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15 décembre 2012 6 15 /12 /décembre /2012 05:19

ESSAI SUR LA CONDITION DES BARBARES ETABLIS DANS L'EMPIRE ROMAIN AU IVe SIECLE

 

Chapitre I - Les Invasions.

 

Les quatre grandes confédérations germaniques : 4° Les Saxons.

 

La quatrième confédération des peuples germaniques fut celle des Saxons, postérieure aux précédentes. Les Saxons, premiers ancêtres des Anglais, ainsi nommés à cause de leur arme principale, la seax, espèce de hache ou couteau à deux tranchants, habitaient à l’entrée de la Chersonèse Cimbrique, près du Danemark, le long des côtes de la Baltique et209.jpg de la mer du Nord[38]. Les Angles, les Jutes, les Warni ou Werini, les Pictes et les Scots entrèrent successivement dans cette ligue[39]. Plus éloignés de l’Empire par leur position septentrionale, séparés de la frontière romaine par les Francs et d’autres tribus, ils ne l’attaquèrent que plus tard, bien qu’il soit fait mention d’eux dès le Ier siècle de l’ère chrétienne. Leur voisinage de la mer en faisait un peuple de marins ; leurs incursions étaient des incursions maritimes ; montés sur de petites barques, ils traversaient l’Océan, abordaient sur les rivages de la Bretagne ou de la Gaule[40], se joignaient aux habitants de l’Écosse et aux Francs pour piller et dévaster les contrées les plus rapprochées, puis, regagnant leurs vaisseaux, ils retournaient dans leur patrie chargés de butin[41]. Ces incursions, périodiques comme celles des autres Barbares, puisaient dans la nouveauté et l’étrangeté de leur caractère quelque chose de plus terrible pour les Romains. Rome n’avait jamais été une grande puissance maritime. Malgré ses victoires sur Carthage et l’extension de sa domination sur toute la Méditerranée, ses flottes n’avaient jamais été ni bien nombreuses ni bien redoutables. Les Romains avouaient eux-mêmes leur infériorité sur ce point[42]. Les pirateries continuelles des Saxons les obligèrent à augmenter leur marine pour repousser ces envahisseurs. Ammien[43] nous représente les Saxons comme d’intrépides pirates, admirablement exercés au pillage et au brigandage, comme les dignes précurseurs de ces Normands qui vinrent si souvent infester les côtes de France et pénétrèrent, en remontant le cours de la Seine, jusque sous les murs de Paris. Son témoignage est confirmé par celui de tous les historiens contemporains. Zosime[44] nous dit qu’ils avaient la réputation d’être les plus forts, les plus courageux, les plus endurcis aux fatigues de tous les Barbares. C’est surtout au IVe siècle que les attaques des Saxons devinrent plus fréquentes et plus dangereuses pour la sécurité des provinces occidentales de l’Empire. On dut plus d’une fois recourir au talent des généraux les plus habiles et les plus consommés dans l’art militaire, tels que le père du grand Théodose[45], pour arrêter ces audacieuses entreprises souvent couronnées de succès.

 

Les différentes ligues des peuples barbares de la Germanie avaient un caractère défensif en même temps qu’offensif. Les tribus, les nations de même race, de même famille, qui se groupaient ainsi, cherchaient moins à attaquer Rome qu’à se mettre en état de repousser victorieusement les ennemis dont elles étaient menacées à l’intérieur. La guerre, dans l’antiquité, se faisait d’une manière impitoyable : le vaincu, chassé par le vainqueur, dépossédé du sol qu’il occupait, se voyait contraint d’aller à la recherche d’une nouvelle patrie, de conquérir à son tour une autre place au soleil[46]. L’Allemagne, par sa position géographique, s’est trouvée le principal passage des nations d’Orient en Occident et du Nord au Midi dans ces grandes migrations qui ont duré plusieurs siècles et joué un si grand rôle dans l’histoire du monde. Ce mouvement incessant des populations à travers la Germanie avait pour effet de pousser les Barbares sur la frontière romaine par une force fatale et irrésistible, comme les flots d’une mer agitée qui se pressent les uns les autres et viennent sans cesse battre le rivage. L’arrivée de nouveaux conquérants sur les bords de la Baltique amena l’émigration en masse des Cimbres et des Teutons ; refoulés jusqu’au Rhin et au Danube, ils se heurtèrent contre l’Empire. Nous avons un témoignage certain de la nécessité qui leur était imposée et des dispositions qu’ils apportaient. Avant de déclarer la guerre, ils envoyèrent une ambassade à Papirius Carbon[47] pour demander la paix et l’alliance des Romains, promettant de se mettre au service de Rome, si on leur accordait, à titre de solde, des terres et un établissement dans l’Empire. Le refus de ces conditions les obligea à recourir aux armes, afin d’obtenir par la force ce qu’on ne voulait pas leur donner de plein gré. Succomber ou se frayer un chemin par la victoire, telle était la destinée de ces peuples exilés et sans asile. C’est ainsi que, sous le règne de Néron, les Ampsivariens, chassés par les Cauces de leurs anciennes demeures, implorèrent le secours et la protection de l’empereur ; ils demandaient humblement qu’on leur permît de s’établir sur les rives du Rhin, au nord de la Lippe ; repoussés par les Romains avec lesquels ils n’étaient point en état de se mesurer, repoussés par leurs voisins, ils finirent, après d’inutiles efforts et de longues pérégrinations, par trouver la mort sur une terre étrangère où on refusait de les laisser vivre[48]. Le grand mouvement des Quades et des Marcomans, de toutes les tribus allémaniques sur le Danube, au Ier siècle de notre ère, correspond au passage de la Vistule par les Goths et à leur marche victorieuse à travers la Germanie orientale. Au IIIe siècle, la ligue des peuples gothiques se forma pour résister à de nouvelles nations qui arrivaient à leur tour du fond de l’Orient et qui n’étaient elles-mêmes que l’avant-garde d’autres nations.

Au IVe siècle les invasions n’ont pas changé de nature ni de caractère, elles sont ce qu’elles étaient déjà dans les siècles précédents : Rome continue à lutter contre les différentes peuplades qui menacent ses frontières, et ce sont toujours les mêmes ennemis : les Allamans, les Francs, les Saxons sur le Rhin et les côtes de l’Océan ; les Sarmates, les Quades, les Goths, sur le Danube, auxquels se joignent les Bourguignons (Burgundii)[49] et quelques autres peuples qui n’avaient eu jusqu’alors aucun rapport avec elle. Souvent victorieuse, elle repoussait généralement ces attaques et maintenait l’intégrité de son territoire ; parfois même, elle envahissait à son tour le pays des Barbares, transportant chez eux le théâtre de la guerre, pillant, dévastant, incendiant leurs villages, comme ils pillaient et incendiaient les campagnes romaines. Il n’y avait que des trêves plus ou moins longues, jamais de paix véritable. Rome comprenait que pour assurer son repos il aurait fallu anéantir les Barbares et, désespérant d’arriver à ce résultat, elle cherchait du moins à leur faire le plus de mal possible, à les réduire à l’impuissance par une guerre de détail et d’extermination où ses forces s’épuisaient plus encore que celles des Germains.

 

[38] Lehuërou, Inst. mérov., l. I, c. VII. — Ptolémée, Germania.

[39] Cluvier, Germania antiqua, l. III, c. XXVII.

[40] Ammien, L XXVI, c. IV. Ibid., l. XXVII, c. VIII.

[41] Ammien, l. XXVIII, c. V.

[42] Eumène, Panégyrique de Constance, c. XII. — Ibid., c. VII.

[43] Ammien, l. XXX, c. VII.

[44] Zosime, l. III, c. VI.

[45] Ammien, l. XXVI, c. VIII.

[46] Gaupp., Erster abschnitt, c. VIII. (Verfahren der Germanen.).

[47] Florus, l. III, c. IV. — Ozanam, Les Germains, c. VI.

[48] Gaupp., Erst. abschn. — Tacite, Ann., l. XIII, c. LV, LVI.

[49] Ammien, l. XXVIII, c. V. Orose, l. VII, c. XXXII.

 

 

À suivre...

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8 décembre 2012 6 08 /12 /décembre /2012 07:09

ESSAI SUR LA CONDITION DES BARBARES ETABLIS DANS L'EMPIRE ROMAIN AU IVe SIECLE

 

Chapitre I - Les Invasions.

