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28 août 2011 7 28 /08 /août /2011 08:45

   Le lointain ancêtre de la capitale de France, Lutèce, n’a rien de la grande ville qu’elle deviendra plusieurs siècles plus tard. À l’époque gallo-romaine, c’était plutôt une cité de taille modeste, une agglomération parmi d’autres. En réalité, elle ne se distingue pas vraiment de la plupart de ses voisines, tant au niveau politique et administratif que du point de vue de son dynamisme. Plusieurs arguments en témoignent.

   Dans l’organisation du territoire imposée par les Romains, Lutèce n’est qu’une cité de second rang, le simple chef-lieu d’une des plus petites divisions administrative dessinées par un pouvoir autoritaire et centralisateur. Tombé sous le joug romain, et après une brève période de flottement, un mouvement d’urbanisation sans précédent est lancé en Gaule.Lutèce-Haut-Empire-Golvin

   Principalement sous l’impulsion d’Auguste, le premier empereur (27 av. J.C.), la « France » gallo-romaine est profondément remaniée. En 16-15 av. J.C. elle se compose de quatre provinces, chacune ayant sa capitale : Durocortorum (Reims) pour la Belgique, Lugdunum (Lyon) pour la Lyonnaise, Mediolanum (Saintes) puis Burdigala (Bordeaux) pour l’Aquitaine, et Narbo Martius (Narbonne) pour la Narbonnaise. Ces villes, où siège en gouverneur de province chargé du maintien de l’ordre et de la perception des impôts, sont bien sûr les quatre plus importantes. Et Lutèce la romaine n’en fait pas partie.

   On ne trouve l’ancêtre de Paris qu’à l’échelon inférieur. Les provinces sont morcelées en de multiples civitaes, cellules de base de l’administration romaine qui s’appuient sur le réseau antérieur des villes gauloises. Au nombre de 90 environ, ces civitates sont placés sous la responsabilité d’un chef-lieu, disposant d’une administration municipale et donc d’une relative autonomie. Lutèce est ainsi à la tête de la civitate des Parisii, soit… l’une d’une des plus petites de la Gaule.

   Dans ce vaste ensemble urbain, il serait illusoire de chercher une agglomération dont la place serait équivalente à celle de Paris dans la France d’aujourd’hui. Si l’on tient toutefois à désigner une « capitale », à ne retenir qu’une seule ville sur la carte, c’est vers Lugdunum que les regards se tournent. L’ancienne Lyon a en effet une position originale à plus d’un titre.

   Elle est fondée en 43 avant Jésus Christ, un an après la mort de César, sur la colline qui deviendra Fourvière et où il n’y a encore qu’un village celte. Au départ, le motif officiel de sa création est d’abriter les citoyens romains chassés de Vienne. Mais Lugdunum s’impose rapidement comme la nouvelle implantation stratégique des Romains dans  la «  Gaule chevelue ». C’est là que les délégués romains prennent pied jusqu’à la mise en place du découpage administratif augustéen. C’est de là qu’Agrippa (63-12av. J.C.) fait rayonner son formidable réseau routier qui va quadriller tout l’Hexagone. Lugdunum est le point de départ de quatre grandes voies se dirigeant vers le quatre points cardinaux.lyon-maquette

L’avant poste romain au confluent de la Saône et du Rhône devient un carrefour commercial, mais aussi un centre spirituel. Face à la colonie, dans le faubourg de Condate au pied des pentes de l’actuelle Croix-Rousse est implanté le sanctuaire confédéral des trois Gaules en 12 av. J.C. Or c’est près de cet autel que les délégués des cités viennent chaque année en août vénérer la ville de Rome et les empereurs défunts. Par la même occasion on verse son tribut et on règle avec le magistrat romain les affaires en souffrance. L’ancienne Lyon se voit parfois attribuer le titre de « capitale des trois Gaules », celles-ci rassemblant les provinces de Belgique, d’Aquitaine et de Lyonnaise. Bref, l’ombre de Lugdunum, on discerne à peine Lutèce.

   Pour mieux mesurer la place toute relative de cette dernière, on peut certes aussi s’éloigner du découpage administratif et politique, et tenter d’apprécier le dynamisme de la ville à l’aune de sa taille. De nos jours, les archéologues ne se risquent plus à estimer les populations urbaines ; ils préfèrent parler en termes de superficie. Ils accordent ainsi à la nouvelle cité des Parisii de 60 à 70 hectares. Dès lors, Lutèce s’apparente à ses voisines Nemetocenna (Arras, 50 ha), Divodurum (Metz, 100 ha) ou Beauvais (100 ha). Comme on pouvait s’y attendre, elle est loin derrière les capitales de province, puisque Mediolanum (Saintes) et Narbo Martius (Narbonne) font 120 hectares : Burdigala, 150 hectares ; et Lugdunum, 350 hectares.

   Lutèce fait surtout bien pâle figure devant les 600 hectares attribués à Durocortorum (Reims), qui s’impose, grâce à de récentes découvertes, comme « la » plus grande ville gallo-romaine. Mais comment comprendre un tel écart entre deux villes distantes d’une centaine de kilomètres seulement ? Comment expliquer l’essor de la celtique Durocorter qui, avant la conquête de César, ne dépassait pas les 90 hectares ? Un rapide retour en arrière permet de mieux saisir ces deux parcours divergents.

   Dès le départ les Rèmes, puissante tribu vivant autour de l’oppidum de Durocorter ont accordé leur soutien à César. Ils misent sur le général romain dans l’espoir de mettre fin à la domination des Suessions (région de Soissons). En retour, César se sert de Durocorter comme base arrière pour son armée. Pour les Rèmes, le pari est risqué. Il s’affirme payant dès la victoire du général romain. Durocorter se latinise et Durocortorum est honoré du titre de cité fédérée – considérée comme alliée et indépendante, elle ne paie pas l’impôt lié à la conquête. Puis Auguste la propulse capitale de la Gaule Belgique. Le gouverneur s’installe à Durocortorum et, ici plus qu’ailleurs, les constructions se succèdent : une enceinte, deux axes, le cardo (nord-sud) et le decumanus (est-ouest), un forum, un temple… L’ex oppidum celtique de 90 hectares se transforme en une dynamique ville gallo-romaine de 600 hectares.

   De multiples découvertes récentes témoignent de cette  « romanisation » de la ville et de son formidable rayonnement. Pendant seize mois, une trentaine d’archéologues de l’institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont fouillé sur le200 204 vignette GEN-Reims-PO.4 futur tracé du futur  tramway, qui devra traverser Reims du nord au sud sur plus de onze kilomètres. Ils ont exhumé quantité de vestiges antiques : un amphithéâtre, un égout vouté de près de trois mètres de haut, de l’argenterie. Des enduits peints de l’époque d’Auguste ont été également retrouvés ; ils ont été réalisés par des peintres italiens, probablement sur commande de hauts magistrats romains qui souhaitaient décorer leur maison rémoise.

Rien de tout cela du côté de Lutèce, qui connait un autre sort. À l’époque de la Gaule indépendante, les Parisii eux, rallient Vercingétorix, le chef arverne à la tête du soulèvement gaulois. César mobilisé par le siège de Gergovie, envoie alors son lieutenant Titus Labienus mater les troupes ennemis et reconquérir la cité gauloise. En 52 av. J.C., la fameuse bataille de Lutèce s’achève dans un bain de sang. Rome en sort victorieuse, mais s’empare d’une ville détruite par les incendies.

   Contrairement à Durocortorum qui s’appuyait sur un oppidum déjà existant. Lutèce est reconstruite ex nihilo un peu plus loin, à l’emplacement actuel de l’île de la Cité. Elle se dote d’un cardo et decumanus, d’un forum en haut de la montagne Sainte-Geneviève, d’un amphithéâtre, d’un aqueduc et de thermes. Carrefour d’échanges maritimes et terrestres, elle prospère grâce au commerce et au transport de marchandises. D’ailleurs les nautes, confrérie d’armateurs qui contrôlaient la Seine et formaient l’élite municipale, érigent un pilier mêlant effigies gauloises et romaines en signe d’allégeance à Tibère, deuxième empereur romain (14-37) – quelques blocs ont été découverts en 1710 sous une travée degaule romaine Notre-Dame et sont désormais conservés au musée de Cluny.

