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5 février 2013 2 05 /02 /février /2013 05:43

Première partie : cliquez ici

 

À la chasse.

Les graffitis exaltant la chasse sont également nombreux et on ne sait pas toujours s’il s’agit de chasse organisée dans l’amphithéâtre où se déroulant dans la nature, sauf lorsque des détails viennent nous aider à trancher.

En effet dans les contrées touffues de la Gaule les animaux pourchassés sont des cervidés, des sangliers ou des taureaux et rarement des animaux exotiques. Les cerfs sont abondants, à Périgueux notamment où ils sont abattus au filet est enfermés dans un enclos où les ramures pointent au-dessus des pieux de la palissade, et sont donc capturés vivants, tandis que d’autres sont percés de flèches ou poursuivies par des chiens ; l’un d’eux, tenu en laisse par son maître aboie et l’onomatopée VAVA figure bien en vue au-dessus. À Ruscino, et à Vindonissa les sangliers se déplacent en hardes et se reconnaissent à leur corps massif et à leurs soies hérissées.240.jpg


Quelques bateaux.

Les graffitis qui font allusion au monde aquatique sont rares en Gaule, ce n’est pourtant pas faute de disposer de fleuve, de rivières et de lac navigable. Les inscriptions officielles ne manquent pas de nous rappeler la forte présence des nautes, les bateliers des puissantes corporations à l’œuvre sur le lac Léman, la Saône ou le Rhône.

C’est dans l’air sacré du forum de Nyon qu’a été découverte la reproduction d’un bateau à voile, incisée sur les murs blancs d’une galerie souterraine. Elle est surmontée de deux grands triangles ouverts, des montagnes sans aucun doute, qui évoque le panorama visible depuis la terrasse en bordure du forum. Le tableau a été signé par son auteur, TANCUS, un nom d’origine indigène.241.jpg

À Cucuron, dans la villa du Viély, un bateau monumental de 1,08 m d’euros pour 1,06 m de large a été gravé. Il occupe tout le panneau rouge ocre de la zone médiane d’une riche. C’est la reproduction d’un navire à voile de commerce réel, à coque ronde, très soigneusement représentés. Deux rames de gouvernail à l’arrière et tous les détails des gréements en font une œuvre remarquable, d’un marin averti, sans doute son propriétaire qui savait manier le couteau et le stylet. C’est ainsi qu’il a poussé le détail et le réalisme jusqu’à gratter l’enduit rouge pour créer un effet de damier rouge et blanc pour la cabine de la poupe. Il a utilisé le même effet bichromate pour le mât principal. C’est là un cas exceptionnel. En bas à gauche, des chiffres nous font supposer que le propriétaire a voulu sans doute noter les éléments de la cargaison, objet d’un commerce lucratif.


Un érotisme débridé ?

À côté de tous ces témoignages d’activités diverses et de loisir fort apprécié, il est un domaine particulièrement riche en Gaule, ce sont les inscriptions érotiques. Plusieurs font état d’exploits amoureux, vantardise de lupanar ou d’ailleurs, à ce point mémorable que l’on n’en consigne scrupuleusement la date.

À Périgueux, les messages sont nombreux, ainsi dans la maison de la rue Font-Laurière nous avons un aperçu de déclaration, d’apostrophes érotiques ou obscènes de caractère hétéro et homosexuel ; ailleurs, Divixta appelle son homme, ou un homme un vrai ! Toujours à Périgueux, un homme se vante d’avoir pénétré quatorze fois une certaine Aucina. Et encore plus fort, à Rennes, un homme et a fait l’amour 25 fois et ce sans doute à une professionnelle dont le nom est malheureusement incomplet. La suite du message perdu, ne nous permet pas de savoir en combien de temps ! Un autre encore précisé qu’il l’a fait dix fois.579 1000

On peut se demander si les passants ne se sont pas finalement amusés à inscrire leur palmarès amoureux à côté des précédents, dans une sorte de concours d’émulation et de fanfaronnade. Par leur crudité, leur franchise, les graffitis érotiques nous font pénétrer dans l’univers de la sexualité de l’époque romaine. Rappelons que l’art érotique avait sa place chez les nantis, genres et positions de l’amour confondu, comme nous l’expose l’œuvre célèbre d’Ovide : L’art d’aimer.


Les sentiments religieux.

Religion et mythologies sont très rarement le sujet des graffitis, aussi bien en Gaule que dans le reste de l’empire romain. Toutefois, dans les sanctuaires, ou dans des édifices publics, des témoignages fort intéressants ont été retrouvés. À Argentomagus, tombé des murs de la cella du temple 1 du sanctuaire des Mersans, un graffiti montrent la cuirasse d’un guerrier avec son ceinturon et ses pectoraux bien marqués qui font penser à la reproduction d’un modèle réel, vraisemblablement la statue du dieu Mars.

Dans le palais du taureau tricorne d’Augst, érigée vers 200 après J.-C., figurait une Diane accompagnée d’un cerf. Bien reconnaissable à son arc en main gauche, à son bras droit levé vers le carquois qu’elle porte dans le dos, à sa tunique courte repliée sur les hanches, elle suit le modèle statutaire le plus largement répandu en Gaule et en Germanie, répété à loisir par les statuettes de laraires.

Châteauneuf en Savoie, le temple indigène a livré des listes de prière, de protocole de sacrifice et de dépenses gravées par les pèlerins sur schiste, sur tuile mais aussi sur peinture murale.

Enfin, un autre témoin d’époque plus tardive permet de supposer la présence de chrétiens à Glanum. Il a été trouvé contre le côté sud de l’édifice à abside : à deux reprises, le mot grec ichthus, à l’orthographe variable, entoure le petit poisson, symboles chrétiens jouant sur l’abréviation des initiales de la profession de foi « Jésus Fils de Dieu Sauveur ».

Il y aurait bien d’autres exemples à citer où les graffitis sont un moyen d’expression écrite du langage qui nous révèle un degré d’alphabétisation intéressant, où subsistent des îlots de gens parlants gaulois (à Clermont-Ferrand), grec (à Glanum et Contigny), et bien entendu latin. Tout un petit peuple revit sous nos yeux dont les noms, pas moins de quatre-vingts, nous ont été conservés, noms majoritairement masculins, mais aussi féminin, indigènes ou romains.

À travers les messages, on peut deviner les préoccupations de chacun. Rappelons que la population alphabétisée était très faible malgré l’existence d’école, et que beaucoup déchiffrait seulement les « grandes lettres » comme nous le révèle un des personnages du Satiricon de Pétrone.