 

Les quatre grandes confédérations germaniques - 1° Les Alamans _ 2° Les Francs _ 3° Les Goths

 

Le premier danger aussi considérable pour l’Empire, après l’invasion des Cimbres et des Teutons, fut la guerre des Quades et des Marcomans, sous Marc-Aurèle, au IIe siècle de l’ère chrétienne. Tous les historiens s’accordent à reconnaître le péril extrême que courut la puissance romaine. Plus de vingt nations s’étaient liguées et avaient combiné une attaque commune contre Rome ; c’étaient les Marcomans, les Narisques, les Hermundures, les Quades, les Suèves, les Sarmates, les Latringes, les Bures, les Victohales, les Soribes, les Sicobotes, les Rhoxolans, les Bastarnes, les Alains, les Peucins, les Costoboces[19], tous les peuples compris entre l’Illyrie et la Gaule, dont la plupart se trouvaient encore à peine connus des Romains, mais dont quelques-uns devaient plus tard acquérir une certaine renommée[20]. Une panique effroyable s’empara de la ville éternelle ; on décréta la levée en masse comme pour le tumultus Gallicus, on arma jusqu’aux esclaves et aux gladiateurs[21]. Marc-Aurèle réunit le sénat, se fit adjoindre un collègue, vu la gravité des circonstances ; on recourut aux oracles, aux prières publiques ; on fit des purifications extraordinaires ; l’empereur ne voulut partir pour l’armée qu’après avoir célébré lui-même un lectisternium de sept jours avec toutes les cérémonies d’usage[22]. Pour subvenir aux frais d’une guerre si terrible et si ruineuse, il fallut faire appel à la générosité de tous les citoyens, recueillir des dons et des souscriptions patriotiques. Marc-Aurèle le premier donna l’exemple : les meubles, la vaisselle du palais, les joyaux de l’impératrice furent vendus à l’encan, au pied de la colonne Trajane, et le produit de cette vente versé dans le trésor public[23]. Pendant plus de quinze années, l’Illyrie, le Norique, la Pannonie, furent le théâtre de luttes sanglantes, de dévastations continuelles[24]. On finit cependant, non sans peine, par refouler les Barbares ; plusieurs firent leur soumission, le reste fut détruit ou poursuivi jusque dans leur pays[25] ; l’empereur mourut en Germanie, avant d’avoir pu rétablir la paix générale, léguant ce soin à son fils Commode. Le danger était conjuré une fois de plus, mais non pour longtemps.

 

À cette première confédération désignée plus particulièrement sous le nom de confédération allémanique, à cause des peuples divers qu’elle renfermait (alle Männer), succéda celle des Francs, dès le commencement du IIIe siècle. Tandis que les Allamans155 occupaient au midi tout le pays compris entre le Danube et le Rhin jusqu’au Mein, c’est-à-dire une partie de l’Autriche, le Tyrol, la Bavière, le Wurtemberg et le grand duché de Bade, les Francs s’étendaient au nord depuis le Mein jusqu’à l’Océan, entre le Rhin et l’Elbe, couvrant à peu près le même espace que l’ex-confédération de l’Allemagne du Nord, moins la Prusse[26] ; les Cattes, les Bructères, les Chamaves, les Chérusques, les Ampsivares, les Sicambres, les Saliens, les Attuarii, étaient les principaux peuples englobés sous la dénomination générale de Francs. Ce nom n’avait point été dans le principe celui de quelque tribu particulière ; emprunté selon toute apparence aux anciens idiomes ou dialectes de la Germanie septentrionale[27], il rappelait l’origine primitive de peuplades qui, chassées de leurs anciennes demeures (warg, wrang, exilé, banni), étaient venues s’établir dans les contrées voisines du Rhin. La qualité d’exilés, de bannis, n’avait rien de déshonorant à cette époque ; elle témoignait au contraire d’un grand amour de la liberté, d’un sentiment de fierté et d’indépendance qui faisait préférer l’exil à la servitude. L’asile de Romulus n’était-il pas ouvert à tous les bannis ? Le même mot wrang signifiait aussi cruel, féroce, et ce sens n’avait non plus rien de défavorable, car les Barbares, à qui les idées de clémence et d’humanité étaient peu familières, mettaient la force au premier rang ; ils ne concevaient guère un héros que couvert de sang ou des dépouilles de ses ennemis ; il a fallu toute une association d’idées nouvelles pour faire du mot Franc ce qu’il est devenu au moyen âge et dans les temps modernes. Les Francs se montrèrent redoutables aux Romains dès leur apparition sur le Rhin ; c’étaient déjà les Cattes et les Chérusques qu’Arminius avait conduits à la victoire contre les légions d’Auguste et de Tibère. La Gaule fut le principal théâtre de leurs exploits ; ils la ravagèrent dans tous les sens, saccagèrent plusieurs villes importantes, pénétrèrent jusqu’en Espagne où Tarragone[28], une des cités les plus florissantes du temps, fut presque entièrement détruite ; et passèrent même en Afrique[29] sur des vaisseaux dont ils s’étaient emparés. Deux siècles après, Paul Orose retrouvait encore dans ces mêmes contrées des traces de leur passage, et de misérables cabanes couvraient l’espace occupé par un grand nombre de villes magnifiques qui n’avaient pu se relever de leurs ruines[30]. Vaincus successivement par Aurélien, par Probus, par Constance Chlore, par Constantin, ils renouvelèrent sans cesse leurs incursions sur le territoire romain. Pendant toute la durée du IVe siècle, les successeurs de Constantin eurent à lutter avec les différentes tribus non soumises de la confédération des Francs. La plupart des campagnes de Julien, de Valentinien Ier et de Gratien furent dirigées contre eux.

Une troisième confédération de Barbares se forma contre l’Empire au IIIe siècle, et menaça l’Orient comme les deux précédentes menaçaient l’Occident : ce fut celle des Goths. Selon le récit de leur historien Jornandès[31], les Goths, généralement confondus avec les Gètes[32], seraient partis de la Scandinavie qu’il appelle une fabrique de nations, officina gentium. Descendant vers le midi, ils auraient soumis les Vandales, leurs voisins, et seraient venus s’établir dans l’ancienne Scythie, c’est-à-dire la Pologne, la Transylvanie, et une partie des plaines de la Russie méridionale, en suivant les vallées du Dniepr et du Don, jusqu’à la mer Noire (Pontus-Euxinus), et la mer d’Azow (Palus-Mœotica). Ils occupèrent la Dacie de Trajan, forcèrent les Romains à se replier en deçà du Danube, puis franchirent bientôt cette nouvelle barrière ainsi que la chaîne des Balkans (l’Hémus), pour se répandre de la Mésie dans la Thrace, la Macédoine, l’Épire, la Thessalie, jusque dans l’Achaïe et l’Asie Mineure[33], semant partout la ruine et la désolation, inspirant une profonde terreur[34]. Les invasions germaniques avaient quelque chose d’affreux : ce n’était pas une guerre ordinaire, mais un fléau destructeur qui s’abattait successivement sur toutes les provinces ; ces hordes sauvages commettaient des excès de toute nature et ne laissaient après elles que le désert. L’Orient se crut perdu. Il fallut verser des flots de sang, lutter pendant plus de dix ans pour arrêter les envahisseurs et les refouler au-delà des frontières. Les empereurs marchèrent en personne contre les Barbares ; les deux Decius trouvèrent la mort en les combattant, comme les anciens héros du même nom qui s’étaient dévoués pour le salut de la République. Claude II, un de ces généraux qui commandaient alors les armées romaines, et que le malheur des temps élevait jusqu’à la pourpre, remporta sur eux une victoire décisive près de Naïsse, dans la Mésie supérieure, aujourd’hui la Servie, l’an 268, et put annoncer dans son rapport sur cette mémorable bataille l’anéantissement de trois cent vingt mille ennemis parmi lesquels se trouvaient non seulement des Goths, mais des peuples de différentes nationalités[35]. L’Orient fut enfin délivré et, pendant plus d’un siècle, les Goths occupés à étendre leur domination au nord du Danube, de la Vistule au Volga, ne troublèrent plus la paix et la sécurité de l’Empire jusqu’au moment où de nouvelles circonstances les y introduisirent pour le renverser définitivement. — Les Goths, dont le nom signifiait dans leur langue le bon peuple, le peuple par excellence, gut thiud, se divisaient en trois grandes branches : les Wisigoths (Goths de l’ouest), les Ostrogoths (Goths de l’est) et les Gépides ou traînards (Gepanta), les derniers arrivés. Parmi les nations qui s’étaient jointes à eux dans l’espoir d’un riche butin, on comptait les Peucins, les Trutungues, les Vertingues, les Celtes et les Hérules[36]. Plusieurs historiens, surtout les Grecs, tels que Zosime et Dexippe[37], les désignent sous le nom de Scythes, à cause du pays où ils s’étaient établis et que l’antiquité connaissait sous la dénomination générale de Scythie.

 

[19] Capitolin, Vie de Marc-Aurèle, c. XXII.

[20] Ammien, l. XXXI, c. V.

[21] Capitolin, Vie de Marc-Aurèle, c. XXI.

[22] Capitolin, Vie de Marc-Aurèle, c. XII, XIII.

[23] Capitolin, Vie de Marc-Aurèle, c. XVII.

[24] Opitz, op. cit., p. 4.

[25] Capitolin, Vie de Marc-Aurèle, c. XVII.

[26] Ce pays des Francs (Francia) s’appelait encore, dans l’empire germanique, la Franconie, et la ville de Francfort sur le Mein (Frankfurth, le gué des Francs) marque le lieu où ils avaient coutume de passer le fleuve.

[27] Wachter, Glossarium Germanicum, au mot warg, wrang. — Lehuërou, Institutions mérovingiennes, l. I, c. V et VI, passim.

Cette étymologie du mot Franc, qui a pour nous le plus grand intérêt, a été longuement discutée. Elle a donné lieu à plusieurs systèmes. Libanius fait venir le nom des Francs du grec φράκτος, hérissé, bardé de fer. D’autres, faisant descendre les Francs des anciens Phrygiens, veulent, comme Frédégaire, que Franci et Frigii soient synonymes. M. Lehuërou résume, dans un chapitre de ses Institutions mérovingiennes (liv. I, chap. VI). les différents systèmes sur l’origine des Francs : le système de Leibnitz (Eccard., notas in Leibnitz, De origine Francorum libellas) et le système de Fréret (Dissertation sur l’origine des Français). Il adopte avec raison l’étymologie de warg, wrang, wrag, donnée par Wachter dans son excellent Glossarium Germanicum.

[28] Gibbon, t. II, c. X.

[29] Aurelius Victor, De Cæsaribus, c. XXXIII.