Ne nous y trompons pas cependant : Lutèce demeure une cité de taille comparable à Cenabum (Orléans) ou Caesarodonum (Tours). Jusqu’à la fin de l’Antiquité, son importance reste tout à fait marginale. Une anecdote en témoigne. Vers la fin du IIIe siècle, la Lyonnaise est divisée en quatre territoires, simplement baptisés Première Lyonnaise, deuxième Lyonnaise, etc. Lutèce se retrouve dans la Quatrième Lyonnaise. Mais même cette subdivision de province de l’Empire romain ne la prend pas pour capitale ! C’est Agendicum (Sens) qui remporte la mise.

 

Source : Les cahiers de Science & Vie N° 111

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25 août 2011 4 25 /08 /août /2011 02:51

Magnus Felix Ennodius ou saint Ennode de Pavie fut évêque de la ville lombarde. Issuennodius d'une famille arlésienne, il fut poète, écrivain, conférencier ; ses œuvres et ses lettres sont une source importante pour connaître certains aspect de le vie au sein de l'empire romain au Ve et VIe siècles.

 

  Voici deux lettres écrites par Ennodius. Traitant d'un sujet d'une grande importance (le mariage), ces correspondances nous plongent dans la vie quotidienne des gens de cette époque.

  

ENNODIUS A LACONIUS.

Cause matrimoniale : une nièce d’Ennodius est demandée en mariage, en Bourgogne, par un de ses parents à un degré éloigné. Instruit de ce cas et consulté par Laconius, ministre de Gondebaud, Ennodius, bien que persuadé qu’à ce degré de parenté le mariage soit licite, en réfère au pape, dont il transmettra la décision.

Bene cupitis superna dispensatio dedit effectum, et de negotiosi occasione colloquii fraternam refovens diligentiam, quod putabatur necessarium, fecit optabile. Hinc cœlestis cura nepti meæ procum non omnino a sanguine nostro peregrinantem jussit accedere: ut dum consulendi instat opportunitas, sancto amori pabula præstarentur. Vix sustinebam, fateor, procurati studia longa silentii: sed interpres mitior putabam applicandum timori quod subducebatur affectui. Deo gratias qui ad usum styli fraternitatem vestram reduxit et gratiæ. Divinis tamen legibus cognationem indiculo comprehensam in matrimonio licere sociari, sine dubitatione noveritis. Sed continuo ad urbem Roman homines meos dirigo, exacturus a venerabili papa super hac parte responsum, ut animum vestrum potioris præcepti firmet auctoritas.

Domine, ut supra, salutationem plenissimam accipientes, sanctum quoque et communem patrem parilis noveritis esse sententiæ: cujus ad vos per hominem meum, si divinus favor annuerit, cum sedis apostolicæ apicibus litteras destinabo.

La divine Providence donne satisfaction à nos légitimes désirs et voici qu’à l’occasion de rapports d’affaire, elle ravive la fraternelle amitié qui nous lie. Ainsi ce qui pourrait paraître imposé par les circonstances, se trouve répondre à nos plus vifs désirs. Donc le ciel a voulu que ma nièce fut demandée en mariage par un prétendant qui n’est pas tout à fait étranger à notre consanguinité, pour que l’obligation où vous vous trouvez de prendre conseil, fournit à notre sainte amitié un aliment. Je supportais avec peine, je l’avoue, le long silence que vous vous imposiez, mais j’avais l’indulgence de penser qu’il fallait mettre au compte de la crainte ce qu’y perdait l’affection. Grâces à Dieu d’avoir ramené votre fraternité à m’écrire, et à me témoigner sa bienveillance. Or soyez assuré que les lois divines tolèrent, dans le mariage, le degré de parenté marqué dans la table que vous m’adressez. Toutefois, je fais sans retard partir pour Rome des exprès, chargés de demander sur ce point l’avis du vénérable pape. Votre conscience sera pleinement rassurée par l’autorité de cette souveraine décision.

Recevez, mon cher Seigneur, comme précédemment, mes salutations les plus cordiales, et croyez bien que notre saint et commun Père émettra un avis conforme au mien. Si le ciel nous fait la faveur d’en recevoir une lettre, je vous l’enverrai par mon exprès, avec le rescrit du siège apostolique.


ENNODIUS A MAXIME SÉNATEUR.

Cette lettre fut écrite avant la 23e du VIIe livre qui a trait également au mariage de Maxime (aucun lien avec la précédente lettre). Ennodius malade ne pouvant y assister, envoie au futur époux l’expression de ses vœux.

Bene disponantur superno vota nostra judicio. Ipse ad nuptias tuas veniat, qui primo parenti, dum adhuc nativa immortalitate gauderet, supernæ benedictionis munus indulsit. Faciat tibi Christus noster nec custoditæ integritatis fructum perire, nec munera nuptiarum. Sic virginitas prosit ad sobolem, ut castitati tuæ fecunditas nihil decerpat: et miro dispensationis arcano, nec sæculo, dum pater es, pereas, nec Dei gratiæ, dum pudicus. Veniat super te quod Isaac juniori filio pie inductus optavit. Illis domum socrus auspiciis uxor intrœat, quibus ad Tobiæ penetralia nurus accessit, sit tibi causa perfectæ dilectionis in conjuge, in te virginitas custodita. Solam illam deputatam tibi noveris, cui te quasi non esses, ex mundi fæce servasti. Ecce quia venire non potui, oratione non desum. Domine mi, spero ut, honore salutationis accepto, quæ a me directa sunt, dignanter accipias.

Que vos vœux trouvent dans le conseil divin un favorable accueil; qu’à vos noces vienne Dieu lui-même qui accorda au premier père, encore en possession de l’immortalité originelle, la faveur de sa bénédiction. Daigne notre Christ vous accorder de ne perdre ni le fruit de la vertu que vous avez gardée, ni les avantages des noces. Qu’ainsi la virginité tourne à l’avantage de la famille, et que votre chasteté n’y perde rien ; par un dessein admirable de la Providence, le siècle ne perdra rien en vous, puisque vous serez père, ni la grâce divine, puisque vous serez pudique. Obtenez ce qu’Isaac, pieusement sollicité, souhaita à son fils le plus jeune. Que votre femme entre dans la maison de sa belle-mère sous ces mêmes auspices qui accompagnèrent au foyer de Tobie sa belle-fille. Trouvez en votre épouse le motif d’un amour parfait et qu’elle le trouve en vous dans la virginité si fidèlement gardée. Croyez que celle qui vous est choisie est l’unique à laquelle, comme si vous n’étiez pas de ce monde de corruption, vous vous êtes gardé. Je n’ai pu venir, mais je suis présent par la prière. Je vous salue et j’espère, cher seigneur, que vous daignerez agréer mon envoi.

 

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4 août 2011 4 04 /08 /août /2011 14:19

On pourrait décrire le terroir de Lutèce, le Paris antique, d'après sa diversité : des prairies, des zones humides, des collines et des forêts. Ce paysage varié et accueillant, au climat tempéré humide, était très proche du milieu actuel, avec un couvert arboré clairsemé aux abords de la Seine et plus arbacé sur les pentes sud de la montagne sainte Geneviève. D’un point de vue hydrologique, toute une série de rivières, dont l’Yonne et la Marne, convergeaient en amont de Lutèce pour y former un grand fleuve, la Seine, aux berges inondables et marécageuses. Une rivière plus petite, la Bièvre, aujourd’hui disparue dans les égouts parisiens, présentait au sud-est un cours étroit et inégal, bordé de falaises, riche en carrière de pierres, tandis que sur la rive gauche, des lieux de sources, comme celle de la place de la Sorbonne fournissaient les ressources en eau. Ce site avantageux a fourni aux habitants des matériaux de construction à extraire des différentes couches de terrains et de l’eau dans ses nappes souterraines. Le développement qui s’opère quelques années avant notre ère, sous le règne de l’empereur Auguste, a privilégié la rive gauche, sur un site sans doute déjà occupé par le peuple lutece1gaulois des Parisii dans la seconde moitié du 1er siècle avant notre ère. La nouvelle ville s’est établie sur un lieu dégagé, de faible altitude, la montagne Sainte-Geneviève. Cette colline qui culminait à 56m au-dessus du niveau de l’eau se présentait comme un plateau aux pentes assez raides. Elle présentait l’avantage d’un lieu sain éloigné des marécages mais débouchant sur le gué naturel qui permettait le passage sur l’île de la Cité et la rive droite puis, plus loin au nord, l’accès au pas de la Chapelle, petit col entre les collines de Montmartre et de Belleville.

