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18 octobre 2012 4 18 /10 /octobre /2012 07:47

Voyageurs et commerçants parcourent de longues distances au sein de l’empire romain ; aussi doivent-ils marquer des pauses durant leur périple. Il faut se restaurer, dormir, se réchauffer aussi.

Des auberges plus ou moins confortables jalonnaient leur parcours.


Durant l’Antiquité, les aubergistes n’étaient guère appréciés du reste de la population. Les textes latins les dépeignent sous les traits les plus sordides. « Ce n’est pas pour rien que les voyageurs les maudissent tous ces aubergistes ! » dit l’un des protagonistes du roman d’Apulée, L’Ane d’or ou Les Métamorphoses (I, 17).

Anciens esclaves, souvent d’origine étrangère, ils troublent fréquemment l’ordre publique, quant aux tenancières et leurs serveuses, elles sont systématiquement assimilées à des sorcières et à des prostituées.

Taxés de fourberie et d’avarice, les aubergistes gardent pour eux le fourrage destiné aux173.jpg bêtes de leurs clients et allongent volontiers leur vin. La nourriture qu’ils servent est médiocre et la salle enfumée sent le graillon.

Les plats ne sont guère appétissants, il faut être affamé pour vider son assiette ; et pas trop fragile de l’estomac. Le poète bordelais Ausone évoque un brochet, tout juste bon pour les estaminets (Moselle, 124).


Confort et hygiène ne sont pas souvent au rendez-vous, les lits sont même parfois rongés par la vermine. Un graffiti de Pompéi traduit bien la rusticité et l’inconfort de ces lieux de passages : « Nous avons pissé au lit. Nous avons eu tort, aubergiste, je l’avoue. Si tu veux savoir pourquoi : il n’y avait pas de pot de chambre ! »

On comprend mieux dès lors, pourquoi les auberges ne sont fréquentées que par les gens de petite condition. Les riches et les personnes de qualité – comme les patriciens – préfèrent lorsqu’ils voyagent, se faire héberger chez des amis selon une vieille tradition romaine d’hospitalité.


En milieu urbain, l’auberge (caupona, copona) est logiquement établie à proximité des portes de la ville, là où arrive le voyageur. Tel est par exemple le cas à Pompéi près desMusee_de_Treves_Stele_du_marchand_de_vin.jpg portes de Stabie et d’Herculanum. Dans les campagnes, elles se situent le long des grandes voies, offrant le gîte et le couvert car il est dangereux de se déplacer de nuit. Dans son traité De l’Agriculture, l’agronome latin Varron recommande d’ailleurs la création de ces établissements lorsque les conditions sont favorables : « Sans doute si, dans une propriété qui avoisine une grande route, il se trouve un emplacement propre à la réception des voyageurs, on fera bien d’y construire une auberge » (I, 2, 23).


En Gaule romaine, plusieurs auberges ont été identifiées, notamment à la Brune d’Arles (13), à Revelles (80), à Soumaltre (Aspiran, 34), aux cols du Grand et du Petit Saint-Bernard, à Ambrussum (Villetelle, 34), et peut-être dans les deux agglomérations secondaires de Bliesbruck-Reinheim et de Barzan (17). Ces établissements de service, construits à quelques mètres de la route, sont généralement caractérisés par la présence d’une porte charretière, d’une vaste cour entourée d’un portique sommaire pour abriter les animaux, d’un abreuvoir et de pièces munies de foyer pour la cuisson des aliments. La découverte d’un outillage indispensable aux réparations des véhicules et à l’entretien des bêtes de somme (comme à Ambrussum) permet également de trancher quant à leur fonction.


L’aubergiste n’hésite pas à attirer l’attention du voyageur par une enseigne volontiers racoleuse. Ainsi à Lyon, l’un d’eux proclame : « Mercure te promet le profit, Apollon la santé et Septumanus le gîte et le couvert. Celui qui viendra ici se portera mieux après.171.jpg Voyageur veille à l’endroit où tu séjournes » (C.I.L., XIII, 2031). Pour la clientèle qui ne sait pas lire, les auberges se signalent par les vives couleurs de leur façade et des peintures de tonneaux et de vases à boire. Elles portent des noms suggestifs : « Au coq de basse-cour », « Au dragon », « A l’éléphant », « Aux quatre sœurs », « Aux sept frères », « Aux filles d’Asselina », « Au Phénix »… L’intérieur est orné également de peintures qui représentent la vie de l’auberge, à l’instar de l’établissement de Salvius à Pompéi, où les consommateurs ont sous les yeux des scènes de jeux de dés et de bagarres.

On connait l’identité de près de quatre-vingts aubergistes en Italie et en Gaule, dont cinquante-six à Pompéi. À Sens (Yonne), l’épitaphe d’un tenancier du IIe siècle précise : « Consacré aux dieux mânes. A Primius Fronto, aubergiste d’origine trévire. Ses amis ont élevé ce monument à leurs frais » (C.I.L., XIII, 2956). À Nîmes, l’un d’eux, citoyen romain et probablement propriétaire mais non tenancier, porte le nom de Lucius Trebonius Nicephorus tandis qu’à Narbonne, Lucius Afrianus est un affranchi. D’autres stèles funéraires évoquent des aubergistes à Bourges et à Autun. À Aesernia (Italie), leaesernia.jpg couple de tenanciers formé par Lucius Calidius Eroticus et Fannia Voluptas (tout un programme, et manifestement des pseudonymes professionnels !) ne devait pas manquer de pittoresque. Du moins si l’on en croit leur épitaphe commune. Au-dessus d’un relief figurant un client sut le départ est gravé ce savoureux dialogue :

« - Aubergiste, faisons nos comptes !

 – Tu as pris une mesure de vin, du pain : 1 as. Pour le ragoût : 2 as.

– D’accord. –Pour la fille : 8 as.

– Cela ma va aussi.

– Le foin pour le mulet : 2 as.

– Ce maudit mulet me ruinera ! » (C.I.L., IX, 2689).

 

 

Images :Scène d'auberge et de ravitaillement en vin. Musée de Trèves (Allemagne).  _  Stèle d'Aesernia (Italie)

 

Source : L'Archéologue N° 105

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