[30] Sismondi, Histoire de la Chute de l’Empire romain et du déclin de la Civilisation, de l’an 250 à l’an 1000, Paris, 2 vol. in-8°, t. I, c. II, p. 57. — Paul Orose, l. VII, c. XXII.

[31] Jornandès, De rebus Geticis, c. II et suiv., édit. Panckoucke.

[32] L’identité des Goths et des Gètes a été soutenue dans l’antiquité par Dion, Paul Orose et Jornandès qui s’appuie généralement sur les témoignages de ce dernier historien. Parmi les modernes, cette question a été souvent reprise et débattue. Grotius, dans sa préface sur les écrivains de l’art gothique, le savant Seringham, dans son livre sur l’origine des Anglais, Cluvier dans sa Germania antiqua, le comte de Buat, dans son histoire ancienne des peuples de l’Europe, se déclarent tous pour l’affirmative. L’opinion contraire a été soutenue en Allemagne dans ces derniers temps. On peut consulter sur la même question un récent ouvrage de M. Bergmann : Les Gètes ou la filiation généalogique des Scythes aux Gètes et des Gètes aux Germains et aux Scandinaves, Strasbourg, 1859.

[33] Aurelius Victor, De Cæsaribus, c. XXXIII. — Opitz, op. cit., p. 7-9.

[34] Trébellius Pollion, Vita Claudii, c. XI.

[35] Ammien, l. XXXI, c. V. — Opitz, op. cit., p. 11. — Trébellius Pollion, Vit. Claud., c. VIII.

[36] Trébellius Pollion, Vit. Claud, c. VI.

[37] Zosime, édit. Reitemeier, Lipsiæ, 1784. — De legationibus, Excerpta e Dexippo de bellis Scythicis.

 

À suivre...

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1 décembre 2012 6 01 /12 /décembre /2012 08:08

 ESSAI SUR LA CONDITION DES BARBARES

               ÉTABLIS DANS L’EMPIRE ROMAIN AU IVe SIÈCLE

 

Chapitre I - Les invasions.

 

Situation intérieure de la Germanie.

 

On conçoit qu’avec de telles mœurs publiques et privées les Germains soient devenus de redoutables et perpétuels ennemis pour l’Empire, dès qu’ils furent en contact avec la domination romaine. Plutôt que de prolonger un repos qui leur était à charge, ils s’engageaient au service des nations étrangères les plus belliqueuses, avec lesquelles ils étaient assurés de satisfaire ce besoin de mouvement et d’aventures[12]. L’amour de la gloire n’était pas le seul mobile de ces expéditions renouvelées au moyen âge par les seigneurs accompagnés de leurs vassaux. Ils faisaient la guerre pour piller, pour s’enrichir des dépouilles de leurs ennemis vaincus, qu’ils rapportaient et se partageaient entre eux. C’était là le prix de leurs travaux et de leurs fatigues, la récompense de leur bravoure ; ils n’avaient point d’autre solde, et les libéralités de leurs chefs, les présents qu’ils en recevaient, tels qu’un cheval, une lance, une framée, provenaient de la même source[13]. Ils ne se contentaient pas de porter partout la ruine et la dévastation sur leur passage, de brûler et d’incendier, d’enlever tout ce qui pouvait tomber entre leurs mains ; ils emmenaient prisonniers les habitants eux-mêmes et les réduisaient en servitude.

 

Ce caractère sauvage qu’affectaient les guerres des Germains, soit entre eux, soit avec les étrangers, explique la terreur qu’inspiraient les invasions aux malheureux provinciaux, le profond découragement dans lequel elles jetaient les sujets de Rome voisins des frontières. L’Empire était une trop riche proie pour ne pas exciter leurs convoitises : ils trouvaient là d’immenses trésors, tous les produits de l’agriculture, du commerce, de l’industrie, du luxe le plus raffiné, de la civilisation la plus avancée[14]. Ces robustes guerriers, ces hommes du Nord, n’étaient point insensibles aux plaisirs des sens, aux jouissances de la vie, aux douceurs d’un climat tempéré ; ils se sentaient attirés vers ces régions mieux favorisées de la nature. De tout temps, les grandes migrations se sont faites du nord au midi. Quand les Gaulois s’établirent dans la vallée du Pô, descendirent en Étrurie, le traître qui les appela et leur livra sa patrie n’eut qu’à leur montrer les meilleurs fruits et les vins délicieux que produisait la Toscane[15]. Le même instinct poussait les Germains vers le Rhin et le Danube ; tous leurs efforts tendaient à franchir cette double barrière pour se répandre dans les riches contrées de la Gaule, de l’Italie et de la Grèce. Ils tâchaient de tromper la surveillance des postes et des campements romains, fondaient à l’improviste sur de paisibles cultivateurs, ravageaient les campagnes, évitant de se mesurer avec les légions dont ils reconnaissaient la supériorité, et regagnant en toute hâte leurs forêts et leurs marais pour se mettre à l’abri des poursuites. Le temps et les progrès de la civilisation n’ont pas complètement modifié le caractère et le système de guerre des Allemands : on retrouve encore aujourd’hui chez les descendants et les héritiers des Germains plus d’un trait de ressemblance avec leurs ancêtres.

 

À cette première cause de déplacements continuels des populations dans la Germanie s’en joignait une seconde. Les invasions n’étaient pas toujours le fait de simples tribus agissant isolément et pour leur propre compte. Les différentes tribus de même race, de même famille, se groupaient sous la conduite d’un chef plus illustre autour d’une nation conquérante et formaient alors une véritable armée composée, non seulement de quelques milliers d’hommes, mais de multitudes innombrables, grossissant sans cesse comme les eaux d’un torrent débordé. Chaque siècle voyait se former de pareilles associations de peuples, et chaque fois Rome devait trembler pour son existence.200.JPG                             Le triomphe de Marius par Francesco Altamura (1859 - 1864)

 

Vers la fin du IIe siècle avant l’ère chrétienne, l’an 640 de sa fondation, sous le consulat de Cecilius Metellus et de Papirius Carbon, elle entendit prononcer pour la première fois le nom des Cimbres et des Teutons[16]. Partis des extrémités septentrionales de la Germanie, des rives mêmes de la Baltique et de la Chersonèse Cimbrique (le Danemark actuel), ils traversèrent l’Allemagne du nord au midi, franchirent le Danube, pénétrèrent dans la vallée du Rhône, et de là en Italie, au nombre de plusieurs centaines de mille, s’il faut en croire les récits des historiens latins[17], et infligèrent de grands désastres aux premières armées romaines qui cherchèrent à les arrêter dans leur marche dévastatrice. Carbon, Cassius, Scaurus Aurelius, Servilius Cépion, M. Manlius, tous consuls ou consulaires, furent successivement battus ou faits prisonniers[18]. Il fallut le génie militaire de Marius pour en triompher : les deux éclatantes victoires d’Aix et de Verceil sauvèrent Rome et entraînèrent la ruine complète des Barbares ; on en fit un affreux carnage ; ils furent exterminés avec leurs femmes et leurs enfants qui les avaient accompagnés.

 

À suivre...

 

[12] Tacite, De Mor. Germ., c. XIV, XV.

[13] Tacite, De Mor. Germ., c. XIV.

[14] Opitz, Die Germanen im Römischen Imperium vor der Völkerwanderung, Leipzig, 1867, p. 9-13.

[15] Gibbon, Histoire de la Décadence et de la Chute de l’Empire romain, t. II, c. IX. Trad. Guizot.

[16] Tacite, De Mor. Germ., c. XXXVII.

[17] Ammien, l. XXXI, c. V.

[18] Tacite, De Mor. Germ., c. XXXVII.

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24 novembre 2012 6 24 /11 /novembre /2012 07:29

    ESSAI SUR LA CONDITION DES BARBARES

            ÉTABLIS DANS L’EMPIRE ROMAIN AU IVe SIÈCLE

 

Chapitre I - Les invasions

 

 

Caractère des premières guerres de Rome contre la Germanie. — Mœurs des Germains.

 

Montesquieu a dit : Ce ne fut pas une certaine invasion qui perdit l’Empire, ce furent toutes les invasions[1]. En effet, l’entrée des Barbares sur le sol romain prit de bonne heure un caractère régulier et périodique et, la perpétuité des mêmes causes entraînant celle des mêmes effets, le mal s’aggrava tous les jours jusqu’à ce qu’il devînt incurable.