  Un chapelet de monceau et d’îles formait autant de ponts naturels mais peu stable entre les deux rives ; l’île de la Cité était aussi constitué à l’origine de trois monceaux séparés par des petits chenaux. La rive droite de la Seine se présentait sous la forme d’une plaine alluviale limitée au nord par une série de hauteurs, Auteuil, Chaillot, l’Etoile, Montmartre, Belleville, Ménilmontant et les Buttes-Chaumont. Cette plaine devait être encore parcourue par un petit cours d’eau dont le tracé perpétuait celui d’un ancien bras de la Seine qui coulait en contrebas des reliefs tertiaires et qu’empruntent aujourd’hui les Grands Boulevards. Plus proche des berges de la Seine, des monceaux peu élevés subsistaient, dont l’un, le monceau Saint-Jacques (à l’emplacement de la tour actuelle du même nom), face à l’île de la Cité, permettait au cardo (axe nord-sud principal de Lutèce) de poursuivre sa route vers le nord. Des vestiges antiques y on été mis au jour sur une superficie réduite aux abords immédiats de la route, entre la berge de la Seine et l’actuelle place Beaubourg.Lutèce-Haut-Empire-Golvin

 

  Lutèce, favorisée par sa situation au croisement d’un fleuve navigable et d’une route terrestre très ancienne, s’est installée sur le sommet et les versants du plateau de la montagne Sainte-Geneviève, en pente en direction de la Bièvre et surtout de la Seine.

  La ville du 1er siècle après Jésus-Christ est d’aspect encore très gaulois : elle est couverte de maison en torchis et à toit de chaume. Elle s’étend très largement sur tous les versants de la colline, jusqu’au quartier du Luxembourg et à la rue Monsieur-le-Prince vers l’ouest, jusqu’à la Bièvre vers l’est et avant le Val-de-Grâce au sud. Au nord, la zone de marécages limite la ville de la rive gauche aux environs du boulevard Saint-Germain. Elle garde la même superficie jusqu’au Bas-Empire, correspondant, schématiquement, au 5è et à une partie du 6e arrondissement actuel.

  A partir de la fin du 1er siècle apr. J.C., si les zones artisanales se concentrent sur la périphérie de Lutèce, près des axes sud et sud-ouest d’entrée dans la ville, les habitations et les commerces s’établissent un peu partout dans la ville sans qu’on observe de répartition des activités. En revanche, c’est clairement sur le versant nord de la colline qu’ont été bâtis les grands monuments civils de Lutèce, le forum, les thermes de Cluny et du collège de France et le théâtre. Les urbanistes de l’époque ont choisi pour l’édification des « arènes » un lieu un peu en dehors de la ville sur le versant le plus escarpé de la Bièvre afin de profiter de sa déclivité naturelle. « Parure monumentale » destinée à être vue de la Seine, le paysage urbain de Lutèce se déployait en étages sur la montagne Sainte-Geneviève, offrant de haut en bas les grands monuments symboles de la romanité et de l’adhésion aux valeurs de l’Empire.

  Le plan d’urbanisme de la ville reposait sut l’implantation de ce que le Romains nommaient le « cardo maximus », c’est-à-dire le principal axe nord-sud d’une fondation urbaine. A Lutèce, cette voie a donné naissance aux actuelles rue Saint-Martin, sur la rive droite, rue de la Cité sur l’île du même nom, et rue Saint-Jacques sur la rive gauche. Le cardo constituait plus largement une route permettant de franchir la Seine, faisant en partie de Lutèce, une ville-pont. A partir de cet axe et de voies décumanes (orientées d’est en ouest suivant le décumanus romain), comme la rue des Ecoles ou la rue Pierre-et-Marie-Curie, un quadrillage théorique de la ville a sans doute servi de base aux premiers tracés de rues. Cependant si le système orthogonal est attesté dans le centre urbain, principalement autour du forum, des thermes de Cluny et du théâtre, l’ensemble des rues de Lutèce en forment une adaptation libre, modelée par des contraintes topographiques ou par le respect d’axes de circulations gaulois qui ont dû persister.

 

Source : Construire à Lutèce, éd. Paris musée

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24 juillet 2011 7 24 /07 /juillet /2011 11:39

  L’artisanat spécialisé dans le travail de l’os et du bois de cerf, parfois appelé tabletterie par emprunt d’un terme moderne, se développe dans toute la Gaule, particulièrement à partir du Ier siècle après Jésus Christ. Des vestiges de cette activité, pratiquée par des artisans fixes ou itinérants, sont régulièrement mis au jour dans les villes, grandes et moyennes, et dans les domaines agricoles ; elles perdurent jusqu’au-delà du Ve siècle.

  Les artisans s’approvisionnent auprès des boucheries et récupèrent les ossements des animaux consommés à l’époque, essentiellement ceux du bœuf ; ils travaillent également les os de cheval, espèce qui n’entre pas dans l’alimentation. Les bois de cerf, tombés naturellement ou récupéré sur des bêtes abattues à la chasse, sont également travaillés.

  Les artisans sélectionnent les ossements résistants et offrant le plus de matière, les mieux adaptés à la fabrication des objets ; ils les façonnent à l’aide d’outils divers : scie, ciseau, gouge, tour. Des études reprenant les étapes successives de ce travail ont été réalisées, depuis la préparation de la matière jusqu’à la finition des pièces et leur décoration.

  Selon les sites, la nature des informations varie, parfois il ne reste que des déchets liés à la première phase préparatoire ou bien des ébauches (objets non terminés) qui nous indiquent la nature des productions. L’atelier de l’artisan n’est pas toujours localisé précisément, il peut être installé dans la même pièce ou dans le même bâtiment qu’un bronzier ou un forgeron. Ces artisans devaient travailler ensemble pour la réalisation de certaines pièces, comme les couteaux à manche ou les meubles, et partageaient sans doute certains outils.

  Les objets produits par l’artisanat de l’os et du bois de cerf concernent tous les aspectsdé-os de la vie quotidienne, comme nous le montre par exemple, ceux conservés au musée gallo-romain de Saintes (Charente-Maritime) :

_ les éléments de charnière de meuble sous la forme de cylindres perforés courts ou longs : qui composent l’articulation des portes d’armoire ou des couvercles de coffre ;

_ des pièces de jeu ou de comptage, comme les jetons circulaires à faces décorées ;

_ des dés cubiques pour les jeux de hasard ;

_ des épingles à cheveux ;

_ des anneaux, des bracelets en os et des médaillons porte-bonheur en bois de cerf ;

_ des boites à onguents ou à fards (pyxides)

_ des cuillers ;

_ des accessoires pour le filage : fuseaux, fusaïoles, quenouilles ;

_ des manches pour des couteaux à lame fixe ou pliante.Villascopia-3

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23 juillet 2011 6 23 /07 /juillet /2011 12:07

  suite le l'article : La Normandie avant César  

  La ville

 

  La ville est le principal facteur de romanisation après la conquête de Jules César (58-51 av. J.C.). C'est par elle que se diffusent la langue latine et les modes de pensée romains. Dans la cité de province, la politique, la religion, la culture et les autres aspects de la vie forment un ensemble indissociable qui imite le modèle romain.

 

À ces villes, qui succèdent souvent aux chefs-lieux des tribus gauloises, correspondent la plupart des villes actuelles de Normandie :

- Bayeux – Augustodurum, chef-lieu de cité des Bajocasses

- Vieux - Aragenuae, chef-lieu de cité des Viducasses

- Lisieux – Noviomagus, chef-lieu de cité des Lexovii

- Rouen – Rotomagus, chef-lieu de cité des Véliocasses, qui deviendra la capitale de la Seconde Lyonnaise.

L’exemple de Vieux

L’actuel village de Vieux occupe l’emplacement de la ville romaine d’Aregenua, chef-lieu de la cité des Viducasses. Les premières fouilles y furent réalisées en 1697, suivies de nombreuses autres observations effectuées tout au long des XVIIIe, XIXe et XXe siècles. Plusieurs monuments publics (thermes, édifice de spectacles, temple) ainsi que de nombreuses habitations privées ont ainsi pu être observés.