Il y a le passant en veine de plaisanterie qui interpelle le public et qui se vante ou se plaint : ainsi ce graffiteurs à Narbonne, qui emploie une même expression qu’à Pompéi et qu’à Herculanum : « Nous avions très envie de venir ici, mais nous avons encore plus envie de repartir ». À Narbonne, il manque les premiers mots, et c’est grâce à la popularité de cette « blague » qu’il a été aisé de restituer la phrase en entier. À Pompéi, une ligne de plus nous informe que l’auteur est finalement resté pour les beaux yeux d’une fille ! Ce qui reste fascinant est de savoir qu’un personnage a survécu par ces signes indélébiles et non falsifiables au point qu’on était obligé de les raturer, les marteler pour en effacer la lecture aux yeux des passants, comme cela s’est pratiqué par exemple à Vaison-la-romaine. Un autre phénomène est émouvant, celui des « graffiteurs » successifs, venant enrichir la prose ou les croquis d’un précédent acteur, une main plus assurée venant relayer un autre, les ratés et dessins inaboutis et abandonnés qui sont les instantanés de vies disparues.

Enfin, tous les croquis, parfois véritables tableaux reproduits par des spectateurs attentifs, sont un reflet du cadre de vie, dont l’architecture et le décor peint ou mosaïqué nous donne parfois une idée bien différente. Posséder le portrait de gens complètement inconnus, le reportage complet d’un spectacle dans l’arène, celui d’une battue de chasse aux cerfs, ou au sanglier, tout cela mis en scène sur une paroi dont on cadre le sujet en fonction du décor peint, est le matériau pour reproduire autrement une civilisation gallo-romaine trop souvent aseptisée.

 

Source : article d'Alix Barbet dans Archéologia N° 457

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30 janvier 2013 3 30 /01 /janvier /2013 17:56

Qu’ils soient lubriques, amoureux, poétiques, humoristiques ou politiques, les graffitis gallo-romains sont comme ceux d’aujourd’hui : effrontés et familiers, tracés dans l’impulsion d’un moment. Ils reflètent la vie, ses petits tracas et ses grandes passions.

En marge des grands événements historiques, ils expriment les triviales préoccupations des sans-grade: une infinité de petites histoires, immuables et simplement humaines, largement aussi instructives que l’Histoire majuscule.


Chiffres et date.

Dresser sa comptabilité, mesurer, peser, dater. Le souci constant de tenir une liste à jour, d’administrer ses biens, d’en rendre compte à la communauté ou à titre personnel s’illustre sur les murs et dans les inscriptions mineures en général bien plus que dans la littérature antique. C'est sur des pans de murs à fond blanc, donc sur des décors de peu de prix, qu'à Auxerre quelqu’un a inscrit ce qui lui est dû, ou ses propres dettes ou un salaire avec un jour précis dans le mois, entre le 3e et le 6e jour avant les calendes : de six à quatre deniers avec un total de 17 deniers. À Narbonne, une liste de denrées : « pain 1 as, sardines, huile et vin » dont on ne sait pas le prix, font penser à un menu ou à une liste d’achat.

Dans le temple indigène de Châteauneuf, sur les murs peints en rouge vif, des pèlerins déclarent fièrement les sommes qu’ils ont données aux divinités qu’ils sont venus honorer : 12 deniers et demie pour une divinité inconnue, 5 deniers pour un sacrifice à Mercure et deux denier et demi pour un autre à Maia. Comme on le voit, il s’agit toujours de sommes modestes, mais qui documentent de façon précise une vie quotidienne qui nous échappe en grande part.

La découverte en abondance d’inscription datée par ceux qui les ont tracés et qui tiennent à fixer un moment d’éternité est particulièrement émouvante. C’est le cas d’un certain Teucer qui se trouvait dans la maison de Sulla à Glanum le quatrième jour avant les calendes d’avril, soit le 29 mars, de l’année du consulat de Cnaeus Domitius et de Caius Sossius, en 32 av. J.-C. Il n’a pas hésité à le faire en plein sur un beau décor en trompe-l’œil, et bien en vue. Volonté de fixer un événement, une rencontre, c’est ici l’immédiateté qui prime, le rapport au quotidien. À Limoges, un certain Quintus se réjouit de sa nuit amoureuse le jour même des noces de mars, soit le 7 ; le même, ou un autre, précise son passage en nombre de jours indéterminés avant les ides d’août sous le consulat de Severus et de Quintianus, soit en 235 après J.-C.


Croquis et caricatures.

Parmi les croquis, les exercices au compas rappellent ceux que nous faisions, écolier sur nos cahiers de brouillon quadrillés dans les moments de désœuvrement. Cependant ce sont les bustes et portraits qui nous sont les plus savoureux. Homme barbu souvent, à Glanum, ou trogne à grand nez à Lyon, personnage couronné à Narbonne, ou encore bustes sur socle à Vaison-la-Romaine.

L’aspect naïf, mal proportionné ou maladroit de certains graffitis montre qu’on a aussi affaire à des œuvres d’enfants.

Cependant, l’apparente naïveté de certains dessins est parfois le produit d’une stylisation très réussie et le trait n’est pas obligatoirement enfantin. C’est le cas pour un petit bonhomme de Périgueux dont le corps avec la barre de la tunique forme un A, les mains au bout des bras écartés n’ont que trois doigts et la tête est une boule ronde ; un soleil à huit rayons le surmonte et l’inscription SAL portée sur le côté est sans doute à compléter en SAL-VE , (Salut !).236.jpg


Exercice d’école.

En revanche, les abécédaires ont été retrouvés en nombre, notamment à Allonnes, Narbonne, Périgueux et Rennes. Ils sont eux assurément l’œuvre d’écoliers. Le mur devient cahier d’exercices. L’enfant s’entraîne à l’écriture et recommence même plusieurs fois les mêmes lettres.

À Narbonne, l’exercice est à 60 ou 70 cm du sol, nous pouvons estimer que l’enfant ne devait guère dépasser le mètre de hauteur. Sur les murs du péristyle de l’édifice de la rue des bosquets à Périgueux un écolier s’y est repris à trois fois au moins, non sans difficulté, à 95 cm du sol sur le fond rouge d’un panneau étroit du décor, un autre élève a gravé son alphabet, hésitant entre la lettre cursive et la majuscule, puis il a eu l’idée de lier le C et le D pour en faire un cercle barré d’une oblique. Ce genre de graffitis se trouve souvent dans les lieux de passage, péristyle, ou galeries. Rappelons que l’école se tenait surtout sous les portiques ce qu’illustre parfaitement une peinture de Pompéi, où l’on voit même un enfant fouetté par son maître.


Reportage des jeux du cirque.

On sait la ferveur des Romains pour les jeux du cirque et les affiches de Pompéi ou d’Herculanum, annonçant les spectacles, les peintures et les mosaïques qui les reproduisent nous informent sur cette passion. De même les graffitis si nombreux dans les cités campagniennes sont également en nombre en Gaule.235.jpg

À Lyon, maison des Maristes, deux gladiateurs ont été gravés avec un grand luxe de détails et à une échelle appréciable, entre 81 et 84 centimètres, le chiffre XXI qui accompagne l’un d’entre eux représente certainement les 21 victoires acquises par le personnage. Traités de manière semblable, il correspond à un même type de combattants : casque à visière et cimier, torse nu, bras droit protégé par un manchon de protection, caleçons tenus par une ceinture, bande molletiere sur l’une des jambes, il se défend à l’aide d’une épée mi-longue et porte un bouclier rectangulaire incurvé. Le lourd accoutrement de protection n’est pas sans faire penser aux hockeyeurs ou aux footballeurs américains d’aujourd’hui.