 

Dans le principe, les guerres de Rome contre la Germanie avaient été offensives. Après la conquête des Gaules et l’extension de son empire jusqu’au Rhin, elle se trouva en face des Germains ; elle voulut soumettre ces nouveaux voisins comme elle avait soumis les Gaulois. Ses meilleurs généraux, les Drusus, les Tibère, les Germanicus, pénétrèrent à la tête des légions dans des forêts et des marécages réputés inaccessibles, au-delà des confins du monde civilisé, se frayant devant eux une route avec la hache aussi bien qu’avec l’épée, cherchant à envahir ces régions inconnues et par terre et par mer ; par le nord, du côté de l’Océan, en remontant le cours des fleuves, de l’Ems, du Weser et de l’Elbe ; par le midi, en franchissant le Rhin et le Danube[2]. La Germanie devint une école pour le légionnaire comme l’Algérie pour nos soldats. Ces luttes continuelles où l’on était aux prises avec les hommes et les éléments, la tactique inaugurée pour combattre des ennemis d’un nouveau genre, formèrent d’excellentes troupes, entretinrent l’esprit militaire et donnèrent aux légions germaniques une supériorité dont elles se prévalurent pour disposer de l’Empire après l’extinction de la famille des Césars. Vitellius commandait l’armée de la Germanie inférieure, lorsqu’il fut proclamé empereur à Cologne[3]. Toutefois, la marche victorieuse des Romains ne tarda pas à s’arrêter ; la défaite et le massacre de Varus leur prouvèrent, malgré leurs premiers succès, qu’ils ne devaient s’aventurer qu’avec une extrême prudence dans un pays tel que la Germanie et qu’il fallait se méfier de la soumission apparente des habitants. Les victoires de Trajan sur les Daces, la réduction en province romaine d’une partie du territoire qu’ils occupaient au-delà du Danube[4], ferment l’ère des conquêtes. Dès le IIe siècle de l’ère chrétienne, les rôles sont changés ; Rome abandonne l’offensive pour se tenir sur la défensive ; il ne s’agit plus pour elle d’ajouter de nouvelles provinces à son empire, mais de défendre son propre territoire menacé par les envahisseurs. Les Germains ne ressemblaient à aucune des nations qu’elle avait vaincues auparavant ; c’étaient des peuplades, des tribus innombrables qui venaient les unes après les autres se précipiter sur ses frontières et dont les attaques incessantes ne lui laissaient point de repos : Les légions, mieux armées, mieux disciplinées que les Barbares, parvenaient facilement à en triompher, mais ces victoires partielles n’aboutissaient à aucun résultat définitif ; elles ne faisaient que conjurer le danger présent sans assurer l’avenir ; les provinces demeuraient toujours exposées aux coups de l’invasion ; la Germanie, véritable pépinière d’hommes, semblait inépuisable.186.jpg

 

La situation ultérieure de la Germanie a exercé une influence considérable et décisive sur la marche des invasions ; il faut en tenir grand compte pour bien comprendre les événements. Les Germains étaient plutôt campés qu’établis dans des demeures fixes ; ils n’avaient pas de villes, mais de simples bourgades[5]. Ils vivaient à la manière des peuples pasteurs et nomades ; leur principale richesse consistait dans les troupeaux ; accoutumés à se nourrir du produit de leur chasse et du butin pris sur l’ennemi[6], ils changeaient continuellement de résidence, se contentaient de semer le blé qu’ils pouvaient récolter quelques mois après et se souciaient peu de féconder de leurs sueurs une terre dont la possession ne leur était point assurée, car les groupes seuls (civitates) et non les individus jouissaient du droit de propriété[7]. Il était rare qu’une tribu séjournât plusieurs années consécutives dans le même pays[8]. Ils erraient ainsi de contrée en contrée à travers de vastes solitudes qui suffisaient à leurs besoins, mais dont les ressources eussent été bien vite épuisées par une population nombreuse et sédentaire[9].

 

La guerre était l’occupation favorite et presque exclusive du Germain ; il s’y préparait dès l’enfance ; parmi ses jeux figurait la danse des armes (Waffentanz). Les exemples de ses pères, les récits de ses aïeux, les chants nationaux de sa patrie, tout conspirait à faire des combats et de la gloire militaire l’unique objet de son ambition. Son entrée dans la vie publique était une prise d’armes comme le fut plus tard l’investiture du chevalier ; il recevait dans l’assemblée des chefs de la tribu, de la main de son père ou de l’un de ses proches, le bouclier et la framée, remplacés au moyen âge par l’épée. Dès lors il sortait du cercle de la famille pour devenir membre de l’État. Cette cérémonie, ainsi que le remarque Tacite[10], correspondait à la prise de la toge par le jeune Romain, et marquait l’époque la plus importante de sa vie. La majeure partie de l’existence des Barbares se passait dans des expéditions plus ou moins lointaines où chaque chef entraînait les compagnons attachés à son nom et à sa fortune. Vainqueurs, ils étaient salués à leur retour par les acclamations de leurs femmes, qui se faisaient un honneur de compter leurs blessures et de les exhorter elles-mêmes au courage. Vaincus, ils revenaient couverts d’une ignominie que rien ne pouvait effacer, et la honte d’avoir survécu à une défaite était le plus terrible châtiment infligé à leur lâcheté. En temps de paix, ils ne déposaient point leurs armes, mais les gardaient pour délibérer sur les intérêts de la communauté ou s’en servaient pour se livrer au plaisir de la chasse qu’ils aimaient passionnément, parce qu’ils y retrouvaient une image de la guerre et le souvenir de leurs exploits. Les occupations domestiques n’avaient aucun attrait pour eux ; ils les regardaient comme indignes d’un guerrier et en abandonnaient le soin aux femmes, aux vieillards, aux esclaves[11].

 

[1] Grandeur et Décadence des Romains, ch. XIX.

[2] Tacite, Ann., l. I, c. II, passim.

[3] Tacite, Hist., l. I, c. IX, LVII.

[4] La Valachie actuelle.

[5] Tacite, De Moribus Germanorum, passim.

[6] Tacite, De Moribus Germanorum, c. V.

[7] Tacite, De Moribus Germanorum, c. XVI. — César, De Bello Gallico, l. IV, c. I.

[8] Tacite, De Mor. Germ., c. XXVI.

[9] César, De Bell. Gall., l. VI, c. XXII.

[10] Tacite, De Mor. Germ., c. XIII.

[11] Tacite, De Mor. Germ., c. VII et XIV, passim.

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17 novembre 2012 6 17 /11 /novembre /2012 06:59
      ESSAI SUR LA CONDITION DES BARBARES  
        ÉTABLIS DANS L’EMPIRE ROMAIN AU IVe SIÈCLE

 

INTRODUCTION.


Deux grands faits dominent toute l’histoire du IVe siècle et la résument à eux seuls ; c’est, d’une part, le triomphe du christianisme, et, de l’autre, la pénétration de l’Empire par les Barbares.

L’attention s’est portée de préférence du côté de l’Église. Il suffit de rappeler le bel ouvrage où M. le duc de Broglie a mis en pleine lumière l’influence alors prépondérante de la nouvelle religion[1]. La politique de Constantin et de Théodose est une politique toute chrétienne ; les plus grandes figures du temps sont celles des évêques, des Athanase, des Basile, des Ambroise, des Chrysostome. Le rôle des Barbares à la même époque n’est pas moins important. Appelés eux aussi à devenir un des principaux éléments de la transformation sociale qui s’accomplit du IVe au VIe siècle, ils pénètrent de toutes parts la société romaine et préludent ainsi à la conquête par laquelle ils allaient substituer un monde nouveau à l’ancien.romain-20empire.jpg

Leur triomphe ne fut pas l’œuvre d’un jour. Préparé de longue date, il s’opéra par l’infiltration lente et progressive, mais continuelle, des Germains dans l’Empire, et n’entraîna la chute de ce dernier qu’après sa complète dissolution. Comment et par quels degrés a pu se produire une telle transformation ? Quelle était, dès le IVe siècle, la condition des Barbares établis sur le sol romain ? Cette question nous a paru fournir la matière d’une étude intéressante et utile. Nulle part, que nous sachions, elle n’a été traitée directement et dans son ensemble. Souvent abordée par nos historiens et nos jurisconsultes, car elle touche au droit aussi bien qu’à l’histoire, elle a donné lieu à des aperçus généraux, précieux et féconds à certains égards, mais détachés, sans cohésion, et par là même incomplets.

Ce n’est là du reste qu’un côté de la grande question des rapports des Romains avec les Barbares, question qui se rattache étroitement à celle de la politique romaine. Rome conquit le monde non seulement par force des armes, mais encore par l’habileté de sa politique. Les chapitres de Montesquieu sont dans toutes les mémoires[2], ainsi que les vers du poète latin :

Tu regere imperio populos, Romane, memento ;

Hæ tibi erunt artes, pacisque imponere morem,

Parcere subjectis et debellare superbos[3].

 

Toi, Romain, souviens-toi de gouverner les nations sous ta loi,

- ce seront tes arts à toi -, et d'imposer des règles à la paix :

de ménager les vaincus et de faire la guerre aux superbes ».


Cette politique, on la retrouve à toutes les époques, appliquée aux Barbares comme aux peuples du Latium, de l’Italie, de la Grèce, de la Gaule, de l’Espagne, de l’Asie et de l’Afrique.

Les moyens que Rome employa pour subjuguer les Germains ne différaient point de ceux auxquels elle avait l’habitude de recourir. Elle cherchait à semer parmi eux les divisions, à entretenir les haines, les jalousies, les rivalités de peuple à peuple, à les opposer les uns aux autres, afin d’épuiser leurs forces dans des luttes intestines dont elle savait profiter. Elle ne négligeait aucune occasion de s’immiscer dans leurs propres affaires, de s’interposer comme protectrice ou comme arbitre de leurs différends. C’était un premier pas vers la conquête. Les rois qui tenaient d’elle leur couronne et leur autorité se montraient généralement dociles, sachant que son abandon leur serait aussi funeste que son appui leur était avantageux. La clientèle romaine comprenait des princes de toutes les nations. Rome ne concluait jamais un traité d’alliance soit offensive, soit défensive, sans se réserver des otages comme garanties du traité ; ces otages étaient choisis parmi les personnages les plus considérables du pays ; c’étaient les fils, les plus proches parents du roi, du chef de la nation, les héritiers futurs de son nom et de sa puissance. On les conduisait à Rome où ils passaient les années de leur jeunesse, où ils recevaient une éducation toute romaine, et ils ne rentraient dans leur première patrie que pour y apporter les idées dont ils avaient été imbus. Tacite ne craint pas de nous dire que cette coutume de donner des rois aux peuples, aux cités conquises, remontait à une haute antiquité chez les Romains, et qu’elle était entre leurs mains un instrument de domination[4].