 

La fouille du site du « Bas de Vieux », menée entre 1988 et 1991 par le Service Départemental d’Archéologie du Calvados, a livré les vestiges de plusieurs voies et d’une somptueuse domus  aménagée depuis 1993 en jardin archéologique.domus-vieux-photo-aérienne

Cette domus est une maison à péristyle, c'est-à-dire dotée d'un jardin intérieur entouré d'un portique (colonnade périphérique). Cette demeure particulièrement vaste (1450 m² au sol), de plan méditerranéen, se distingue par la qualité de sa décoration intérieure (mosaïques, peintures murales, statue de déesse tutélaire, piliers sculptés, colonnesVieuxSiteMaisonGdPeristyle ciselées etc.). Le bâtiment actuellement visible a été construit au cours du dernier quart du IIe siècle ap. J.-C., sur les vestiges d'au moins cinq constructions dont la plus ancienne remonte au début du Ier siècle ap. J.-C. Au IVe siècle ap. J.-C., après un incendie, la rangée de pièces occidentales est recoupée par une voie nord/sud, l'édifice est réparée et porte le nom de maison à la mosaïque en damier du nom d'un élément de décor. La qualité de vie a baissé et des artisans s'installent dans la villa qui a pu continuer toutefois à servir d'habitation. Dans le premier tiers du IVe siècle, un nouvel incendie ruine un édifice déjà quasiment abandonné. Le cardo perce les ruines vers 330-340. Les gravats sont répandus dans la Vieux maquette villavilla. Une installation perdure toutefois car des antoniniens et une monnaie de Gratien ont été trouvés dans une fosse. Une monnaie d'Arcadius a également été trouvée ailleurs sur le site de la villa. Le site sert ensuite de ressource pour les matériaux de construction de manière ponctuelle et à grande échelle, vers 475-550 suite à la découverte d'une hache franque.

 La richesse exceptionnelle du gisement pour le nord de la France permet donc de suivre la genèse et le déclin d’un quartier de la cité pendant les quatre premiers siècles de notre ère.

  Le vicus

Le vicus est un bourg d’artisans, une petite agglomération occupant une triple fonction dans la Gaule romaine :

- routière par sa situation géographique,

- culturelle avec ses temples,

- commerciale par les activités d'échanges et d'artisanat de ses habitants.

La naissance de Caen : Catumagos

Les fouilles archéologiques réalisées à Caen dès après la seconde guerre mondiale ont confirmé qu’il existait bien une telle agglomération au Ier siècle de notre ère, sur les bords de l’Odon soit, aujourd’hui, à l’emplacement de l’Hôtel de Ville de Caen.

 

Près de la salle des Gardes, on peut encore y voir les vestiges d’un fanum (petit temple) (cf. 3. La diffusion des cultes). Plus loin, dans la cours de l’ancienne école normale d’institutrices, on a découvert une habitation et un four de tuilier.

Ce bourg était principalement voué à l’artisanat (tanneries notamment) et au commerce. Il périclita à la fin du IIIe siècle, des suites de la désorganisation du commerce dans l’empire romain.

 

Le fanum en était séparé d’un quartier artisanal (tannerie, tabletterie) par un mur matérialisant la limite de l’espace sacré. Il était composé d’un petit bâtiment rectangulaire (cella) de 5,30 m sur 2,20 m de côté, construit en pierres sèches recouvertes d’enduit peint rouge. Ce sont les bases de trois de ces murs qui sont encore visibles aujourd’hui. La galerie de circulation qui entourait la cella a disparu.

 

 

  L’habitat rural : la villa romaine

La romanisation du monde rural a porté sur l'intégration de l'aristocratie indigène envilla1 incitant cette dernière à rationaliser l'exploitation agricole selon les normes romaines. La villa illustre cette nouvelle organisation économique de l'espace rural. C'est à la fois une maison de campagne et une exploitation agricole.

 

  Les voies romainesAGRIPPA

Après la conquête, Les Romains ont très vite réalisé un ensemble de routes sous l'impulsion notamment d'Agrippa (63-12 av. J.-C.), général romain, gendre et ministre d'Auguste. Les voies romaines les plus importantes étaient financées par l'Etat. Les voies secondaires étaient quant à elles aux frais des cités qu'elles joignaient et les plus petites voies étaient, elles, entretenues par les propriétaires dont elles traversaient les terrains.

Les bornes milliaires sont les équivalents de nos bornes kilométriques actuelles. Le nom de milliaire* vient du mot "mille", qui était l'unité de distance mesurant mille pas, soit environ 1481 mètres. Après Septime-Sévère, empereur de 193 à 211 ap. J.-C., l'unité de mesure la plus utilisée dans le nord de la Gaule, en Germanie et en Bretagne devient la lieue gauloise, laborne-de-trajan "leuga"* (2 222,50 m), tandis qu'au sud de Lyon les distances restent exprimées en milles.

Les bornes sont souvent de forme cylindrique. Elles ont environ 50 à 80 centimètres de diamètre et mesurent 2 à 4 mètres de hauteur.

La borne milliaire comporte toujours une inscription gravée en abrégé qui nomme l'empereur qui a fait construire ou restaurer la route, ainsi que ses titres et ses fonctions.

La borne indique naturellement la distance entre le lieu où elle est implantée et le point de départ, très souvent le chef-lieu de cité.


Description :

La borne milliaire est en calcaire et mesure 1,43 m. de hauteur et 0,63 m de diamètre (la photo ci-contre ne représente pas la borne décrite). Elle a été découverte à Frénouville en 1804 à 1,50 m. de profondeur lors du creusement des fondations d'un bâtiment non loin de l'église. Le socle a été trouvé à côté de la colonne mais n'a pas été conservé.

L'inscription est gravée dans un cadre dont le côté droit est détruit. La gravure est peu profonde et a subi des dégradations consécutives au gel.

Elle remonte à 98 ap. J.-C. La titulature nous informe en effet que la borne est dédiée à Trajan, empereur de 98 à 117 ap. J.-C. La borne indique une distance de 25 000 pas de Noviomagus, soit environ 37 kilomètres de Lisieux. En réalité la distance est de 35 km, ce qui montre (compte tenu de la faible erreur) que la borne n'a pas dû être déplacée de l'endroit où elle fut découverte.

 

Source : Dossier pédagogique du Musée de Normandie

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17 juillet 2011 7 17 /07 /juillet /2011 23:02

  Les prix indiqués proviennent d’inscriptions découvertes à Pompéi ; ils peuvent être différents en Gaule selon les produits ou les régions.

 

  Les produits alimentaires

 

  1 modius de sel                                             100 deniers

  (1 boisseau, 8,78 litres soit 1 mesure généralement utilisé pour le blé)

  6 litres d’huile d’olive                                    40 deniers

  1 kg de porc                                                 25 sesterces

  1 kg de bœuf                                                16 sesterces

  1 litre d’huile de bonne qualité                        5 sesterces

  1 lapin                                                           2 sesterces

  1 poulet                                                         1 sesterce

  1 livre romaine de fromage (327g)                   1 sesterce

  1 repas modeste à l’auberge                            0,75 sesterce

  1 pain (500g)                                                 1 as

  100 huitres = 1 modius de froment                   7 sesterces

 

  Les ustensiles

 

  1 tunique                                                        15 sesterces

  1 verre                                                            1 dupondius

  1 assiette                                                        1 as

  1 lampe à huile                                                 1 as

 

  Les animaux

 

  1 mulet                                                            520 sesterces

 

  Les esclaves

 

  1 jolie fille                                                      de 2 000 à 6 000 sesterces

  1 couple d’esclave                                             5 048 sesterces

  1 musicienne                                                    4 000 sesterces

  1 viticulteur                                                    2 000 sesterces

  1 cuisinier                                                       1 700 sesterces

  1 esclave ordinaire                                          500 à 1 500 sesterces (selon l’âge)

 

  Les salaires

 

  Haut fonctionnaire                                          60 000 sesterces par an

  Légionnaire                                                     900 par an

  Légionnaire à la retraite                                  12 000 sesterces par an

  Enseignant                                                      720 sesterces par anP1010595

 

 

Article ayant un lien avec celui-ci : LA MONNAIE CHEZ LES GAULOIS ET LES GALLO-ROMAINS

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15 juillet 2011 5 15 /07 /juillet /2011 23:06

Généralités

 

  Il existait en Gaule deux types principaux de véhicules tractés. Le plus léger dispose de deux roues et ne pose pas de problème de manœuvres particulier. Il peut être tracté par l’intermédiaire d’un timon central ; mais compte tenu de la charge limitée, les charrons romains préféraient la confection de brancards que l’on attelait à un animal de trait unique. (fig.1)P1010491

  Le second type de véhicule tracté compte quatre roues disposées deux à deux sur l’avant-train et le train arrière (fig.2). En règle générale, la traction est alors assuréeP1010492 par un timon central sur l’avant-train. Voitures de voyage ou charriots de charge pouvait atteindre les 500 kg à vide ; aussi deux animaux tracteurs n’étaient pas superflus. Toutefois, quelques cas de voitures à quatre roues et brancards sont observés. Cela est d’autant plus envisageable par le fait que l’on remarque sur de nombreux bas-relief funéraires l’existence d’un animal d’appoint (nommé funalis), attaché par un trait à l’avant du véhicule, qui peut ponctuellement apporter son aide lors de passages difficiles (montées, chaussées déformées…).

