. César laissa dans la place son légat C. Trébonius pour veiller à ce que ces conditions fussent exécutées. Par la prise de Vellaunodunum, le quartier général de Sens se trouva complètement dégagé.

Au delà de Montargis, César abandonna tout à fait la direction du Sud, et il obliqua droit vers l’Ouest pour attaquer les Carnutes et gagner la Loire à Génabum (Orléans).

Celte fois, c’était une affaire d’importance. Génabum était la principale ville du peuple carnute, qui avait fait le signal de la révolte ; elle s’était souillée la première du sang romain ; sa situation militaire et commerciale donnait à la marche de César un motif de plus qu’une légitime vengeance. Mais les difficultés matérielles furent réduites à rien. Génabum était moins une place forte qu’un grand marché : elle était en plaine, son assiette était médiocre, un pont, sur la Loire, compliquait la défense. De plus, les gens de guerre carnutes étaient loin en ce moment ; ils croyaient que César allait être arrêté longtemps chez les Sénons de Vellaunodunum. Ils commençaient à peine à se rassembler pour tenir la ville quand les Romains, après deux jours de marche, parurent, sur le soir, aux portes de Génabum.

César établit son camp devant la ville, décida et prépara l’assaut pour le lendemain. Comme il connaissait le trouble de ses adversaires, il fit veiller deux légions sous les armes, pour s’opposer à toute tentative de fuite. César et les soldats avaient sans doute le cœur à la besogne : il leur fallait, au plus tôt et sans en perdre une seule, les victimes expiatoires exigées par les Mânes de Cita.

Un peu avant minuit, en silence, les Gaulois sortirent par la porte qui regardait la Loire : le pont était petit, il menait à une longue et étroite chaussée qui dominait les marais du Val ; il y eut vite un terrible encombrement. César prévenu fit mettre le feu aux autres portes, les deux légions de veille pénétrèrent dans la ville, et se précipitèrent, en la traversant, sur les derrières de la foule entassée aux abords du fleuve ; toute cette masse, à quelques têtes près, fut cernée et prise sans combat : superbe gain d’esclaves pour le peuple romain. Puis Génabum fut pillé par les soldats et pour leur compte. Enfin on y mit le feu, et, quittant la ville en flammes, César fit passer la Loire à son armée.

Il obliqua vers le Sud-Est dans la direction de Bourges. Encore une rude journée de marche à travers les landes fangeuses de la Sologne, et on atteignit les premiers coteaux du pays des Bituriges. Presque à la limite de leur territoire, se trouvait leur citadelle avancée, Noviodunum (près de Neuvy-sur-Baranjon ?). Un troisième siège commença, qui fut à peu près la répétition du premier. Â peine les travaux d’approche mis en train, une députation offrit de se rendre, et reçut de César la réponse traditionnelle : qu’on livre les armes, les chevaux, des otages. Les Bituriges acceptèrent ; un premier, détachement d’otages arriva au camp romain ; des légionnaires avec leurs centurions entrèrent dans la place pour prendre livraison des armes et des chevaux. Tout à coup, à l’horizon, vers le Sud, apparut un groupe de cavaliers gaulois : c’était l’avant-garde de Vercingétorix.

 

4. Premier combat, devant Noviodunum.

 

Cette fois, non pas encore les deux chefs, mais les deux principales armées se trouvaient en présence. Le roi des Arvernes, à la nouvelle que César s’approchait, avait quitté le siège de Gorgobina. — Peut-être aurait-il dû persister encore, obliger les Romains à s’aventurer plus bas dans le Midi ; mais il lui fallait compter avec ses hommes, désireux de voir enfin l’ennemi, et il les mena vers le Nord, au-devant de César, qu’ils rencontrèrent sous les murs de Noviodunum.

Les assiégés crurent qu’ils allaient être utilement secourus : quelques hommes décidés appelèrent la foule, firent prendre les armes et fermer les portes ; les murailles se garnirent de défenseurs. Mais les centurions et les soldats romains qui se trouvaient dans la ville mirent l’épée à la main, enfoncèrent les battants, et regagnèrent le camp tous sains et saufs. Le siège n’en était pas moins à recommencer.