D’autres ont été identifiés, à Augst, dans la villa de Saint Ulrich, à Narbonne, à Orange ; dans la villa de Guiry-Gadancourt c’est un gladiateur vaincu qui lève la main droite en signe de missio, pour demander la vie sauve. À Ruscino, c’est précisément le grand filet carré que ce dessinateur a soigneusement élaboré derrière un rétiaire couillu, très schématisé et pointant sur la droite un trident plus grand que lui ; les petites jambes de son adversaire apparaissent un peu plus loin.237.jpg

C’est à proximité du forum supposé de Vaison-la-Romaine qu’ont aussi été retrouvés plusieurs graffitis de combat mouvementé. L’un deux évolue dans un paysage complexe. En bas, à gauche, se trouve un cerf, au-dessus deux bustes. Le premier est celui d’un jeune homme et l’autre, monté sur socle, et celui d’un homme barbu, encadrés par des couronnes accrochées.

Il s’agit très vraisemblablement du portrait d’un empereur sans doute Hadrien âgé et barbu, avec de profondes rides sur le front, des yeux rapprochés et à fleur de tête, le nez long et étroit, la bouche petite, par comparaison avec le buste de jeune homme qui serait alors son favori Antinoüs. Le graffiteur a reproduit le cadre du spectacle, alors que les effigies des empereurs étaient portées en cortège et exposé, et les deux phases d’une journée sont relatées : la venatio, la chasse le matin, qu’illustre le cerf, et le munus avec combats de gladiateurs l’après-midi. Un autre couple montre un rétiaire à droite, pointant son trident en direction d’un sécutor à gauche, bien protégé par son armement habituel. Leurs noms devaient être gravés au-dessus d'eux, mais ils ont été grattés sauvagement par des supporters adverses et ne subsiste qu’un bout du mot NCA et un chiffre de victoires, XII. Biffer le nom et le palmarès d’un concurrent rappelle la passion extraordinaire pour les jeux du cirque, qui soulevait les foules dans tout l’empire romain. Les habitants de Pompéi et ce de la cité voisine de Nucera en sont même venus aux mains dans l’amphithéâtre en 59 après J.-C. La rixe est rapportée par l’historien Tacite dans ces Annales et sur une peinture à Pompéi. Il y eut des morts et des blessés, au point que l’incident entraîna la fermeture temporaire des lieux et l’interdiction de grand rassemblement d’associations pendant dix ans.

Les « tifosi » sont à l’œuvre à Périgueux, dans l’édifice de la rue des Bouquets, contre le forum et à peu de distance de l’amphithéâtre de la cité. De nombreux gladiateurs s’y croisent sur les murs, très fragmentaires, et une inscription mentionne dix morts, un mirmillon appelé Communis.

 

Source : Archéologia N°457

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23 janvier 2013 3 23 /01 /janvier /2013 17:46

V. LE CHARROI.

 

La route portait encore plus de marchandises que d’hommes. Je ne sais si le charroi fut jamais aussi actif en Gaule que dans les temps des premiers empereurs.

 

Qu’on songe aux convois de lourds matériaux qui se dirigeaient vers les villes à construire. Pierres à bâtir, dont certains blocs, comme aux Arènes de Nîmes, pèsent jusqu’à huit tonnes[68] ; énormes bois de charpente, pour tenir les échafaudages[69] ; masses de marbres bruts, destinées au débit sur chantier ; chargements de briques, de moellons, de chaux et de sable ; bronzes pour la fonte des statues, saumons* de plomb pour les conduites d’eau : on comprend que pour supporter de tels poids, il ait fallu d’abord des routes dures et solides comme le rocher[70].

 

Puis ce fut, pour ne jamais s’arrêter sous l’Empire, le passage des messageries du commerce : charrettes chargées de tonneaux ou d’amphores, de sacs de blé, de ballots de draps, de caisses de conserves, de céramique, de quincaillerie ou de droguerie, de paniers de fruits ou de légumes, voitures closes pleines d’objets précieux[71], un roulage incessant circulait sur le robuste pavé des routes romaines.

 

Pour beaucoup d’habitants de la Gaule, ce charroi était l’origine de leurs richesses ou de leurs plaisirs ; par lui venait l’objet souhaité ou le bénéfice attendu. Les espérances que tant d’hommes ont mises autrefois dans le voilier parti vers les Indes occidentales, les Gaulois de l’époque romaine les mettaient sur les longues files de colliers qui s’acheminaient lentement vers leurs granges ou leurs magasins. Aussi, que de fois les marchands d’alors ont fait sculpter sur leurs tombeaux la charrette et son chargement, souvenir à demi symbolique de leur laborieuse fortune[72] !

 

Au milieu de ces lourds convois couraient les voitures plus légères des voyageurs, à cabriolet à deux roues pour les courses rapides[73], la vulgaire jardinière à capote de toile, inséparable du paysan aux jours de marchés[74], la voiture de voyage ou de poste à deux[75] ou à quatre roues[76] avec ses innombrables variétés d’attelage. Les Gaulois connaissaient d’ailleurs tous ces types de véhicules, ils n’apprirent rien des Romains en fait de carrosserie. Cela venait d’un très lointain passé et ira jusqu’à nos jours.P1010502

 

Puis, c’étaient toutes les espèces de bêtes de course ou de somme, plus nombreuses qu’elles ne furent jamais : chevaux de courriers[77] voyageant en poste ou de soldats ménageant les étapes, mulets chargés de sacs tombant de l’échine, ânes portant leurs deux paniers en équilibre. Ceux-ci, ânes et mulets, ne sont point toujours isolés : on les voit parfois groupés en longues files, qui s’allongent sur les sentiers des montagnes[78]. Le charretier, le muletier sont, en temps ordinaire, les vrais maîtres de la route[79].

 

Ajoutez enfin des transports d’objets extraordinaires ou formidables : les camions de victuailles destinées aux repas de Vitellius ; le service de table de l’empereur Galba ; les meubles que Caligula fait venir de Rome ou la trirème qu’il y expédie de Boulogne[80] ; et, dans leurs cages, les bêtes, ours, sangliers ou taureaux, destinées aux amphithéâtres. La route subvenait et participait à toutes les folies de l’Empire, princières et populaires ; elle était le monstrueux couloir qui les laissait passer.

 

* type de lingot de métal

 

Camille Jullian - Histoire de la Gaule, Tome V

 

[68] 8000 kilogr. ; Bazin, Nîmes gallo-romain, p. 102 ; les pierres de 2 à 3 mètres cubes y sont communément employées (Grangent, Descr., p. 65).

[69] Voyez à Bordeaux le bas-relief dit des dendrophores (Esp., n° 1096).

[70] Ne nutent sola, dit Stace, IV, 3, 45.