  Beaucoup de questions techniques restent en suspens concernant ces véhicules ; les découvertes archéologiques sont bien trop souvent lacunaires. Pensons en particulier au problème de la manœuvre des véhicules à quatre roues. Comment pouvaient-ils emprunter des rues à angle droit, comme on en trouvait dans de nombreuses villes ? Selon certains auteurs l’avant train était mobile : c’est-à-dire qu’il pouvait pivoter sur un axe et amorcer une légère courbe, tant que la jante de la roue ne venait pas buter sur l’angle inférieur de la caisse. Par ailleurs, il était fréquent que l’on fasse riper les roues antérieures afin de faire prendre une autre direction au chariot. Pour cette procédure, un cheval d’appoint pouvait également être sollicité.

  Parallèlement, les connaissances sont assez faibles concernant la structure en bois et les essences utilisées. Les données archéologiques pour l’époque romaines étant minimes, il faut faire appel aux sources littéraires. L’essence la plus communément utilisées demeure le chêne ; pour les structures de la voiture en particulier. Le frêne, lisse et flexible, convient mieux pour les pièces à courber (timon, brancards…). Enfin, l’orme, de fente difficile, était souvent préféré pour certaines pièces sensibles comme les moyeux.

 

  Les différents types de véhicules

 

  • Le char romain (currus)

 

  Cette expression évoque d’emblée le char de guerre ou le char de course (fig.3) mais la réalité est plus complexe. Les Romains utilisent un terme général, currus, pourP1010493 caractériser l’ensemble des véhicules. Le mot était souvent associé à un adjectif qui précisait le type d’utilisation et les usages spécifiques qui étaient associés (décorations, attelage particulier). Par exemple, le currus triomphalis était réservé au général victorieux revenant d’une campagne militaire et auquel on décernait les honneurs du triomphe. A partir du règne de Tibère cette reconnaissance suprême sera réservée uniquement aux empereurs ; le char richement décoré était attelé à quatre chevaux blancs.

 

  • Les voitures de cérémonies

 

  Quelques véhicules antiques avaient une vocation particulière :

  _ la tensa était une sorte de «  temple sur roues », dont la fonction était sacrée et sur laquelle on promenait les images des dieux dans les ludi circenses (fig.4)P1010494

  _ le pilentum, véhicule à quatre roues, était réservé à l’origine aux transports des prêtres et des objets du culte lors de fêtes religieuses. Mais dès la fin du IVe siècle avant J.C., il a pu servir aux matrones romaines (fig. 5)P1010496

  _ le carpentum était une voiture à deux roues surmontée d’un baldaquin. De la même façon, son usage était liturgique à l’origine. Par décret du sénat, les matrones romaines pourront également utiliser le carpentum pour leur déplacement «  même les jours ordinaires ». Ce véhicule convenait particulièrement aux processions funèbres, comme l’atteste le revers du sesterce de Caligula dédié à sa mère Agripine. (fig. 6)P1010497

 

  • Les voitures d’apparat et de voyage

 

  Les voitures à deux roues :

  _ le cisium était un véhicule rapide et léger pouvant compter deux places. Le plateau était prolongé par un timon, ou bien, par deux brancards. La caisse pouvait disposer d’un dossier et d’accoudoirs. On le dénomme souvent « cabriolet » ; son châssis pouvait être élevé (fig. 7 et 8)P1010498

  _ l’essedum est très voisin du précédent ; on utilise fréquemment l’un et l’autre terme pour caractériser un même véhicule à deux roues. Ce nom était cependant d’origine gauloise : chez César il désigne le char de guerre des Bretons. Par conséquent, le fond indigène a tendance à privilégier cette appellation. Malgré tout, l’essedum est adopté par les romains ; Suétone dénomme ainsi la voiture de l’empereur et de ses proches, et cite un exemplaire entièrement décoré d’argent. (fig. 7 et 8)P1010499

 

  Les voitures à quatre roues :

 

  _ la carruca est la voiture du luxe par excellence. Véhicule à deux essieux, lourd et spacieux, il pouvait être richement décoré (or, argent, ivoire, bronze…). Il a longtemps été réservé à l’empereur et à sa famille : Suétone nous du train de mille carrucae de l’empereur Néron. Les exemples figurés sont rares. (fig. 9)P1010500

  _ la raeda (ou rheda) était un véhicule semblable au précédent, mais en moins luxueux, plus lourd et plus spacieux. Il était « affecté aux transports publics ou voiture de louage » et « servait aussi aux déplacements familiaux ou utilitaires des particuliers ». (fig. 10)P1010501

 

  • Les véhicules de charge

 

  Pour cette catégorie, les appellations sont très nombreuses. Ce type de véhicule était leP1010502 plus utilisé en Gaule. En fonction des régions (langues et nature des terrains) et du faire-savoir des charrons locaux, les réalisations et leurs noms pouvaient être très diversifiés.

  Un terme général désignait le chariot, carrus. On utilisait aussi sarracum et angaria ; mais surtout plaustrum. Les anciens distinguaient le char de transport à deux roues, appelé plaustrum minus, de celui à quatre roues le plaustrum majus. (fig. 11 et 12)P1010503

 

Dessins de F. Demonsais

 

Source : Le char romain du musée archéologique de Saintes. Édité par les musées de la ville de Saintes avec le concours de la Direction des Affaires Culturelles de Poitou-Charentes

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11 juillet 2011 1 11 /07 /juillet /2011 22:11

  Une équipe de l’Inrap fouille actuellement, sur prescription de l’État (DRAC Pays-de-la-Loire), l’emplacement du futur espace culturel des Jacobins dont la ville du Mans est maître d’ouvrage. Ce programme de fouilles se déroule en plusieurs phases et en parallèle des travaux de construction.


  La fouille du comblement vaseux d’un bassin antique de plus de 2 500 m² a livré aux archéologues un abondant mobilier. Celui-ci se compose d’objets de parures et de monnaies de bronze, d’argent et d’or jetés dans le bassin en offrande à quelque divinité, indiquant la vocation cultuelle du lieu. Plus de 150 monnaies ont été ainsi découvertes, toutes frappées entre le Ier siècle avant notre ère et le IIIe siècle de notre ère. S’y ajoutent quelques bijoux, dont une bague en or.420 50340 vignette BDEF2BD

  Magie et malédictions antiques

 

  Six plaques de plomb soigneusement pliées y ont été exhumées. Actuellement en restauration, deux d’entre elles ont été déployées. La première est vierge, la seconde porte quelques inscriptions de lecture difficile. Une prochaine étude permettra, sans nul doute, d’y reconnaitre des lettres, des symboles ou des dessins. Ces objets sont des tablettes de « défixion », c'est-à-dire liées à des pratiques magiques antiques. Absent dans le monde celtique, ce type de magie est introduit en Gaule par la Grèce et Rome au cours du IVe siècle avant notre ère et perdure jusqu’au VIe siècle de notre ère, à l’époque mérovingienne. À l’aide de ces tablettes d’exécration, la defixio a pour objectif d’envoûter un individu, de soumettre à sa volonté un rival. Pour pratiquer ce rituel de contrainte, les magiciens antiques utilisent généralement des plaques de plomb, y portent parfois un texte ou des signes, mais peuvent aussi y insérer un élément ayant été en contact avec l’envouté (cheveu, tissu). Les tablettes sont alors jetées dans des lieux cultuels ou offertes aux profondeurs chtoniennes : une tombe, les eaux d’un puits ou celles de la mer. Près de 2 000 tablettes de la sorte sont aujourd’hui identifiées, de l’Egypte à l’Angleterre. En France, celles de Chamalières, du Larzac et d’Amélie-les-Bains sont les plus célèbres. Souvent rédigées en latin, certaines sont parfois en langue celtique, d’autres dans des langues inconnues. Les fouilles de la cité judiciaire du Mans avaient déjà livré un document bilingue, latin-gaulois, daté du Ier siècle de notre ère. Les tablettes des Jacobins offrent un nouveau témoignage sur les passions dans l’Antiquité.
Reste aujourd’hui à déplier les quatre autres tablettes et à traduire leurs éventuels textes.