César s’occupa d’abord de ceux du dehors. La cavalerie romaine sortit du camp, entama le combat, et, comme plus d’une fois, dut plier sous l’effort des cavaliers gaulois. Alors le général lança, pour la soutenir, son escadron germain, qui partit à bride abattue. Les Gaulois, déjà ébranlés par la première lutte, ne purent soutenir le nouveau choc, perdirent beaucoup de monde et se retirèrent en désordre vers le gros de l’armée. Dans cette première rencontre entre les hommes de César et ceux de Vercingétorix, il n’y eut d’engagé que de la cavalerie, et, vainqueurs des Romains, les Celtes furent vaincus par les Germains.

L’affaire de Noviodunum fut ensuite réglée en un tour de main. Les gens du bourg, fort effrayés, s’en chargèrent eux-mêmes. Ils rejetèrent la faute sur quelques exaltés, les conduisirent à César et livrèrent la place.

Le chemin paraissant libre vers le Sud, César reprit sa marche et se dirigea vers Avaricum, la ville principale des Bituriges, qui était à moins de 30 kilomètres de là. Il ne s’agissait plus pour lui de délivrer Gorgobina, mais de continuer le châtiment des coupables. L’armée avait quitté la triste et marécageuse Sologne, les sentiers devenaient plus faciles, le pays était plus fertile et plus gai, les prairies plus vertes à l’approche du printemps ; sur les grasses terres du Berry, de gros villages et de belles fermes apparaissaient de toutes partis. Mais César allait avoir devant lui deux ennemis de plus, la cavalerie gauloise et l’incendie.

 

5. Vercingétorix décide les Gaulois à incendier le pays.

 

Cette première rencontre, si peu importante qu’elle fût, permit à Vercingétorix de107.jpg montrer à ses soldats ce dont il avait été, dès le début, profondément convaincu : l’erreur qu’ils commettraient en acceptant une bataille, même de cavalerie. La chute rapide des trois places fortes lui avait rappelé que toute citadelle qui n’est protégée que par ses murailles doit succomber, surtout quand elle est menacée par ces deux formidables engins d’attaque : l’artillerie grecque et la solidité légionnaire. Enfin, il se rendait compte d’un des principes essentiels de l’art militaire : ne pas multiplier les petites garnisons, si l’on veut éviter les grandes pertes. Il considéra dès lors comme un devoir de refuser à César les avantages et des assauts et des combats, de ne lui laisser que l’alternative des marches harassantes et d’un long stationnement auprès de rochers inabordables.

Au premier conseil qu’il tint après le combat, et peut-être le jour même, il exposa enfin son plan favori. — César nous donne dans ses Commentaires le discours que le roi prononça devant ses officiers. Je ne crois pas qu’il soit mot pour mot l’œuvre de Vercingétorix, mais je ne crois pas davantage qu’il ait été fabriqué de toutes pièces. César fut toujours au courant de ce qui se passa et se dit dans le conseil des chefs ; il ignora parfois les actes et les marches de Vercingétorix ; il sut fort bien le détail des délibérations auxquelles présida son adversaire : c’était un jeu pour lui, entre tant de chefs bavards et jaloux, d’en trouver un qui lui fît passer une relation fidèle. Voici ce que dit, d’après César, le général gaulois : si les paroles ne sont pas de Vercingétorix, elles expriment exactement ce qu’il voulait faire et ce qu’il fît.

— Il faut désormais conduire la guerre tout autrement que nous ne l'avons fait jusqu’ici. Notre but unique doit être maintenant de couper aux Romains le fourrage et les vivres.

— Rien de plus facile pour nous. Nous avons beaucoup de cavalerie. La saison nous est favorable : car le fourrage n’est pas bon à faucher, il faut que les ennemis envoient des escouades de côté et d’autre pour piller les greniers des fermes. Nos cavaliers pourront détruire chaque jour, sans laisser échapper un seul homme, tous ces détachements isolés.