[71] Carpenta, Ammien, XV, 10, 4 ; etc. Très nombreuses figurations sur les monuments funéraires, et peut-être même est-ce la scène de la vie courante qui est le plus. représentée (Espérandieu, n° 4, tombe d’un mulio, 618, 857, 3175, 3232, 3521, 3522 ; VI, p. 419, monument d’Igel ; etc.) : ce sont d’ordinaire des chars de transport à quatre roues, attelés de deux chevaux, mulets ou même bœufs, le conducteur tantôt debout à côté, tantôt assis sur le devant. — Comme type particulier, chariot de vendange à forme évasée (Esp., n° 1766).

[72] Cf. note précédente.

[73] Peut-être Esp., n° 4043, 4044, 4083, 4157, 4207 ; id., VI, p. 451 (Igel) ; etc. : toutes celles-ci, d’ordinaire à deux chevaux ; quelques-unes aux coffres paraissant en osier tressé, rappellent nos paniers. Ce sont des variétés de cisium (cf. les deux notes suivantes). — La plupart de ces représentations doivent s’expliquer par une allusion à la vie du défunt, fermier ou petit propriétaire faisant ses courses.

[74] Voyez les voitures de transport légères à deux roues et un cheval, n° 4031, 4041, 4321, 2770 (celle-ci avec double capote) ; lit aussi on trouve la forme du panier.

[75] Autre variété de cisium : n° 4102, deux roues et quatre chevaux ; cisio trijugi, à trois chevaux (Ausone, Ép., 8, 6).

[76] Petorritum traîné par des mules rapides ; Ausone, Ép., 8, 5 : 14, 15-6. Cf. la reda des temps celtiques.

[77] Vel colaramn mannurn vel raptum tonga versadum (Ausone, Ép., 8, 7).

[78] Ce qui précède est supposé d’après l’ensemble des renseignements sur l’Empire ; cf. Dict. des Ant., Malus, p. 2020-1.

[79] On trouve la réplique du fait sur les tombes.

[80] L’obélisque d’Arles, 15 m. 26 de hauteur, a dû être transporté d’Égypte par eau.

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16 janvier 2013 3 16 /01 /janvier /2013 17:41

Fondée par les Romains au premier siècle, Rotomagus (Rouen), était la capitale de la Lyonnaise seconde, qui deviendra la Normandie. Jusque-là, la Haute-Normandie actuelle, était occupé par trois tribus gauloises : les Véliocasses et les Calètes au nord de la Seine ; les Aulerques-Eburovices au sud de la Seine.222.jpg

 Aucun vestige n'est resté dans son milieu d’origine. C’est pourtant bien les Romains qui fondèrent la ville à cet endroit de la rive droite de la Seine. Le lieu avait l’avantage, contrairement à la rive gauche, d’être protégé des inondations, et d’être idéalement situé, au carrefour des voies terrestres et surtout fluviales. Rotomagus est reliée à Lutèce mais aussi à la mer. De plus, l’endroit bénéficie de plusieurs sources d’eau grâce au Cailly ou au Robec.

Son apogée se situe au IIIème siècle. La ville, capitale de la province de la Lyonnaise seconde , sera l’une des plus importantes de la Gaule lyonnaise. Il faut imaginer une véritable ville romaine, bâtie sur un plan orthogonal, avec ces termes, son amphithéâtre à l’endroit du donjon médiéval (tour Jeanne d’Arc), son forum, son temple… Aujourd’hui, même dans le vieux Rouen aucun vestige romain ne peut être vu par les visiteurs. La ville médiévale a en fait été construite sur la ville antique, et à chaque fois que l’on creuse, lors de travaux d’urbanisme, de création du métro ou de parking, à quelques mètres de profondeur, on trouve quelque chose. La ville connaît un déclin au IVème siècle. Afin de se protéger des invasions barbares, elle se retranche derrière des remparts et sa taille diminue considérablement.

Pour voir des vestiges gallo-romains, il faut parcourir une cinquantaine de kilomètres, et se rendre dans la ville de Lillebonne. Créée probablement ex nihilo par les Romains sous Auguste (aucune fouille n’a révélé la moindre trace d’occupation gauloise de Lillebonne), Juliobona (la « ville de Jules César ») était la capitale de la tribu des Calètes. Sa situation, à proximité de l’embouchure et près du dernier passage de traversée du fleuve, en fait alors un port idéal, notamment pour les relations commerciales avec la Britannia.

Le choix du site de construction de la cité répond en fait à plusieurs critères : il faut imaginer qu’à cette époque, la Seine touche Le Mesnil et l’aire comprise entre le fleuve et les limites de la ville actuelle est en fait un marais navigable. Une zone abritée propice à la construction d’un port, comme celle qui accueillera Harfleur (Caracotinum).

La seconde raison d’une implantation à cet endroit est une situation idéale à la confluence de deux vallées, permettant un accès facile des hommes et des marchandises entre le fleuve et le plateau. Ce site présent en outre une terrasse alluvionnaire qui descend vers la rivière le Bolbec, offrant un ensoleillement et une protection contre l’humidité du sol du fait de sa faible pente. Le nom antique de la ville de Juliobona viendrait de « bona » et « lulius » (Julien) c’est-à-dire une fondation de l’époque Julio – claudienne (début du premier siècle de notre ère).

Lillebonne a gardé d’impressionnants vestiges qui témoignent de son importance et de sa prospérité durant la Pax Romana. C’est d’ailleurs à Lillebonne que se situe le mieux préservé des amphithéâtres du Nord de la France. Ce monument de spectacle possède une arène d’amphithéâtre ainsi qu’une scène de théâtre. Il est fort probable qu’il n’y ait eu qu’un petit théâtre au début, mais au final l’édifice pouvait probablement accueillir entre 9000 et 10 000 personnes.220

L’édifice, du fait des invasions germaniques, est transformé au IVème siècle en castrum, à l’intérieur duquel les habitants se réfugient. Devenu carrière de pierres, il est « redécouvert » au XVIIIe siècle et classé monument historique en 1840. Aujourd’hui encore en chantier de restauration, il est loin d’avoir livré tous ses secrets… Parmi les illustres vestiges exhumés lors des fouilles à Lillebonne se trouvent une monumentale mosaïque et un Apollon en bronze doré datant de la fin du IIème siècle. Mesurant 1,94 m, cette statue de bronze visible au Louvre, est la plus haute conservée en Gaule.221.jpg

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14 janvier 2013 1 14 /01 /janvier /2013 06:51

La Wallonie fournit de nombreuses traces de la romanisation. Villas, cités, sites isolés, voies romaines… Si les vestiges ne sont pas impressionnants, il n'en témoigne pas moins de l'impact très important de l'appartenance de ces régions à l'Empire Romain. Pourtant, cette présence n'est pas sans présenter quelques paradoxes.