Il y avait une hiérarchie dans l’amitié romaine, des amis de différents degrés, selon les services rendus, selon les preuves de dévouement et de fidélité données à la cause de la République. Chacune de ces classes avait ses privilèges, ses obligations particulières. Elles ne se confondaient point entre elles. L’habileté souveraine de cette politique consistait à assurer le maintien de l’influence et de la prépondérance romaines tout en professant le respect des institutions, des moeurs, des traditions locales. Rome accordait une place dans son organisation sociale, politique et militaire, à tous ceux qui voulaient y entrer comme elle avait ouvert son Panthéon à tous les dieux de l’univers. Il suffisait de reconnaître sa suprématie et d’obéir à certaines de ses lois.

Les Barbares, eux aussi, entrèrent dans l’Empire à des titres divers ; ils servirent à le peupler et à le défendre avant d’en devenir les maîtres. Rome, en les attirant à elle, en les mêlant aux populations déjà soumises, à ses anciens sujets, ne s’écarta point de la ligne de conduite qu’elle avait suivie jusque alors. Ne pouvant triompher des Germains par la seule force des armes, elle chercha à les vaincre par sa politique, à se les assimiler comme elle s’était assimilé le reste du inonde. Le succès cette fois ne répondit plus à son attente ; elle ne fit que précipiter sa chute. Il ne pouvait en être autrement, car, si la diplomatie des Romains n’avait pas changé, la constitution intérieure de l’Empire s’était profondément modifiée. Cette force d’assimilation, si puissante, si féconde, tant que l’élément romain était resté l’élément prépondérant, tourna contre Rome le jour où, ayant plus à recevoir qu’à donner, elle se trouva à la merci des étrangers et ne put subsister que par eux. Les Barbares, supérieurs par le nombre, par la valeur personnelle, initiés à toutes les faiblesses d’une société amollie et corrompue comme celle au milieu de laquelle ils vivaient, n’eurent pas de peine à la dominer, à y occuper le premier rang. Dès lors, il advint ce qui devait infailliblement arriver : la domination romaine fit place à celle des Barbares ; la révolution politique fut accomplie en fait comme en droit.

Nous n’avons nullement la prétention d’embrasser dans toute son étendue une aussi vaste question. Nous nous bornerons à préciser les points les plut importants, à grouper les principaux documents, soit anciens, soit modernes, relatifs à notre sujet et qui peuvent contribuer à l’élucider.

Les copies des traités, des conventions conclues entre les Romains et les Barbares, véritables archives de la chancellerie romaine, sont perdues pour nous, mais nous avons le Code Théodosien, grand recueil des lois impériales du IVe siècle. Les historiens latins, depuis Tacite jusqu’à Ammien Marcellin, les orateurs, les poètes, les panégyristes, les apologistes chrétiens eux-mêmes renferment aussi de précieux renseignements sur la nature des rapports qui s’établirent entre Rome et la Germanie.

Parmi les modernes, les Allemands se sont particulièrement occupés d’une question qui touche de si près aux origines de leur nationalité. Ils l’ont fait avec leur esprit de recherche et de critique. Nous aurons souvent à les citer, à nous appuyer de l’autorité de leurs noms et de leurs écrits[5].

La part des écrivains français, moindre à certains égards, n’est pas cependant sans importance. Montesquieu et l’abbé Dubos[6] au siècle dernier, Chateaubriand, MM. Guizot, Ozanam, Augustin et Amédée Thierry dans le nôtre, ont exprimé sur la décadence romaine et les origines de nos sociétés modernes des idées aussi justes qu’élevées, sans parler de livres plus spéciaux et moins connus, mais d’un mérite réel, tels que les Institutions mérovingiennes de M. Lehuërou[7].

Cette question des rapports dés Romains et des Barbares est une question nationale pour nous comme pour les Allemands. La Gaule, principal théâtre des invasions germaniques, peuplée dès les premiers siècles de l’ère chrétienne de colons et de soldats barbares, occupée définitivement par les Germains au Ve siècle, tient une place considérable dans les événements qui ont amené la chute de l’Empire. Écrire l’histoire de ces événements, c’est écrire une page d’histoire de France. Outre l’intérêt de curiosité générale qui s’attache à l’étude d’une grande période, d’un grand siècle, il y a pour nous un intérêt particulier à étudier une révolution qui s’est opérée sur le sol de notre patrie, d’où est sortie notre nationalité.

Le plan était indiqué par la nature même du sujet. Nous passerons successivement en revue les différentes catégories de Barbares établies dans l’Empire : les Dedititii, les Fœderati, les Lœti, les Gentiles. Nous tâcherons de nous rendre un compte exact du sens et de la valeur de chacun de ces mots, de préciser, mieux qu’on ne l’a fait jusqu’à présent, chacun de ces états. Nous insisterons sur deux institutions qui ont joué un grand rôle dans l’histoire romaine et qui résument les divers modes d’admission des Barbares : le colonat et les établissements militaires. Ici un rapprochement se présente à l’esprit. Les nations modernes se sont trouvées, comme les Romains, en face de populations sauvages ou à demi barbares ; elles ont eu à employer les mêmes moyens ou des moyens analogues. La France, par exemple, après la conquête de l’Algérie, s’est trouvée en présence des Arabes. Qu’a-t-elle fait vis-à-vis des indigènes ? Comment a-t-elle cherché à se les assimiler et à les civiliser ? Il n’est pas sans intérêt de comparer les deux systèmes, de voir en quoi ils se ressemblent, en quoi ils diffèrent.

Quelques considérations préliminaires sur les invasions nous ont paru nécessaires, car elles se rattachent étroitement au système de colonisation germanique adopté par les Romains et qui exerça plus tard, nous aurons à le montrer, une influence remarquable sur la nature des rapports des différents peuples barbares avec les anciens sujets de l’Empire.

 

[1] L’Église et l’Empire romain au IVe siècle, 6 vol. in-8°, Paris, 1860-1866.

[2] Grandeur et Décadence des Romains, c. VI-XVIII.

[3] Virgile, Énéide, VI, v. 852-854.

[4] Tacite, Vita Agricola, c. XIV.

[5] Gaupp, Die germanischen Ansiedlungen und Landtheilungen in den Provinzen des Römischen Westreiches, Breslau, 1844. — Walter, Geschichte des Römischen Rechts, Bonn, 1860. — Sybel, Deutsche Unterthanen des Römischen Reichs, 1844. (Jahrbücher des Vereins von Alterthumsfreunden ion Rheinlande.)

[6] Histoire critique de l’établissement de la monarchie française dans les Gaules, 1734, 3 vol. in-4°.

[7] Lehuërou, Histoire des Institutions mérovingiennes, Paris, Joubert, 1842, in-8°.

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17 novembre 2012 6 17 /11 /novembre /2012 06:10

Pierre-André-Eugène Léotard est né à Lyon le 18 août 1835. Ancien doyen de la faculté catholique des lettres de Lyon. Il fut élève de l’école normale supérieure, Docteur ès-lettres en Sorbonne, chargé d’un cours libre d’histoire à la Faculté des Lettres de Lyon de 1874 à 1877, doyen de la Faculté catholique des lettres de Lyon de 1877 à 1898...

M. Léotard a publié un certain nombre d’ouvrages d’histoire ancienne ou moderne.

 

     ESSAI SUR LA CONDITION DES BARBARES

              ÉTABLIS DANS L’EMPIRE ROMAIN AU IVe SIÈCLE185.jpg

 

 

 

 

 

INTRODUCTION.


CHAPITRE I. — LES INVASIONS.

Caractère des premières guerres de Rome contre la Germanie. — Moeurs des Germains.

Situation intérieure de la Germanie.

Les quatre grandes confédérations germaniques : 1° les Allamans, 2° les Francs, 3° les Goths,

- 4° les Saxons.

Julien. — Valentinien Ier.

Constance.  — Gratien.

Les Huns.

- Double politique de Rome vis-à-vis des Barbares.


CHAPITRE II. — LES DEDITITII.

- Qu’était-ce que les Dedititii ?

- Leurs premiers établissements

- Leur assimilation aux colons. — Question du colonat : 1° son origine ;

- 2° ses caractères essentiels ; 3° développement du colonat par l’élément barbare.

- Les Barbares soumis comme les colons ; 1° à la capitation (tribularii),

- 2° à la loi du recrutement militaire (tirones).

- Principaux établissements des Dedititii au IVe siècle : 1° sur les domaines de l’État, 2° sur les propriétés particulières. - Maintien de leur qualité de Peregrini.


CHAPITRE III. — LES FŒDERATI.

- Différence des Dedititii et des Fœderati. — Origine des Fœderati. - Les Bataves.

- Les Francs Saliens.

- Les Vandales.

- Les Goths.

- Rois barbares fœderati.

- Condition des Fœderati. — Leurs droits civils et politiques : 1° le connubium

- Condition des Fœderati. — Leurs droits civils et politiques : 2° le commercium 

- Leur mode de cantonnement : 1° l’annona militaris, 2° le metatum.

- Le système des garnisons romaines appliqué par les Barbares dans leurs lois du partage des terres.


CHAPITRE IV. — LES LÆTI. 

- Étymologie du mot Lœtus.

- À quelle nationalité appartenaient les Læti ? 

- À quelle classe de la population germanique ?

- Condition des Læti : 1° les Læti colons militaires ; assimilés aux vétérans, 2° leurs obligations,

- 3° leurs droits, 4° leurs Præfecti. — Les Læti et les Lidi du moyen âge.