— Mais il y a plus. Que chacun de nous, dans l’intérêt de tous, oublie ses intérêts domestiques : brûlons nous-mêmes tous nos villages ouverts, brûlons toutes nos fermes, partout où les Romains, dans leur marche, pourront avoir la tentation de fourrager. Nous autres, nous ne manquerons de rien ; nous sommes nourris par ceux chez lesquels nous combattons : aux Romains, il ne restera que le choix entre mourir de faim ou courir à leur perte en s’éloignant de leur camp. Au reste, peu importe qu’on les tue ou qu’on se borne à leur enlever les bagages : sans bagages, point de guerre possible.

— Enfin, ce sont les villes fortifiées elles-mêmes qu’il faut livrer aux flammes, à l’exception de celles que la force de leurs remparts et l’avantage de leur assiette rendent inexpugnables. Si vous les laissez toutes debout, vos forces s’égrèneront, chacun refusant de suivre l’armée pour s’abriter derrière les murs de sa cité ; et quand les Romains en deviendront les maîtres, ils y trouveront les vivres dont ils ont besoin et le butin qu’ils convoitent.

— Tout cela vous paraît de trop durs sacrifices ? ce sont des douleurs tout autrement terribles, de voir vos femmes et vos enfants réservés à l’esclavage, et vous-mêmes à la mort. Car c’est votre lot si vous êtes vaincus.

Tous ces arguments étaient la vérité même, et le dernier n’était pas seulement le cri pathétique de l’orateur, mais une allusion émouvante au sort de Génabum. Vercingétorix rappelait ce qu’il fallait attendre de la clémence de César à ceux qui avaient oublié l’exécution d’Acco et le massacre du sénat vénète.

Les auditeurs comprirent qu’il fallait obéir, et le plan du chef fut accepté sans opposition. — Une seule question fut posée. Qu’allait-on faire d’Avaricum ?

Avaricum, grande ville fortifiée, n’était cependant pas une de ces places que Vercingétorix venait de qualifier d’inexpugnables. Elle était assise sur une hauteur fort peu importante : à la différence de Gergovie et de Bibracte, plantées sur des plateaux presque inaccessibles, c’était une cité de coteau, comme celles que les Romains bâtiront plus tard pour les Gaulois. En revanche, elle était précisément une des trois ou quatre villes de la Gaule qui offraient un butin d’une incomparable richesse ; avec ses carrefours, ses rues, son forum, ses constructions ramassées, elle présentait un aspect moderne au regard des laides bourgades perdues dans les montagnes, que leurs grands espaces vides faisaient ressembler plus à des champs de foire qu’à des résidences humaines : elle avait environ deux kilomètres de tour, pouvait loger quarante mille hommes. Sans doute des trésors s’y étaient accumulés, depuis les temps lointains où les chefs bituriges couraient le monde et commandaient à la Gaule. Pour les gens du Berry, elle était un ornement et une forteresse ; pour les Gaulois, une très belle chose, et peut-être le sanctuaire des gloires d’autrefois.

Les Bituriges ne purent consentir à la voir disparaître, incendiée de leurs propres mains. Vercingétorix insista. Ils se jetèrent aux pieds des autres chefs, attestèrent qu’ils sauraient la défendre : les Gaulois se laissèrent fléchir, Vercingétorix demeura insensible. Alors ce fut, dans tout le conseil et peut-être dans tout le camp, une longue traînée de prières et de plaintes. Vercingétorix céda, tout en affirmant encore que l’on commettait une faute. Les Bituriges envoyèrent une garnison d’élite pour occuper la ville. Puis les ordres d’incendie furent donnés, et l’armée gauloise s’écarta, laissant passer César.

César, au lieu de cette marche facile qu’il attendait entra comme dans une fournaise. Le même jour, plus de vingt foyers d’incendies s’allumèrent autour de lui : c’étaient vingt villages des Bituriges qui flambaient, et au loin l’horizon s’empourpra des flammes qui brûlaient chez les Carnutes et les cités voisines. Les légions se sentirent impuissantes, un cercle de feu et d’ennemis les étouffait. Les troupes qui allaient au fourrage revenaient mutilées par l’adversaire. Les Gaulois étaient insaisissables et meurtriers partout.

Mais les Romains arrivèrent bientôt devant Avaricum, et les légions eurent en face d’elles des murailles intactes et des ennemis qui les attendaient.

 

À suivre...

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