 

La Wallonie romaine demeure essentiellement rurale. Des principaux centres urbains qui polarisent l'espace sont situés le plus souvent juste à l'extérieur de son territoire. On pense à Bavay et Tongres, mais aussi à Metz, Trèves et Cologne. Le seul centre urbain important situé sur les territoires wallons est Tournai, qui est déjà une vraie ville. Les voies romaines qui structurent la région sont disposées en fonction de ses centres urbains extérieurs. À côté de cela il y a quatre agglomérations majeures, qu'on peut qualifier de petites villes. Il s'agit de Namur, Liberchies (près de Charleroi), Arlon et Saint-Médard (près de Virton). Pour le reste, il n'existe que de petites bourgades au milieu d'un vaste paysage rural. Ces villes, petites ou grandes, montrent des plans d'organisation différents. Il y a le plan en damier, comme à Arlon, mais aussi le plan polynucléaire, dû aux contraintes de la géographie locale, comme à Namur ou à Tournai. À Tournai, la ville se développe en rapport avec l'Escaut. À Namur, ce sont la Sambre et la Meuse qui structurent l'espace. La cité mosane se développe d'abord au confluent des deux cours d'eau, au pied de la colline du Champeaux, ancien oppidum qui deviendra la Citadelle. Toutes ces villes répondent aux besoins de fonction de l'époque. Si le secteur primaire (production agricole, carrières, chasse…) est mal étudié, il est de toute façon plutôt l'apanage des zones rurales. Le secteur secondaire est bien présent. On retrouve la trace d'un artisanat bien développé, et qui ne date d'ailleurs pas de l'époque romaine mais remonte aux proto-cités celtiques. Enfin, le secteur tertiaire est représenté également ! Les textes montrent la présence d’organes de justice, de temples et d’autres services aussi typiquement romains que les thermes. Les cités gallo-romaines de Wallonie sont modestes, mais elles n’en sont pas moins de véritables percées de la civilisation romaine dans ces contrées.

Peut-on en conclure que ces villes sont des îlots de romanité dans une campagne restée celtique ? Sûrement pas. À côté de ce réseau urbain plutôt lâche existait un monde rural tout aussi authentiquement gallo-romain. Les Romains étaient un peuple d’administrateur rigoureux, d’ingénieurs efficaces et de stratèges habiles. C’est ainsi qu’ils ont pu conquérir un empire. Mais avant cela, les Romains sont avant tout un peuple de fermiers ! Cela peut paraître paradoxal quand on sait que Rome a longtemps été la plus grande ville du monde, aussi grande qu’une métropole moderne. Mais les racines du monde Romains sont rurales, et même agricole. Ceux qui étudient le droit romain sont souvent frappés par deux choses. La première, c’est la grande similitude qui existe entre le droit actuel de droit romain de l’époque ; la seconde, c’est que ce code de loi devait être parfait pour des agriculteurs, ou pour être précis pour des familles de propriétaires terriens. Or, que sont les sénateurs sinon les représentants de grandes familles possédant de grandes propriétés à vocations agricoles ?

Partout où les Romains se sont installés, ils ont fondé des villes, mais ils ont aussi et surtout transposé leurs modes d’organisation du monde rural. La Wallonie ne fait pas exception à la règle. Elle offre des terroirs favorables à l’installation des villas. Le sens moderne du mot villa ne doit pas oblitérer le sens que lui donnaient les Romains. Dans l’Antiquité, une villa était un complexe réunissant habitation, atelier et entrepôts autour d’une même vocation agricole. Construit au milieu du domaine qu’elle exploite, la Villa héberge la famille propriétaire ainsi que certains de ses employés et ses esclaves. On y225.jpg vit, mais surtout on y travaille. Les ateliers permettent de fabriquer et d’entretenir le matériel dans les ouvriers agricoles ont besoin. Les entrepôts permettent de stocker la production, d’abriter le bétail et le matériel. Le concept de villas tient donc à la fois de la résidence et de l’entreprise. Plus étendue et polyvalente que nos fermes actuels, elle peut jouer localement le même rôle qu’une petite ville ! La Wallonie, offre des terres fertiles, est abondante en eau, jouit d’un climat maritime tempéré et possède de l’espace en suffisance. Si on y ajoute la présence des cités qui jouent le rôle de gestionnaire, ainsi que les infrastructures routières qui favorisent la circulation des marchandises, on obtient une terre extrêmement favorable pour un peuple tel que les Romains.

Ces villas se concentre essentiellement sur les bas-plateaux et le long des voies romaines. L’Ardenne est donc relativement délaissée, à l’exception d’un axe Namur-Bastogne qui suit les voies de communication. La plupart de ces villas sont bâtis dans un style romain, donc méditerranéen, avec prédominance de la pierre et de la brique. C’est également le cas pour des bâtiments plus petits. Par contre, au nord de la Wallonie la typologie des habitations est radicalement différente, avec une subsistance du modèle gaulois et la prédominance de matériaux comme le bois. La limite entre ces deux typologies coïncide remarquablement avec le tracé de la frontière linguistique actuelle. Au sud, on a un modèle romain, signe d’une présence plus forte et donc d’une influence culturelle forte. Au nord, on a un modèle celtique, signe d’une persistance des façons de faire celtique. Cette asymétrie dans la romanisation aura des conséquences importantes jusqu’à nos jours.

L’Empire romain s’installe donc dans la future Wallonie, mais il n’y a pas de véritable colonisation par des populations italiques. La romanisation ne se fait donc pas via le mélange des peuples. Les Gallo-Romains, dans leur grande majorité, ne sont pas des métisses de gaulois et de Romains mais bien des gaulois romanisés. La romanisation ne se fait pas non plus de manière coercitive. Les gaulois adoptent spontanément la langue et la culture romaine. Ce comportement vis-à-vis d’un occupant après une conquête violente s’explique par plusieurs paramètres.226.jpg

Tout d’abord, il y a la proximité linguistique. Si le gaulois est une langue celtique, il y a une réelle parenté avec la langue cousine, le latin. Et à l’époque, la divergence était moins forte qu’elle ne l’est actuellement. On peut même considérer le gaulois comme plus proche du latin que des langues celtiques actuelles. Il n’a donc que probablement pas été plus difficile pour les gens de l’époque de passer du gaulois au latin que plus récemment du wallon aux français.

Ensuite, il y a les ressemblances socioculturelles. Le substrat gaulois comportait déjà des éléments qui rappelaient aux Romains leurs propres coutumes et institutions : magistrats élus pour un an, sénat en charge du contrôle des magistrats, assemblées plus rares. La structure en cités était également semblable, ce qui a permis aux Romains de calquer leur maillage territorial sur celui des anciennes tribus gauloises.

Enfin, les élites gauloises étaient depuis longtemps tournées vers le monde méditerranéen, dont les idées avaient filtré jusque dans les forêts d’Ardenne. Il n’est donc pas surprenant de les voir se lier avec l’occupant par convergence d’intérêts. Ils verront dans l’Empire l’occasion d’améliorer leurs conditions de vie. Ils vont donc faciliter la tâche des Romains en ce romanisant. Par ailleurs, cette romanisation leur permettra de faire valoir leurs droits et même de jouer un rôle dans la gestion de l’Empire.

Les Romains importent leur langue, mais pas uniquement. Avec eux, le droit passe de l’oralité à l’écrit. L’administration se met en place et le mode de vie change. Au niveau religieux également, l’influence se fait sentir. Les divinités du Panthéon arrivent en Wallonie. Selon les cas, elle s’ajoute, remplace ou assimile les divinités celtiques comme Diane avec Arduinna. Le seul élément réellement exotique pour les Romains, le druidisme sera interdit et les druides poursuivis et persécutés.