  Un édicule cultuel

 

  Ces objets ne sont pas isolés, puisqu’une petite maçonnerie, très arasée mais de construction soignée, vient d’être mise au jour. Formant un carré de 3 mètres de côté, cet édicule, situé sur la bordure nord du bassin, renferme en son centre une concentration inattendue de monnaies du Haut-Empire romain : plus de 280 pièces de bronze des Ier et IIe siècles de notre ère. Il s’agit, là encore, d’offrandes qui ne laissent aucun doute quant à la fonction cultuelle de l’édifice, probablement dédié à une divinité des eaux. Il est cependant encore trop tôt pour se prononcer sur sa nature exacte (fontaine, petit temple, autel ?).

Sur le chantier des Jacobins au Mans, les archéologues n’en sont pas à leur première découverte, puisque les niveaux récents du site avaient révélé les fosses communes des victimes des combats des 12 et 13 décembre 1793, liés à la « virée de Galerne » pendant les guerres de Vendée.
Outre le chantier des Jacobins, Le Mans et ses environs se sont récemment enrichis d’un vaste sanctuaire composé de plusieurs temples, mis au jour à Neuville-sur-Sarthe, qui constitue une découverte majeure sur la religion dans l’Antiquité.

 

Source : Inrap link

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30 juin 2011 4 30 /06 /juin /2011 17:07

  Il ne faut pas confondre les cirques, destinés aux courses de chars, avec les stades de Rome et des pays de tradition hellénique (Grèce continentale, Îles Égéennes, Asie Mineure), de forme à première vue similaire, mais destinés aux exercices d'athlétisme, et donc de dimensions plus modestes et dépourvus de mur central et de stalles. Il ne faut pas non plus confondre les cirques avec les amphithéâtres (de forme elliptique, type Colisée ou arènes d'Arles, amphithéâtre de Capoue), destinés aux combats de gladiateurs, aux venationes (spectacles de combats avec des fauves) et naumachies, souvent nommés, un peu à tort, jeux du cirque.


   Pline l'Ancien rapporte qu'aux funérailles de Félix, un célèbre cocher de Rome, l'un de ses partisans, éperdu de chagrin, se jeta sur le bûcher de son héros... Un geste insensé qui en dit long sur la folle passion des supporter pour les courses de chars et les épreuves de jeux du cirque. Les Gallo-romains nourrissaient-ils de semblables sentiments pour leurs auriges préférés ? Si de tels excès y sont heureusement inconnus, les scènes de cirque qui ornent de nombreux objets de la vie quotidienne témoignent cependant d'un réel engouement.

  Les cirques sont les équivalent de nos hippodromes. C'est là en effet que se disputaient les courses de chevaux et de chars. L'architecture de ce monument se caractérise par son plan dessinant un rectangle allongé, incurvé en hémicycle à l'une de ses extrémités. Un terre plein central, la spina (l'épine), partage la piste en deux dans le sens de la longueur. Décorée de statues, de bas-reliefs, d’autels, d’obélisques et parfois même de bassins, la spina se termine, à chacune de ses extrémités, par une grosse borne arrondie, la meta, qui marque l’emplacement des deux virages et autour de laquelle doivent tourner les compétiteurs. Sur le petit côté rectiligne de la piste s’ouvrent les caceres, c’est-à-dire les boxes où viennent se ranger les attelages pour le départ. Celles-ci sont suffisamment spacieuses pour loger un attelage et un garçon d'écurie chargé de tenir les guides jusqu'à l'ouverture des portes. Ces-dernières sont légères et constituées de deux battants ajourés en bois. Un mécanisme ingénieux permet utilisant des cordes permet l'ouverture simultanée des portes. Au-dessus de ces stalles se tiennent généralement les bâtiments de service et surtout la tribune d’honneur où prennent place les magistrats. Les gradins se développent tout autour de la piste, sur les longs côtés ainsi que sur le petit côté semi-circulaire. Ce sont eux qui, bâtis en dur, font du cirque un monument de spectacle à part entière où le confort du public est tout aussi recherché que le déroulement optimal des épreuves.cirque2

  La piste est de longueur variable selon les cirques et composée de plusieurs couches de matériaux suffisamment dur pour résister aux passages répétés des chars. À la surface est répandue une couche de sable ou de terre.

  Plusieurs villes de la Gaule romaine possédaient un cirque mais ils étaient largement moins répandus que les théâtres et les amphithéâtres. S’il ne reste rien de ceux de Nîmes et de Trèves, la rue du cirque romain pourrait évoquer la présence de l’édifice nîmois près de la porte de France, le long du rempart augustéen. La ville de Saintes aurait été, elle aussi, équipée d’un tel monument. Son emplacement, dans la dépression de la Combe, aurait été confirmé en 1944. Attesté par quelques inscriptions lapidaires qui mentionnent des spectacles ainsi que le financement de la restauration de cinq cent places dans ses gradins, celui de Lyon demeure mal localisé. Il pourrait s’étendre au fond de la vallée du Trion. Fouillé sommairement de 1903 à 1907, le cirque de Vienne se déployait sur une longueur de 457 m pour une largeur de 118, entre le Rhône et le pied des collines. De la spina, longue de 262 m, ne subsiste aujourd’hui que la pyramide qui se dressait en son milieu. Haute de 23 m et connue localement sous le nom de l’Aiguille, cette pyramide, inachevée selon toute vraisemblance, aurait remplacé tardivement un obélisque de facture plus soignée.

  Le dossier des cirques gallo-romains serait bien lacunaire si les fouilles du monument d’Arles (à partir de 1974) n’avaient apporté des données architecturales plus précises. Ses dimensions d’abord. Long d’environ 450 m, il offrait une largeur de 101 m et ses dix rangées de gradins pouvaient recevoir quelque 20 000 spectateurs. Les archéologues ont mis au jour les compartiments rectangulaires servant de soubassement aux tribunes aménagées sur le périmètre de la piste. On a pu ainsi restituer la partie méridionale du cirque avec la sphendoné, c’est-à-dire la fermeture en forme de fer à cheval. 25 000 à 30 000 pieux de fondation en chêne et en pin ont été nécessaires pour asseoir solidement la maçonnerie sur des pilotis, en cette zone humide. Ces pieux ont permis une analyse dendrochronologique qui a livré une date indiquant le milieu du IIe siècle de notre ère. Mais les travaux de ré-aménagement de cet énorme monument étaient encore effectués au Ive siècle… Au milieu de la spina s’élevait un bel obélisque taillé dans une roche de provenance turque, qui, retrouvé parmi les vestiges de l’édifice, fut transporté et érigé devant l’église Saint-Trophime en 1676, pour la plus grande gloire du roi Louis XIV… Cet obélisque s’y dresse encore aujourd’hui.

  Quels sont les épreuves disputées lors des jeux du cirque ? On applaudit des courses de chevaux avec les combinaisons et les acrobaties les plus variées. Les jockeys conduisent parfois deux chevaux simultanément, sautant de l’un à l’autre et terminant même à pied en tenant leurs montures par la bride. Mais ce sont les courses de chars qui déchaînent les passions les plus vives et font monter de formidables clameurs, pour reprendre l’expression du poète Martial. On vibre certes pour les chars à deux ou trois chevaux – les biges et les triges – mais l’équipage le plus apprécié, le quadrige en comporte quatre.jeux romains chars

  Les équipages frémissants sont rangés dans les carceres. La foule retient son souffle. La trompette résonne dans le cirque et bientôt, le président des jeux, du haut de sa loge, jette sur la piste une serviette blanche. C’est le signal tant attendu ! Les barres de bois qui ferment les stales s’ouvrent aussitôt et les chars s’élancent. Ils peuvent être quatre ou huit en compétition, mais certaines courses en confrontent jusqu’à douze. Dans un halo de poussière, on aborde le premier virage à gauche. La borne se rapproche dangereusement. Tout le talent du cocher consiste à négocier au plus près ces courbes brusques. Les prend-il trop serrées, alors la roue et l’essieu de bois se brisent sur la meta et le charchar-quadrige fait naufrage. Choisit-il une trajectoire trop lâche, alors les autres concurrents le double et la course est irrémédiablement perdue, au grand désespoir de ces milliers de partisans fanatiques… À chaque tour, des dauphins ou de gros œufs de bois – les septem ova – sont basculés en guise de compte tours, pour que les spectateurs suivent au mieux la progression de l’épreuve. Les sparsores puisent de l'eau dans les bassins que contient la spina, et aspergent chevaux et cochers en pleine action. Tout les coups sont permis pour se rapprocher de la corde. Le public redouble d'enthousiasme quand les chars extérieurs viennent serrer au plus près ceux de l'intérieur pour les envoyer se fracasser contre la spina. De même, à n'importe quel moment de la course, les concurrents sont autorisés à se gêner. Sept tours ont maintenant été accomplis. Arrive le terme de la course alors que résonne de nouveau la trompette. Sous les vivats de la foule qui n’a d’yeux que pour son héros, l’attelage vainqueur franchit enfin la ligne blanche tracée sur la piste. La palme est remise à l’aurige triomphant et le son des trompettes redouble pour saluer le vainqueur.