CHAPITRE V. — LES TERRES LÉTIQUES ET LES COLONIES MILITAIRES MODERNES.

- Condition des terres létiques identique à celle des terræ limitaneæ.

- Les bénéfices romains et les bénéfices mérovingiens.

 - Rapprochement entre les colonies militaires des Romains et les colonies militaires modernes : 1° les Confins militaires de l’Autriche,

- 2° la Russie méridionale, 3° les Arabes de Tell.


CHAPITRE VI. — LES GENTILES.

- Ressemblance de leur condition avec celle des Læti.

- Différence entre les Læti et les Gentiles : les Gentiles étaient des Sarmates et non des Francs.

- Leur date probable, postérieure à celle des Læti. — Leurs principaux cantonnements.

- Des différentes espèces de Gentiles.


CHAPITRE VII. — LES BARBARES DIGNITAIRES DE L’EMPIRE.

Droit de cité accordé aux étrangers : 1° à de simples particuliers, 2° à des nations entières. — Entrée des étrangers dans le sénat. — Population mixte des bords du Rhin. — Le Goth Maximin empereur.

— Politique de Constantin.

— Les Barbares consuls ou maîtres de la milice : Dagalaiphe, Merobaudes, Arbogaste, Stilicon.

— Rois barbares patrices.


CHAPITRE VIII. — VÉRITABLE CARACTÈRE DE LA CONQUÊTE DE L’EMPIRE ROMAIN PAR LES BARBARES.

CONCLUSION.

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10 novembre 2012 6 10 /11 /novembre /2012 08:08

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Les dix premières minutes du livre conté par l’auteur :

 

L’e-book (PDF) et l’audio-book « Arvernes » (MP3)

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27 octobre 2012 6 27 /10 /octobre /2012 07:00

            Vercingétorix

 

     Chapitre XXI  - L'œuvre et le caractère de Vercingétorix.

 

8. Part qui revient, dans la victoire, à Labienus et aux Germains.

 

Malgré tout, cependant, on ne peut pas dire que les légions et César aient suffi pour vaincre Vercingétorix. Il faut faire, dans le compte de cette victoire, une belle part à deux autres éléments qui ne viennent pas du proconsul ou qui ne sont pas de l’armée romaine.

Il y a d’abord les légats de César, ou plutôt, il y en a un, Labienus : les autres ont été, en 52, simplement utiles, Labienus a été indispensable. Il a tenu sans broncher pendant l’hiver au milieu de la Gaule insurgée, il a déjoué la conjuration de la Belgique, il a réduit Comm l’Atrébate à une impuissance de quelques semaines : si le complot avait éclaté dans le Nord en même temps qu’à Gergovie et à Génabum, César, revenu à Sens, aurait été pris à revers. Le même Labienus, quand l’armée du Nord se formait enfin sous Camulogène, l’écrasait à Paris pendant que César se faisait battre au Sud sous Gergovie : ce qui permit au légat de venir sans encombre secourir à temps son proconsul. C’est Labienus enfin qui, le jour du dernier combat devant Alésia, a dirigé cette sortie désespérée qui sauva les lignes romaines et qui fut, tout compte fait, la victoire décisive.

Si Labienus a préparé les succès de César, les Germains ont réparé les défaites des Romains. D’abord, leurs incursions contre les Trévires ont privé Vercingétorix d’auxiliaires fort utiles. Puis César, au début de ses principales campagnes, appelle à son aide immédiate les cavaliers et l’infanterie légère des peuplades germaniques. Il semble dire que ces alliés furent peu nombreux : mais leur nombre n’importe pas, il faut simplement constater leur rôle.

— La première rencontre de cavalerie entre les Gaulois de Vercingétorix et les troupes romaines a lieu près de Noviodunum : celles-ci reculent, les Germains rétablissent le combat.

— Devant Alésia, il y eut deux combats de cavalerie, l’un engagé par Vercingétorix et l’autre par l’armée de secours, et ils furent l’un et l’autre la répétition de celui de Noviodunum : « Nos hommes faiblissaient, dit César, mais les Germains assurèrent la victoire » ; enfin, la grande bataille de Dijon se composa de deux engagements distincts : à leur droite, où ils n’ont point de Germains en face d’eux, les Gaulois sont vainqueurs, et César lui-même faillit périr ; à leur gauche, les Germains les écrasent et arrivent à temps pour dégager le reste de l’armée romaine. Qu’on suppose le proconsul privé du secours des escadrons germains, la cavalerie gauloise eût été longtemps invincible, et Vercingétorix n’aurait pas eu à s’enfermer dans Alésia.

 

9. Ce qu’on peut supposer du caractère de Vercingétorix. Ses rapports avec les dieux.

 

Nous voici ramenés une fois de plus à constater la folie de cette bataille, d’avant Alésia où le roi des Arvernes ruina en quelques heures son œuvre de sept mois et l’espérance de la Gaule.

Pour excuser cet acte, il faut tenir compte de la jeunesse de l’homme et de son tempérament gaulois : à moins de trente ans, un Celte, chef de guerre depuis quelques mois à peine, n’a pas ce calme rassis de vieil imperator, qui, après tout, a manqué parfois à César quinquagénaire. Vercingétorix a subi, à certains moments de sa vie, l’irrésistible force de la pensée qui s’emballe. C’est à un emportement de ce genre qu’a obéi sa volonté, quand il a ordonné la charge colossale où il brisa ses meilleures forces ; et c’est aussi dans un de ces accès d’impétueuse imagination qu’il a tenu ce singulier discours d’après Avaricum, où il prédisait aux Gaulois vaincus l’empire du monde.

Ces impatiences de Vercingétorix rapprochent son tempérament du nôtre, ces rêveries ou ces faiblesses lui donnent peut-être un charme de plus. Il n’a pas l’éternelle froideur de l’ambitieux qui ne cesse de calculer et de décider. Je ne dirai pas qu’il eut ses instants de bonté : nous pouvons juger ses actes comme général, mais nous connaissons si mal son caractère, son humeur et ses pensées, qu’il ne faut rien affirmer sur l’homme. Mais il n’est pas interdit de supposer qu’un mouvement de pitié l’aida à sauver Avaricum, et que le noble désir du dévouement acheva de le résoudre à se rendre à César.

On lui a reproché ses exécutions sanglantes de l’entrée en campagne : il est facile de les justifier, elles étaient une nécessité politique, et il a dû croire aussi qu’elles étaient un devoir envers les dieux.

Car, à côté de Vercingétorix homme de guerre, le seul que nous fasse bien connaître Jules César, il faut aussi se figurer (et je sens parfaitement que je fais une hypothèse, mais que j’ai le droit de la faire), il faut se figurer un Vercingétorix pieux et dévot, adorant et craignant les dieux de sa cité et les dieux de la Gaule, l’équivalent celtique de Camille, de Nicias et de Josué. C’est afin d’obéir à ces dieux qu’après leur avoir donné, comme gages de victoire, des holocaustes humains, il s’est immolé à la fin, comme rançon de la défaite. Il s’est levé et courbé sous leur ordre, tel qu’un pontife armé de la patrie gauloise.

 

10. Du patriotisme gaulois de Vercingétorix.

 

En définitive, c’est bien par ce mot de patrie gauloise qu’il faut résumer sa rapide existence, son caractère, ses espérances et son œuvre.

S’il a combattu et s’il est mort, c’est uniquement par amour pour cette patrie. Jules César, qui l’a connu comme ami, comme adversaire, comme prisonnier, l’a dit et le lui a fait dire, et ne nous laisse jamais supposer, dans les actes de Vercingétorix, un autre mobile que le patriotisme. La dernière parole que l’auteur des Commentaires place dans la bouche de son ennemi est celle-ci : « Qu’il ne s’arma jamais pour son intérêt personnel, mais pour la défense de la liberté de tous ; et c’est sans doute parce que César redouta la puissance de ce sentiment exclusif que, Vercingétorix une fois pris, il ne le lâcha que pour le faire tuer.

La patrie gauloise, telle que l’Arverne se la représentait, c’était, je crois, la mise en pratique de cette communauté de sang, de cette identité d’origine que les druides enseignaient : avoir les mêmes chefs, les mêmes intérêts, les mêmes ennemis, une « liberté commune ». Que cette union aboutît, dans sa pensée, à un royaume ou à un empire limité, compact, allant du Rhin aux Pyrénées, pourvu d’institutions fédérales, ou qu’elle dut demeurer une fraternité de guerre pour courir et ravager le monde, nous ne le savons pas, et il est possible que Vercingétorix ait rêvé et dit tour à tour l’un et l’autre. Mais, et ceci est certain, il eut la vision d’une patrie celtique supérieure aux clans, aux tribus, aux cités et aux ligues, les unissant toutes et commandant à toutes. Il pensa de la Gaule attaquée par César ce que les Athéniens disaient de la Grèce après Salamine : Le corps de notre nation étant d’un même sang, parlant la même langue, ayant les mêmes dieux, ne serait-ce pas une chose honteuse que de le trahir ?

Et Vercingétorix identifia si bien sa vie avec celle de la patrie gauloise, que, le jour où les dieux eurent condamné son rêve, il ne songea plus qu’à disparaître.