Économiquement, la période romaine est une période faste. Les échanges qui existaient déjà avec l’espace méditerranéen s’intensifient et s’accélèrent. Les fouilles menées en Wallonie ont révélé des biens fabriqués en Italie, en Espagne ou en Occitanie. On importe en Wallonie des produits agricoles, comme de l’huile d’olive. Les produits issus des plateaux fertiles sont consacrés à l’exportation. Les Romains, grands amateurs de vin, implante la vie. Elle se développera sur les adrets du sillon Sambre-et-Meuse, mais périclitera sous le double coup d’un léger refroidissement et d’une perte progressive de savoir-faire. C’est une sorte de petit âge d’or que cette période gallo-romaine, cette fusion réussie de deux mondes différents qui vont accoucher d’un troisième, à la fois neuf et fort de ses racines. Et déjà, à cette époque, va se dessiner la future frontière entre les mondes latins et germains.

 

Source : Histoire de Wallonie, Yannick Bauthière - Arnaud Pirotte éd. Yoran Embanner

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9 janvier 2013 3 09 /01 /janvier /2013 07:09

IV. LA FOULE DES JOURS DE FOIRES.

 

La circulation grandissait sur les routes à mesure qu’on approchait des grandes villes ou des lieux de foires ; et aux abords, à de certains jours, des foules énormes les encombraient.

 

C’étaient les jours où les jeux se tenaient dans les amphithéâtres, jours qui correspondaient à des temps de fêtes ou de marchés. À Lyon, les principaux spectacles se donnaient au mois d’août, à l’époque solennelle des sacrifices devant l’autel d’Auguste, et à la même date on conviait à une foire immense les peuples de la Gaule[56]. Pareille chose devait se produire dans les autres métropoles ou cités populeuses, comme Narbonne ou Nîmes[57], dans les bourgades saintes de la Gaule transformées en sanctuaires classiques, comme Die ou Lectoure[58], ou enfin dans ces champs sacrés des frontières municipales, comme Champlieu ou Yzeures[59], où le culte de vieilles divinités locales se confondait avec celui de l’empereur[60] et où de mystérieuses cérémonies s’entremêlaient des jeux du théâtre ou de l’arène[61]. Plaisirs des jeux et des sens, attrait du gain, nécessité d’emplettes, pratiques de dévots, flagornerie pour les empereurs, curiosités vulgaires, continuation d’habitudes familiales, besoin instinctif de se voir, de s’entendre et de faire nombre, tous les sentiments humains se mettaient en branle pour pousser et entasser les foules, aux jours de frairies, sur les routes des villes et dans les champs de foires.

 

Car une fête ou des jeux n’allaient pas sans un appel aux cités voisines. Les jours de beaux spectacles, la Gaule entière était en mouvement et en liesse. À Nîmes, aux Arènes, on réservait des places pour les membres des grandes corporations lyonnaises, pour les bateliers du Rhône, pour les camionneurs du Vivarais[62] : tout le Midi, à l’heure fixée, déferlait en flots bruyants vers les soixante arceaux du grand amphithéâtre. Lors des fêtes d’août, à Lyon, on accourait de fort loin, peut-être de delà les Alpes[63], et une cohue bigarrée s’entassait sur les gradins des édifices ou les esplanades des foirails, Romains, Gaulois. Grecs, Syriens, Juifs, sénateurs, chevaliers, soldats, paysans, esclaves, baladins et prophètes[64].

 

Nous aurons beau regarder autour de nous, nous ne trouverons rien de pareil. Il y a, dans cette foule, trop de marchands, d’acheteurs, de dévots et de prêtres, elle a des passions ou des besoins trop immédiats et trop précis, pour ressembler aux multitudes de nos fêtes nationales ou des expositions universelles, lesquelles s’amusent plus franchement, sans arrière-pensée de lucre ou de dévotion. Seules, celles des grandes foires du Moyen Age feront comprendre la populace d’une fête romaine, ces foires si turbulentes et si pittoresques où se brassaient tant d’affaires et tant de plaisirs, avec leur peuple de boutiquiers, de changeurs, de pèlerins, de moines et de bateleurs. Encore leur manquait-il, pour que la comparaison soit juste, cette concentration de tous, pendant quelques heures, sur les pierres de l’amphithéâtre romain, cette communion de milliers d’hommes en un spectacle unique. La foule, dans les anciennes foires de Champagne ou de Beaucaire, était plus disséminée, morcelée autour de distractions plus nombreuses, en bandes plus indépendantes : l’Empire avait su porter à son plus haut degré ce besoin de former groupe, cet instinct de la réunion en masse, auquel les hommes n’échappent point, et que les Gaulois connaissaient plus que tout autre peuple[65].

 

Ce n’était point sans danger pour les mœurs, le bon ordre et la paix publique. Il suffisait219.jpg de peu de chose pour déterminer dans cette mer humaine des vagues de tempête. La plupart des mouvements contre les Chrétiens ont dû naître en ces jours de jeux et de foires. Il est du reste possible que les fidèles aient souvent provoqué la colère de la multitude par d’imprudentes prédications : de pareilles réunions d’hommes étaient si séduisantes pour un apôtre, désireux de lancer le bon grain dans les larges sillons de la foule ! les prédicateurs populaires, de tout temps, ont raffolé des heures de marché.

 

Ces heures attiraient sans doute aussi les fauteurs d’émeutes : car ne doutons pas que la Gaule romaine n’ait eu les siens, et plus souvent que ne le laisse entendre la formule de la paix romaine. À Rome, les princes eurent toujours peur de la foule des grands jeux, et ils n’évitaient ses colères qu’en cédant à ses caprices. En Gaule, on peut croire qu’elle fut tout aussi gênante pour les magistrats des grandes villes ou les gouverneurs des métropoles. Bien des troubles qui ont désolé les cités ont pu commencer dans les amphithéâtres[66] ; et de la multitude tassée sur les champs de foires est parfois sorti l’élan qui a mis les armées en marche sur les grandes routes de l’Empire[67].

 

Camille Jullian - Histoire de la Gaule, Tome V

 

[56] Cf. tome VI, ch. VII.

[57] Cf. tome VI, ch. V.

[58] Cf. tome VI, ch. I.

[59] Note suivante.

[60] Nuntinibus Augustorum et deæ Minervæ, Esp., n° 2996 ; le sanctuaire frontière d’Yzeures est sans aucun doute un vieux sanctuaire local.

[61] Tome VI, ch. IV.

[62] Peut-être aussi pour les armateurs d’Arles, en tout cas pour des gens de cette ville : C. I. L., XII, 1316-8. — Tessères d’invitation à des jeux locaux ? XIII, III, 10029, p. 768 et s.

[63] Eusèbe, V, 1, 47.

[64] Tome VI, ch. VII.

[65] Cf. César, De b. G., IV, 5.

[66] Tacite, Annales, XIV, 17. Ou dans les théâtres, Suétone, Tibère, 37. De là, probablement, la surveillance exercée par l’État sur ces sortes d’édifices (Digeste, L, 10, 3).