  Les mosaïques offrent une source irremplaçable pour mieux connaître les jeux du cirque. En Gaule, celles de Lyon, Trèves et Sennecy-le-Grand (Saône-et-Loire) comptent parmi les plus remarquables.

  Mise au jour en 1806, à l’île d’Ainay, la grande mosaïque de Lyon (5,04 m x 3,09 m) offre l’image particulièrement vivante de huit quadriges en pleine compétition.

  cvlLyon11  À gauche apparaissent les Lyon mosaique jeux gauchecarceres d’où sont partis les attelages et au-dessus, la tribune où siègent trois notables qui président aux jeux. Au deux extrémités de la spina se dressent les metae surmontées par trois bornes en forme de quilles. Un obélisque, des bassins et les dispositifs destinés à compter les tours complètent le terre-plein central. Deux chars viennent de faire naufrage et la lutte est serrée entre les quatre factions, les verts, les rouges, les bleus et les blancs. Un hortator à cheval accompagne les chars et les stimule tandis qu’à un angle de la piste, un sparsor s’apprête à jeter de l’eau sur la piste ou sur un attelage. L’issue de la course est proche et deux personnages, au milieu de la spina et près de la ligne d’arrivée, tiennent une couronne et une palme qu’ils remettront bientôt à l’aurige vainqueur.

  Les auriges de métier étaient de basse condition, mais la passion des courses s’est emparée de la haute société ; ainsi, on sait que l’empereur Néron a participé à plusieurs courses. 

  Polydus fut un cocher fort apprécié, il figure sur une mosaïque du IIIe siècle retrouvée en 1962 sous les termes impériaux de Trèves. D’autres auriges ont également été immortalisés sur des mosaïques : Priscianus, Communis, Bellario et Peculiaris, sur un pavement de Sennecy-le-Grand, et Superstes, Euprepes, Fortunatus et Philiolus sur une autre mosaïque de Trèves. Un bas-relief exposée à Trèves mais provenant de Neumagen-Dhron, montre un homme jeune conduisant un cheval par la bride. C’est un aurige comme l’indique sa tunique courte et ajustée par des lanières, tenue habituelle des conducteurs de chars. Il tient un fouet mais n’a pas encore mis son casque ni passé son ceinturon muni d’un couteau. En effet, en cas de naufrage, le cocher se servait de cette arme pour trancher les rênes afin de ne pas être traîné sur la piste…

  Dans un attelage, le cheval de gauche tenait un rôle majeur. La course se déroulant toujours dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, c’est de son côté que le char passait au plus près de la meta. Ce cheval était lui aussi une vedette et son nom était connu des spectateurs. C’est ainsi qu’à Trèves par exemple, Polydus avait pour cheval majeur (celui de gauche donc) Compressor.

  L’épitaphe d’Eutyches, esclave de vingt-deux ans et mort à Tarragone en Espagne, est particulièrement précieuse car riche d’information : En ce sépulcre-ci ont trouvé le repos les os d’un apprenti aurige, point inapte, pourtant, à manier les rênes. Moi qui osait déjà aspirer aux quadriges, et qui dus en rester aux chars à deux chevaux ! Les barbares Destins jalousaient mes années, destins qu’il est vain de combattre. Je n’ai pas pu jouir, à mes derniers instants, de la gloire du cirque, ni vu le peuple ému verser sur moi des larmes. Ce fut un mal ardent qui brûla mes entrailles, et dont le médecin ne put venir à bout. Voyageur, je te prie, répands sur moi des fleurs : peut-être en mon vivant, as-tu parié sur moi ?  Eutyches aspirait aux quadriges et rêvait d’accéder à l’élite des cochers, les milliarii, plus de mille fois vainqueurs, à l’instar du célèbre Dioclès à l’incroyable palmarès : 3 000 victoires en biges, 1 462 en quadriges.

  Bien des intellectuels condamnaient les folles les folles passions des jeux du cirque et se réjouissaient de ne pas les partager…

  Tout le temps qui vient de s’écouler je l’ai passé entre mes tablettes et les opuscules dans le plus délicieux repos. Comment, dites-vous, serait-il possible à la ville ? C’étaient les jeux du Cirque, genre de spectacle qui ne me séduit à aucun degré. Là dedans, rien de nouveau, rien de varié, rien qu’il ne soit assez d’avoir vu une fois. Aussi suis-je étonné que tant de milliers d’hommes soient sans cesse repris, comme de grands enfants, du désir de voir des chevaux lancés à la course, des cochers debout sur des chars. Si encore on course-charss’intéressait soit à la rapidité des chevaux, soit à l’habilité des cochers, ce goût pourrait s’expliquer ; mais c’est l’habit qu’on applaudit, c’est l’habit qu’on aime et si en pleine course et au beau milieu de la lutte, la première couleur passait au second cocher et la seconde au premier, les vœux et les applaudissements changeraient de camp et tout à coup les fameux conducteurs, les fameux chevaux qu’on a l’habitude de reconnaître, dont on ne cesse d’acclamer les noms seraient plantés là. Telle est la faveur, telle est l’importance qu’accordent à une misérable tunique, passe encore la foule plus misérable encore que la tunique, mais certains hommes sérieux. Quand je pense que c’est cet amusement futile, sot, monotone, qui les cloue à leur place, jamais rassasiés, j’éprouve une certaine joie à ne pas éprouver celle-là. Et pendant les jours que nous traversons, je consacre avec beaucoup de plaisir aux lettres les heures oisives, que d’autres perdent aux plus oisives occupations. Adieu.   Pline le Jeune, lettres, IX, 6

  Les concurrents sont des professionnels faisant partie d'équipe (factiones). Les courses de chars comprennent un nombre limité d'écuries définies par une couleur : Les Rouges (en latin Russata), les Bleus (en latin Veneta), les Blancs (en latin Albata) et les Verts (en latin Prasina) sont les plus fameuses.

  D'autres écuries ont parfois tenté leur chance mais sont restées largement en retrait par rapport aux quatre factions traditionnelles. Ces écuries qui évoluent dans les cirques de Rome ont leurs équivalents locaux à travers tout l'Empire. Ce sont de véritables clubs, au sens actuel du terme. Ainsi, les "propriétaires" de chevaux n'apparaissent pas, c'est la faction qui remplit cette fonction.

 

  Le poète latin Ovide, à lui trouvé une autre utilité à la fréquentation du cirque :

  Le cirque, avec son nombreux public, offre de multiples occasions (...) Assieds-toi contre celle qui te plaît, tout près, nul ne t'en empêche ; approche ton corps le plus possible du sien ; heureusement la dimension des places force les gens, bon gré mal gré, à se serrer, et les disposition du lieu oblige la belle à se laisser toucher. Cherche alors à engager une conversation qui servira de trait d'union, et que tes premières paroles soient des banalités. À qui sont les chevaux qui viennent là ? demanderas-tu avec empressement, et, immédiatement, son cheval favori, quel qu'il soit, doit être le tien (...).