 

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24 octobre 2012 3 24 /10 /octobre /2012 06:54

            Vercingétorix

 

     Chapitre XXI - L'œuvre et le caractère de Vercingétorix

 

5. Des fautes commises dans les campagnes de 52.

 

Ce n’est pas qu’il n’ait commis des fautes, et on en a déjà signalé quelques-unes, comme les imprudences de Gergovie et les hésitations de l’assaut au pied d’Alésia. Mais les unes et les autres furent rapidement réparées. La seule faute insigne et irréparable, celle qui annula toutes les victoires et qui prépara toutes les défaites, ce fut d’engager la bataille, près de Dijon, contre César en retraite : bataille qui devait finir par un désastre presque sans remède. Vercingétorix avait toujours dit qu’il ne fallait jamais échanger la certitude de vaincre lentement contre l’espérance d’un triomphe immédiat. Il fit, ce jour-là, ce qu’il avait toujours empêché les Gaulois de faire, et le démenti qu’il donna à ses paroles ne fit que justifier l’excellence de ses principes.

Les autres fautes de la campagne furent moins les siennes que celles de son conseil : on eut le tort de ne point laisser César, après le passage des Cévennes, s’engouffrer jusqu’à Gergovie, et de perdre un temps précieux en revenant vers le Sud ; on eut le tort de ne point brûler Avaricum. Mais, sur ces deux points, Vercingétorix ne fit que céder aux chefs. On aurait dû harceler la retraite du proconsul, vaincu chez les Arvernes : mais c’était la tâche des Éduens. Enfin, si les Gaulois s’interdirent la levée en masse pour sauver Alésia, si les trois attaques des lignes de César furent conduites en quelque sorte à rebours, c’est que Vercingétorix, sans communication avec le dehors, ne put d’abord faire respecter ses ordres, ni ensuite les faire entendre.

 

6. Qu’elles sont la conséquence de la situation politique de la Gaule.

 

Au surplus, ces fautes militaires furent la conséquence de la situation politique où se trouvaient Vercingétorix et la Gaule.

Sa royauté sur les Arvernes était une tyrannie qu’il avait imposée par la plèbe et par ses clients à l’aristocratie de son peuple. Le principat d’un Arverne sur la Gaule était odieux aux Éduens et sans doute désagréable à d’autres peuples. Il en résulta qu’il eut pour principaux rivaux aussi bien les nobles arvernes que les nobles éduens, et que les chefs les premiers à se soumettre, après la reddition d’Alésia, furent ceux de ces deux pays : le plus utile des alliés de César, l’année suivante, fut l’arverne Épathnact, et la première ville où le proconsul put se reposer en sûreté après sa victoire, fut la Bibracte des Éduens.

Vercingétorix eut donc le plus à craindre des chefs dont il avait le plus besoin. La plupart des hommes de son conseil devaient le regarder comme un gêneur, puisqu’un jour ils essayèrent de s’en débarrasser comme d’un traître : les hommes les plus capables de trahir croient le plus volontiers à la perfidie des autres. Aussi le roi arverne dut-il maintes fois, pour obtenir beaucoup de son conseil, lui accorder quelque chose : quand César s’avança par le Sud contre l’Auvergne, Vercingétorix concéda à l’égoïsme des grands propriétaires d’aller défendre leurs terres ; et il épargna de même Avaricum, pour ne pas froisser les intérêts des citadins bituriges. J’explique encore par des jalousies politiques, soit le refus de la levée en masse, soit les lenteurs des Gaulois entre Gergovie et Dijon, entre le blocus d’Alésia et l’arrivée des secours. Après tout Vercingétorix, depuis son alliance avec les Éduens, ne fut-il pas obligé de leur soumettre ses plans et de faire renouveler ses pouvoirs ? Ce n’est pas un paradoxe de dire qu’une fois réuni à eux, il fut moins obéi et moins fort, et que ses vraies défaites datent du jour où il dut commander à toute la Gaule.

Supposez au contraire que les peuples celtiques eussent depuis longtemps pris l’habitude de combattre et d’obéir ensemble ; faites de Vercingétorix, non pas un roi d’aventure, intronisé pour une campagne, mais un maître légitime et reconnu de tous, comme Persée ou Mithridate, et il est vraisemblable que les choses eussent tourné autrement. Si la Gaule a été vaincue, ce n’est point parce que son chef a commis des fautes, c’est parce qu’elle s’est décidée trop tard à combattre, et qu’elle a parfois combattu à contrecœur.

 

7. Valeur des adversaires de Vercingétorix : les légions et César.

 

Mais il faut ajouter aussitôt qu’elle a été également vaincue parce qu’elle avait devant elle Jules César et dix légions, c’est-à-dire le général et les troupes les plus doués des120 qualités qui faisaient le plus défaut, l’autorité à Vercingétorix, la cohésion à ses soldats.

Les légions furent, durant cette campagne, la discipline et la solidité mêmes : la Xe était, pour ces deux mérites, célèbre dans le monde entier ; la VIIe, la VIIIe, la IXe, étaient, avec elle, les plus vieilles et les plus endurcies des armées du peuple romain ; la XIe et la XIIe, qui étaient regardées comme des troupes jeune encore, n’en servaient pas moins depuis sept ans sous les ordres de César ; les quatre autres étaient plus récentes, mais les nouveaux soldats, par esprit de corps et point d’honneur, se mettaient vite à l’unisson de leurs armés. Durant les trois principales campagnes de l’année 52, César n’eut à reprocher à ses légions que la fougue imprudente avec laquelle les centurions de la VIIIe se lancèrent à l’assaut de Gergovie, et encore n’est-il pas sûr qu’ils n’aient point cru obéir à ses ordres. Devant Avaricum, affamées et presque assiégées, elles refusèrent la retraite que leur offrait le proconsul ; devant Alésia, elles furent d’une invraisemblable force de résistance : on est effrayé par la quantité de terres, de bois, de fer et d’osier qu’elles ont dû brasser pendant un mois, et par l’effort d’énergie qu’elles ont présenté encore le dernier jour. Les légionnaires n’étaient pas seulement d’admirables soldats, mais des ouvriers de premier ordre, et quelques-unes de leurs victoires ont été, somme toute, des affaires de terrassement. Une dernière qualité était l’endurance à la marche : leur expédition contre Litavicc, 75 kilomètres en vingt-quatre heures, tout en étant un fait exceptionnel, montre ce qu’on pouvait exiger d’eux.

À côté de la force des hommes, la force de l’armement, de celui de la troupe, le camp, et de celui du soldat, l’armure et les armes : le légionnaire est pesamment armé et presque entièrement bardé de fer, et la légion, retranchée dans son camp, est presque aussi à l’abri qu’une ville derrière ses remparts. Voilà pour la défense. Pour l’attaque, l’usage du javelot, la charge à l’épée (qui seule put forcer, devant Alésia, l’armée de secours à la retraite, mais qui l’y força assez vite), et plus encore (car les campagnes de 52 ont été surtout des guerres de siège), l’expérience la plus complète des machines et des engins. Les légionnaires avaient de leur côté toutes les inventions que la poliorcétique grecque multipliait depuis trois siècles : les ingénieurs des pays helléniques ont sans relâche travaillé et perfectionné leur science pour le profit final de la conquête romaine. La lutte de 52 offre précisément les exemples les plus nets des deux types de siège : l’attaque de force d’Avaricum, à l’aide d’une terrasse et de machines de guerre (oppugnatio), l’investissement d’Alésia par les lignes d’un blocus continu et sa réduction par la famine (obsessio) ; s’il est possible de trouver, même dans l’histoire romaine, des attaques plus savantes que celle d’Avaricum (par exemple celle de Marseille par Trébonius), elle ne présente pas, à ma connaissance, de circonvallation plus complète, plus compliquée et plus infranchissable que celle d’Alésia. Il est vrai que Gergovie déjoua également toute attaque et tout blocus.

Enfin, pour comprendre la défaite de Vercingétorix, pensons que tous ces hommes et toutes ces machines furent à la disposition de Jules César, l’intelligence la plus souple et la volonté la plus tenace qu’on ait vue dans le monde gréco-romain : je n’excepte pas Alexandre. Assurément, le vainqueur de Vercingétorix n’est point le type parfait de l’imperator romain : bien des actes de sa nature primesautière, nerveuse et imprudente ; auraient été blâmés par Paul-Émile. Mais il fut en Gaule un modèle inimitable de conquérant et de général : précis et rapide dans ses ordres, l’oeil aux aguets, l’esprit à l’affût des occasions, calculant beaucoup, mais comptant parfois sur le hasard aussi bien que sur sa prévoyance, patient dans les sièges (sauf à Gergovie), prudent dans les marches, pressé sur les champs de bataille, où les bons moments viennent et s’enfuient rapidement, exigeant beaucoup des siens et de lui-même, se battant comme un soldat, dédaigneux des plus grandes fatigues et des pires dangers, réussissant à coups d’audace, comme dans la traversée des Cévennes, — et par-dessus tout, trop soutenu par une inaltérable confiance dans sa Fortune pour craindre jamais les hommes ni les dieux, et pour vivre autrement que dans l’espérance de la victoire et la volonté du pouvoir.

 

À suivre...

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20 octobre 2012 6 20 /10 /octobre /2012 06:40

           Vercingétorix

 

      Chapitre XXI - L'œuvre et le caractère de Vercingétorix.

 

3. De la manière dont il organisa son armée.

 

Car, du premier jusqu'au dernier jour de sa royauté, Vercingétorix ne fut et ne put être qu'un clef de guerre : toutes les ressources de sa volonté et de son esprit furent consacrées à l'art militaire.