[67] Cf. à Paris en 360, Ammien, XX, 9, 6-7 ; à Autun en 350, Zosime, II, 42, 6-7.

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17 décembre 2012 1 17 /12 /décembre /2012 07:09

      III. — VOYAGEURS DE GAULE.

 

Les Gaulois firent comme les autres : au temps de la liberté ils avaient été coureurs d’aventures[36] ; au temps de la paix romaine ils devinrent grands voyageurs, surtout voyageurs de commerce.208

 

Nous les trouverons donc partout, eux ou leurs marchandises, en Espagne[37], en Afrique[38], en Bretagne[39], en Italie[40], dans les pays du Danube[41], dans le monde oriental[42], dans le monde barbare, jusqu’au pied du Caucase jusqu’au voisinage de la Baltique. Ils avaient jadis parcouru ces mêmes lieux en qualité de conquérants ou de mercenaires[43] : au lieu de placer leurs bras, ils placent maintenant leurs fibules, leurs poteries, leurs jambons, leurs huiles, leurs vins et leurs lainages. Le Celte et le Belge, au dehors aussi bien que chez lui, a laissé prendre une tournure pacifique à son besoin d’agir, de parler, de gesticuler : mais il n’a pas encore réprimé cette faculté essentielle de sa nature.

 

D’autres partaient de leurs foyers comme avaient fait leurs pères, pour guerroyer au loin. Beaucoup servirent dans les armées du Danube, d’Afrique, d’Orient, surtout de Bretagne. Mais je ne puis dire s’ils avaient choisi eux-mêmes ces garnisons lointaines ou si les légats ne les y envoyaient point d’office. Ils y faisaient leur métier en conscience[44], exposant leurs corps sur les champs de bataille du désert, ce qui ne les empêchait sans doute pas de s’amuser follement dans les faubourgs d’Antioche.

 

Il me semble pourtant que peu à peu le Gaulois se soit lassé de ces longs voyages si chers à ses ancêtres. Certainement, il ne s’expatriait pas, ouvrier ou commerçant, avec la même désinvolture qu’un Italien, un Grec ou un Syrien. Entre toutes les populations de l’Empire, on dirait que c’est celle qui a fini par résister le plus à la contagion de la route, par préférer son chez soi au spectacle des cieux étrangers. La sensation du repos, du loisir familial, était une chose assez nouvelle en Gaule : les hommes s’y abandonnèrent et leurs femmes plus encore. Un jour, un empereur réclama des soldats de Gaule pour guerroyer contre les l’erses : ils refusèrent de quitter leur sol et leurs habitudes pour ces batailles de l’Orient[45]. Au temps de César ou d’Ambigat, quelle joie c’eût été pour eux ! Dès la fin du premier siècle, les princes se résignèrent à ne point arracher les soldats gaulois à leurs quartiers de Germanie[46].

 

Parmi ces peuples, les plus entreprenants, les moins casaniers, sont ceux du Nord-Est, ces Belges qu’on appelait autrefois les Galates, et qui envoyèrent jadis leurs colonies au fond de l’Orient et au milieu de la Grande-Bretagne[47]. Médiomatriques[48], Trévires[49], Ambiens[50], Rèmes[51] et Séquanes[52], gens de Lorraine, de Picardie, de Champagne, de Franche-Comté, de Flandre, de Brabant et de Hainaut[53], sont prêts à partir pour aller trafiquer hors de chez eux, courir les foires, fonder des comptoirs, acheter, vendre et revendre. À Bordeaux et à Lyon, ce sont les Trévires de la Moselle qui forment la plus importante des colonies étrangères ; sur le Rhin, les bonnes places pour le commerce sont prises par les Nerviens du Hainaut ou par les Tongres de la Hesbaye[54].

   

À cet égard, la Gaule d’alors ne ressemblait pas exactement à la France. Dans celle-ci, peut-être dès le onzième siècle, le mouvement sur les routes venait beaucoup des hommes du Midi, Gascons ou Provençaux, toujours en train de conquérir la Gaule. On ne voit rien de pareil sous les Césars. Les Grecs de Marseille eux-mêmes ont perdu l’habitude de monter vers le Nord ; Aquitains de Bordeaux, Landais de Dax, Romains de Narbonne ou Latins de Nîmes ne se risquent pas à chercher fortune dans les villes celtiques, et le Pays Basque n’envoie pas encore ses émigrants sur les routes du monde[55].

 

Camille Jullian - Histoire de la Gaule, Tome V

 

[36] Tome I, ch. VIII.

[37] Venant surtout de Lyon ; C. I. L., II, 6254, 26 [?] ; 2912.

[38] Bull. arch., 1916, p. 87 (épitaphe d’une Viennoise, morte à Volubilis en Maroc, où elle a accompagné son mari, officier, sans doute aussi d’origine viennoise). — Voyage de Narbonne en Afrique. — C’est en Afrique, à la différence des temps actuels, que les gens de Gaule paraissent avoir le moins été.

[39] De Lyon (?), VII, 1334, I et 14 ; de Trèves, XIII, 634 ; VII, 36 ; de Metz, VII, 55 ; Carnute, Eph. épigr., IX, 995. Mercatores Gallicani, sans doute surtout à Londres.

[40] A Rome : Dion, LVI, 23, 4 (en général) ; avocats gallo-romains à Rome ; C. I. L., XII, 155 (de Saint-Maurice) ; VI, 29688 (Viennois) ; 29718 (Nîmois) ; 29709 et 20722 (Lyonnais) ; VI, 11090 (Morvinnicus, Æduus) ; VI, 3302 (Helvète) ; 15493 (Ambien) ; 29692 (Morin). A Bologne, XI, 716 (Carnute). En Cisalpine, XIII, 2029 (Trévire) ; à Milan, et Médiomatrique negociator sagarius (V, 5929). En route, au Grand Saint-Bernard : V, 6887 (tabellarius coloniæ Sequanorum) ; Notizie degli Scavi, 1889, p. 234 (Mediomatricus ?) ; V, 6885 (Ambien), Rome et la Cisalpine paraissent les deux centres de colons gaulois.

[41] Trévires : III, 5797, 5901, 4153. 4400, 5014 ; Ambien : 7415 ; Gabale : 9752. Et voyez l’installation de Gaulois dans les Champs Décumates, t. IV.

[42] Inscription de Mothana en Syrien datée de 342 : Γάλλιξ... 'Ρατομάγου (Rouen) ; Waddington, 2036.

[43] Tome I, ch. VIII, en particulier § 10.

[44] Sauf exceptions : voyez chez Ammien (XVIII, 6, 10, à la date de 359) l’histoire de ce cavalier, originaire de Paris, qui déserta en Perse et s’y maria.

[45] En 360 (Ammien, XX, 4, 10) : Nos quidem ad orbis terrarum extrema ut noxii pellimur et damnati, cantates vero nostræ Alamannis denuo servient.

[46] Quoniam dulcedo vos patriæ retinet, et insueta peregrinaque metuitis loca ; Ammien, XX, 4, 16.