  Si, comme il arrive, il vient à tomber de la poussière sur la poitrine de la belle, que tes doigts l'enlèvent ; s'il n'y a pas de poussière, en lève tout de même celle qui n'y est pas : tout doit servir de prétexte à tes soins officieux. Le manteau, trop long, traîne-t-il par terre ? Prends-en le bord, et, avec empressement, soulève-le du sol malpropre. Aussitôt, récompense de ton zèle officieux, sans que ta belle puisse s'en fâcher, tes yeux verront des jambes qui en valent la peine.

  Regarde également tous qui seront assis derrière vous : que leur genou ne vienne pas d'appuyer trop fort contre son dos délicat. De petites complaisances captivent ces âmes légères ; plus d'un s'est félicité d'avoir arrangé un coussin d'une main prévenante. On n'a pas regretté non plus d'avoir agité l'air avec un léger éventail et d'avoir placé un tabouret creux sous un pied délicat.

  Toutes ces facilités pour un nouvel amour, tu les trouveras au cirque (...) O, parle, on touche une main, on demande un programme, on engage un pari sur le vainqueur, et voici qu'une blessure vous fait gémir, que l'on sent une flèche rapide et que l'on joue soi-même un rôle dans les jeux que l'on regarde.  Ovide, L'art d'aimer, Livre I


Ben-Hur Clip :  link

 

Sources : Voyage en Gaule romaine, G. Coulon. J-C Golvin. éd. Actes Sud - Errance _ Histoire Antique & Médiévale, Hors série N° 26

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5 juin 2011 7 05 /06 /juin /2011 12:49

Première partie cliquez ici

 

  Les lieux en hauteurs


  Le sanctuaire de Donon[1] offre deux caractéristiques majeures des lieux liés ou consacrés à Mercure : la proximité avec les routes et un point situé en hauteur. Comme Lugus, Odin était honoré sur les hauteurs. Dans l’Angleterre anglo-saxone, les anciens toponymes indiquent que Woden était associé aux collines et tumulus artificiels. Cette dernière caractéristique se vérifie aisément, en Gaule mais aussi en Irlande avec le dieu Lug (la plupart des célébrations de Lugnasad – fêtes en son honneur – ont lieu sur des hauteurs).

  En Gaule romaine, les temples dédiés à Mercure s’élevaient sur des sommets même si les divinités étaient fréquemment honorées sur ce type de lieu. À la période de la Gaule indépendante, les sanctuaires occupaient d’ailleurs souvent une position dominante, sur le versant ou au sommet d’une colline, sur un éperon ou plus simplement sur une légère éminence "; par exemple les sanctuaires localisés dans le nord de la France se trouvaient dans leur grande majorité sur les plateaux et toujours sur des points culminants.

  Le premier type d’indices qui associent Mercure aux lieux en hauteur concerne la série des toponymes en lugdunum, dont les plus célèbres sont Lyon et Saint-Bertrand-de-Comminges (Haute-Garonne). Ce nom signifie « Forteresse de Lugus » et le second élément de ce composé (d num) a littéralement le sens de « hauteur, colline », ce qui donne à penser que les toponymes étaient appliqués à des endroits situés en hauteur. C’est notamment le cas à Lyon, puisque le lieu supposé de sa création est la colline de Fourvière, ce point élevé où se dressait auparavant un sanctuaire gaulois. Les lieux appelés Lugdunum étaient donc certainement dédiés à Lugus, ce dieu qui est devenu par la suite le Mercure gallo-romain.

  Le second type d’indices concerne les représentations de Mercure retrouvées sur des hauteurs. Le Mercure des Arvernes exécuté par Zénodore[2] se trouvait probablement sur le Puy-de-Dôme. D’autres exemples sont notables : on rendait culte à Mercure au Montmartre, près d’Avallon (Yonne), au mont de Sene, au mont Saint-Jean en Bourgogne, ou encore au mont Mercure (Côte d’or) qui domine le village de Barjon, situé dans l’ancien territoire des Lingons. Dans les Vosges, le temple du Donon se situe sur une hauteur. Dans cette région Mercure a remplacé l’ancienne divinité topique indigène Vosegus, éponyme des Vosges.

  Dans la Gaule chrétienne, le culte de saint Michel a sans doute succédé à celui de Mercure-Lugus. De nombreux sanctuaires situés en hauteur ont été christianisés par la construction d’une chapelle dédiée à saint Michel. C’est le cas dans le village vendéen de Saint-Michel-Mont-Mercure, où l’église dédiée à saint Michel a pris la place d’un temple consacré à Mercure.

  L’association entre Mercure et les hauteurs ne fait guère de doute. Elle peut sans doute s’expliquer en partie par sa fonction d’organisateur de l’espace. Un sommet est un lieu qui permet d’avoir une position stratégique de premier ordre, comme en cas de menace d’attaque. Il sert également de point de repère ou de point de départ à l’organisation du territoire environnant. Ce n’est certainement pas un hasard si de nombreuses oppida celtiques – c’est-à-dire ces villes fortifiées qui faisaient office de centres religieux, administratifs et économiques – étaient construits sur des hauteurs, comme Bibracte chez les Eduens, Vully chez les Helvètes ou Závist chez les Boïens.

TempleMercure profil

  Sanctuaires, frontières et routes


   En Gaule (mais aussi en Irlande), les lieux en hauteur ont une grande importance d’un point de vue religieux et stratégique. Cela se vérifie par plusieurs exemples. En Gaule une centaine de sanctuaires pouvaient être situés à proximité de la frontière de deux ou trois cités.  Ces limites restent approximatives – elles sont généralement restitués à partir des limites des anciens diocèses, ce que la prospection aérienne a permis de confirmer. En Picardie, nombre de sanctuaires laténiens[3] situés en hauteur se trouvent aux confins des territoires des différents peuples ; mieux, beaucoup d’entres eux se trouvent le long de chemins anciens, dont le tracé à généralement été repris par une voie romaine.

  L’épithète de Mercure, Finitimus, « Protecteur des frontières » atteste bien le lien existant entre celui-ci  et les frontières. Autre indice, les lieux dédiés à Mercures sont régulièrement situés sur des limes ou au carrefour des territoires de deux ou trois peuples. Ainsi le Donon se trouvait aux confins des cités des Médiomatriques, des Triboques, et des Leuques. Lyon était à la frontière des Ségusiaves, des Allobroges et des Ambarres ; suite à la conquête romaine, le nouveau découpage de la Gaule à placé cette ville à porté des quatre provinces gauloises (Lyonnais, Aquitaine, Belgique et Narbonnaise). Un autre Lugdunum antique, Lion-en-Sullias (Loiret) se trouvait à proximité de la frontière des Carnutes, des Sénons et non loin des Bituriges. En outre, Lion-en-Sullias pourrait se trouver dans la zone du fameux locus consecratus de César, où les druides gaulois se réunissaient tous les ans.

  Dans la Nièvre, la ville d’Entrains est particulièrement intéressante car ce centre religieux, renommé à l’époque gallo-romaine, où l’on honorait plus particulièrement Mercure, est situé sur un promontoire, et était un nœud routier, où passaient au moins six voies importantes (routes dirigées vers Auxerre, Clamecy et Autun, Saint-Révérien et Autun, Mesves et Clermont, Cosne et Bourges, Briare et Orléans). Une position stratégique qui lui a permis de se développer, sur une zone limitrophe entre les Éduens et les Sénons.


  Lorsque les Celtes se sont installés sur le territoire devenu ensuite la Gaule, la réelle délimitation  de l’espace s’est sans doute réalisée par la création des sanctuaires ; le choix du point de départ pour leur implantation ne devait ainsi rien au hasard. Cette première étape, qui marquait le début de l’organisation de l’espace, s’est déroulée en un lieu susceptible d’être consacré à Mercure.

  Ces sanctuaires gaulois peuvent donc être définis selon trois éléments principaux : présence d’un lieu en hauteur, de frontière et de routes. Or, toutes ces caractéristiques se retrouvent chez le Mercure gallo-romain. Ce dieu est  ainsi associé à des lieux qui servent de point de départ à l’établissement d’une communauté humaine.

  La documentation faisant défaut, il serait néanmoins ambitieux de prétendre que Mercure patronnait l’ensemble de ce type de sanctuaires.

 

  Le temple de Mercure - Dumias :

 


 

   
Le temple de Mercure (Puy de Dôme)

 

[1] et [2] Voir 1ère partie

[3] Laténien (adjectif de la Tène) second âge du fer qui correspond à la période du Vè siècle avant Jésus-Christ, au début de l'ère chrétienne et qui marque la fin de la Protohistoire.


Source : Histoire Antique N° 39

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