N'oublions pas, pour l'estimer à sa juste mesure, qu'il s'est improvisé général au sortir de l'adolescence, et que ses hommes étaient aussi inexpérimentés dans leur métier de soldats qu'il l'était dans ses devoirs de chef. De plus, ils avaient, lui et eux, à lutter contre la meilleure armée et le meilleur général que le monde romain ait produits depuis Camille jusqu'à Stilicon. Aussi ont-ils eu peut-être, à résister pendant huit mois, autant de mérite qu'Hannibal et ses mercenaires, vieux routiers de guerres, en ont eu à vaincre pendant huit ans.

Vercingétorix dut créer son armée en quelques jours, et s’appliquer ensuite à la discipliner et à l’instruire. Il mit à la former une attention qui ne se démentit jamais, et il trouva, pour chacune des armes, la pratique qu’il devait suivre.

La cavalerie gauloise, hommes et chevaux, était supérieure par la hardiesse et la vivacité, mais elle se débandait vite à la charge ou dans les chocs, elle n’avait pas la force compacte et enfonçante des escadrons germains. Le chef gaulois lui évita, sauf à Dijon, les grands efforts d’ensemble ; il ne l’engagea qu’en corps détachés ; et de plus, il intercala dans ses rangs, au moment des combats, des archers et de l’infanterie légère, dont les traits appuyaient sa résistance ou protégeaient sa retraite tactique qu’il emprunta à la Germanie.

Les Romains avaient des troupes excellentes aux armes de jet, archers de Crète, frondeurs des Baléares, sans parler du javelot des légionnaires. Vercingétorix multiplia, dans son armée, les corps d’archers et de frondeurs, qui l’aidèrent maintes fois à préparer l’assaut des lignes romaines, par exemple à Gergovie et dans la dernière journée d’Alésia.

L’infanterie gauloise n’était qu’un ramassis d’hommes, fournis presque tous, sans doute, par174.jpg les vieilles populations vaincues ou les déclassés du patriciat celtique : Vercingétorix finit par en tirer un corps de quatre-vingt mille soldats qu’il déclarait lui suffire et qui se montrèrent, au moins à Gergovie et à Alésia, braves et tenaces.

L’armée romaine était toujours suivie d’un parc d’artillerie et comptait de nombreux ouvriers prêts à réparer ou à construire les machines. Le chef arverne, qui ne se fiait pas aux seules forces des hommes et des remparts pour attaquer les camps de César et défendre ses propres places, tira fort bon profit de ces talents d’imitation qui étaient innés chez les Gaulois : les gens d’Avaricum eurent des engins presque aussi ingénieux que ceux des assiégeants, et les soldats d’Alésia mirent en pratique les meilleurs systèmes pour combler les fossés et faire brèche dans les palissades.

Les légions, après le combat ou la marche du jour, se retranchaient chaque soir, et leurs camps étaient à peine moins solides que des citadelles : les Romains combinaient ainsi l’attaque et la protection, l’offensive et la défensive. Vercingétorix apprit à ses soldats à fortifier, eux aussi, leurs camps, et à les transformer en refuges devant lesquels hésitât l’ennemi.

Enfin, si imprenables que parussent les grandes forteresses gauloises, Gergovie et Alésia, avec leurs remparts et les escarpements de leurs rochers, il compléta toujours leurs défenses par des boulevards avancés, derrière lesquels il campait ses troupes, et qui retardaient encore l’assaillant loin du pied des murailles. Et ces boulevards furent toujours établis sur les versants des montagnes où les positions naturelles étaient les moins fortes.

Ainsi, Vercingétorix faisait peu à peu l’éducation militaire de son peuple, et ne laissait inutile aucune des leçons que lui apportait l’expérience des combats.

 

4. Sa valeur et ses défauts dans les opérations militaires.

 

Tout cela montre qu’il eut cette qualité supérieure du chef qui se sent responsable de la vie de ses hommes et de la destinée de sa nation : la science très exacte de ses moyens et de ceux de son adversaire, sans faux amour propre ni confiance dangereuse. Ce qui apparût plus encore dans la manière dont il régla les rapports de tactique entre les deux armées, la sienne et celle de César.

Sa cavalerie est trop fougueuse : il la dissémine pour qu'elle détruise sans risques les traînards et les fourrageurs de l'ennemi. Son infanterie est médiocre sur le champ de bataille : il l'emploie surtout dans la besogne, plus matérielle, des travaux de siège. Les légions romaines sont dures comme des villes : il ne les attaque pas de front, il essaie de les user lentement, par la faim et les escarmouches. Leurs camps sont inviolables : il leur oppose des forteresses inaccessibles, comme Gergovie. Les Gaulois aiment à combattre en de grandes masses, dont la sauvage inexpérience n'aboutit qu'à des massacres : il ne recourt à ces amas d'hommes qu'une seule fois, lorsque, à Alésia, en face des retranchements de César, allongés sur cinq lieues et protégés par des piéges et des redoutes continus, il ne peut avoir raison des lignes ennemies que sous la montée incessante de corps innombrables. — Je ne songe ici qu'aux affaires où Vercingétorix prit la décision la meilleure : mais ce fut, et de beaucoup, le plus grand nombre.

De même qu'il jugea presque toujours exactement le fort et le faible des armées, il sut souvent apprécier avec justesse la valeur d'une contrée et les ressources d'un terrain.

Jules César avait un sens topographique d'une rare sûreté. Vercingétorix eut moins de mérite à connaître les routes et les lieux de la Gaule. Encore est-il juste de constater qu'il usa adroitement de ses connaissances. Ses déplacements avant et pendant le siège d'Avaricum, — sa longue retraite, tantôt lente et tantôt rapide, mais toujours hors du contact de l'ennemi, depuis les abords de Bourges jusqu'aux murailles de Gergovie, — son apparition devant les légions, au moment où elles veulent franchir l’Allier, — l’habileté avec laquelle il se présenta à l’improviste prés de Dijon, coupant la route du Sud à César venu du Nord, — la célérité enfin avec laquelle il abrita sa fuite derrière Alésia : — tout cela indique chez lui l’intelligence des routes, l’entente des longues manœuvres, un calcul sérieux de la portée des marches et des contremarches.

Il sut moins bien manœuvrer sur le champ de bataille. Il manqua de cette rapidité et de cette acuité de coup d’oeil qui faisaient le génie de César, et que peut seule donner, à défaut de la nature, l’habitude des rencontres. Il ne devine pas, en une seconde, ce que l’ennemi va faire ou ce qu’il doit faire lui-même dans une situation donnée. Sur les bords de l’Allier, il laisse César s’assurer du passage par une ruse d’enfant. À Gergovie, il perd La Roche-Blanche avec la même facilité et par un procédé presque semblable ; il commet l’imprudence de dégarnir ses camps au moment où César va les attaquer, et il l’attend à l’Ouest quand l’autre monte par le Sud. Le jour de la défaite de sa cavalerie, près de Dijon, il ne sait pas fortifier la colline qui domine la plaine et d’où les Germains le délogent si vite. Enfin, à Alésia, il s’use trois fois inutilement contre les lignes des vallons. Peut-être, à propos de la plupart de ces circonstances, est-il bon de rappeler que Vercingétorix, comme tous les Gaulois, n’avait point l’idée du stratagème militaire : je ne constate pas qu’il ait employé la ruse pour son compte, et il est presque toujours trompé par celle de l’ennemi. Ce fut aussi le cas de Camulogène devant Paris : les Gaulois, disaient les anciens, étaient, à la guerre, d’une nature simple et qui ne soupçonne pas la malice.

Un autre reproche que les tacticiens leur avaient fait, c’était de manquer de circonspection. Vercingétorix, dès le commencement, est guéri de ce défaut. Il se rend compte, autant que César lui-même, que connaître et prévoir font la moitié de la victoire. Tout ce qui est arrivé de fâcheux aux Gaulois, — le danger de garder Avaricum, la défaite en bataille rangée, l’échec d’une attaque partielle pour sauver Alésia, — il l’a annoncé et prédit : et ce fut cette réalisation de ses pronostics qui le rendait si populaire dans la foule, même après un désastre. Sa raison fit parfois de lui un prophète. Il n’espérait jamais la victoire sans se préparer pour la défaite, puisqu’il avait prévu qu’Alésia et Gergovie lui serviraient de refuges. — À l’heure du campement, il savait trouver le terrain favorable : il a eu, autour d’Avaricum, deux ou trois positions successives, sans autre protection que des défenses naturelles, et pas une seule fois César n’osa l’attaquer. — Pendant les marches, il ne s’est jamais laissé surprendre, et il a surpris plusieurs fois son adversaire. César avoue lui-même qu’il avait beau changer les heures et les routes des expéditions au fourrage, Vercingétorix ne manquait jamais de fondre à l’improviste sur ses ennemis.

L’Arverne parait avoir organisé, autour et à l’intérieur de l’armée romaine, un vaste service d’espionnage et de renseignements : il a dû, contrairement aux habitudes gauloises, multiplier les éclaireurs, et l’on sait que c’est souvent, en campagne, la condition essentielle du succès : de faibles armées ont pu remporter de très grands avantages, par cela seul qu’elles transformaient en éclaireurs un dixième de leur effectif.

Après cela, les autres qualités militaires de Vercingétorix, son courage, sa constance, son sang-froid, sont choses banales, et autant du soldat que du général. Il me semble, en relisant César, que Vercingétorix a été assez sage pour ne pas se lancer inutilement lui-même au milieu des grandes mêlées. On ne dit pas qu’il se soit exposé avec cette belle imprudence que le proconsul montra quelquefois. Si cela est vrai, le chef gaulois eut raison de croire que sa vie était le principal instrument de salut de son armée et de la Gaule.

 

À suivre...

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