[47] Ce sont d’ailleurs les Belges qui fournissent aussi le plus de soldats.

[48] A Bordeaux (XIII, 623), faber ; un médecin à Autun (XIII, 2674) ; à Sens (XIII, 2954) ; à Trèves (XIII, 3656) ; chez les Lingons (XIII, 5919 ? ?) ; dans les régions du Rhin (XIII, 6394, 6460, 7007, 7369). Un sagarius de Metz à Milan (V, 5929).

[49] A Saint-Bertrand-de-Comminges (XIII, 233) ; à Eauze (XIII, 542), vestiarius ; Bordeaux (XIII, 633 ; 634, negotiator Britannicianus ; 635) ; à Lyon (XIII, 1911, 1949, 1988, 2012, 2027, 2029 ; 2032, negotiator corporis Cisalpinorum et Transalpinorum ; 2033, negotiator vinarius et artis cretariæ) : à Autun et dans le pays éduen (XIII, 2669, 2S39) ; à Sens (XIII, 2956, copo) ; en Germanie (XIII, 7412) ; en Bretagne ; dans les régions du Danube.

[50] A Bordeaux (XIII, 607) ; en Italie. Bellovaques à Bordeaux (XIII, 611) ; à Vienne (XII, 1922). Gens du Vermandois à Lyon (XII, 1688) ; en Auvergne (XIII, 1465) ; à Cologne (XIII, 8341-2).

[51] A Bordeaux (XIII, 628) ; à Saintes (XIII, 1035, 1091) ; à Lyon (XIII, 2008, sagarius) ; à Bonn (XIII, 8104, argentarius) ; à Rindern les Rèmes forment sous Néron une colonie assez importante pour avoir son temple à Mars Camulus (cives Remi qui templum constituerunt, XIII, 8701).

[52] A Bordeaux (XIII, 631) ; à Lyon (XIII, 1990, 1991, 1983 ; 2023, negotiator artis prossariæ).

[53] Pour ces trois groupes : Morins à Nimègue (XIII, 8727) et à Rome ; Nerviens à Cologne (XIII, 8338, negotiator pistorius ; 8339, 8340), à Nimègue (XIII, 8725, negotiator frumentarius), à Saintes (XIII, 1056, manupretiarius barrarius ?) : Tongres en nombre à Vechten (XIII, 8815) ; Ménapes à Bordeaux (XIII, 624).

[54] Les déplacements de Gaulois en Gaule, autres que ceux de Belgique, ne sont que des faits isolés. Ils se produisent surtout vers les deux villes de commerce de Lyon et de Bordeaux.

[55] Je néglige les Viennois établis à Lyon (XIII, 1988) ou à Bordeaux (XIII, 636-7) : ce sont eux d’ailleurs, semble-t-il, qui, en Narbonnaise, ont le plus de tendance à se déplacer.

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10 décembre 2012 1 10 /12 /décembre /2012 07:09

    II. — CIRCULATION DES HOMMES.

 

Sur toutes ces voies, qu’elles fussent d’intérêt impérial ou provincial, leur rattachement à l’Empire provoquait un extraordinaire va-et-vient de gens et de choses[10]. Gaule ouverte à tous les hommes du monde, Africains, Espagnols, Bretons, Italiens, Grecs et Orientaux purent s’y mouvoir avec la même aisance que dans leur propre patrie*.

 

On aima beaucoup les voyages au temps des empereurs. Ce que l’homme ne possédait point dans sa demeure originelle, joie, santé, richesse ou repos, il le chercha dans un des mille recoins de l’immense patrie à laquelle il appartenait. Il arriva pour l’Empire romain ce que nous constatons dans la France d’aujourd’hui[11] : on désira, hors de chez soi, une meilleure manière de vivres et on crut la trouver dans le mouvement du corps ou la diversité des spectacles. Moins que jamais, on ne sut mettre le bonheur dans le charme des habitudes et la stabilité des jouissances. Être errant, signifie presque une manière de vivre pour des hommes de ce temps[12].

 

C’est le désir du gain qui entraîne peut-être le plus de gens sur les routes : [...] des marchands, des artistes, des ouvriers de tout pays et de tout rang qui sillonnent les chemins gaulois, en quête d’une affaire, d’une place ou d’une besogne[13].

 

C’est la religion, ensuite, qui occupe le plus ces chemins. Voici les aruspices d’Italie[14], interprètes de songes ou d’augures, les prêtres ou les dévots des cultes d’Orient, porteurs d’étranges idoles ou d’oracles réconfortants[15]. Voici la foule bruyante des pèlerins du terroir, qui se dirigent vers les sanctuaires traditionnels des sources ou des montagnes[16]. Et voici enfin, perdus au milieu des passants, les humbles disciples du Christ, qui s’acheminent de ville en ville, messagers de la bonne nouvelle.191.jpg

 

D’autres explorent le pays dans l’espérance de recouvrer la santé, de la demander à ces eaux chaudes que les dieux prévoyants y faisaient sourdre de toutes parts. Auguste a donné l’exemple en venant se soigner à Dax, et ses sujets l’imiteront aussitôt : les soldats en congé se rendront à Vichy[17], et les riches Gallo-romains monteront à Luchon par les fraîches routes des Pyrénées[18].

 

La curiosité, celle du touriste ou du savant, attirait en Gaule quelques voyageurs, beaucoup moins, évidemment, qu’en Égypte, le centre préféré des grandes excursions. Mais on pouvait admirer les routes périlleuses des Alpes[19], les hauts sommets divins du puy de Dôme[20] ou du Donon, les eaux miraculeuses de Gréoulx[21] ou de Vif[22], les marées formidables de l’Océan et les mascarets de ses grands estuaires[23], les champs de pierre de la Crau, témoins des mémorables combats d’Hercule[24], les étangs du Languedoc aux pèches extraordinaires[25], et surtout les forêts alpestres ou les Ardennes de Belgique, où s’arrêtaient les chasseurs passionnés de gibiers monstrueux et d’oiseaux superbes. D’autres curieux traversaient la Gaule pour assister aux prodiges de l’Armorique[26] ou de l’île de Bretagne, comme ce Démétrius de Tarse qui voulut retrouver les îles mystérieuses où dormaient les âmes des héros[27].

 

Les morts eux-mêmes ne reculaient pas devant de longs voyages. On ramenait dans leurs patries d’origine les dépouilles de ceux qui mouraient au loin[28]. Aux abords des villes, les théories funèbres remplissaient les routes[29]. Le corps de Drusus, mort en Germanie, le corps de Septime Sévère, mort en Bretagne, traversèrent toute la Gaule, reçus le long des chemins par les foules en deuil.

 

D’autres cortèges, ceux-ci vulgaires ou bizarres, se rencontraient avec ces processions solennelles. Les marchands de volailles d’Italie faisaient venir leurs oies de Flandre, à pied par la grande route[30] ; et ces lents troupeaux de bêtes paisibles se laissaient dépasser par les soldats qui regagnaient leurs corps[31] ou les courriers qui galopaient vers les villes[32].

 

Quelle diversité et par endroits quelle cohue de passants ! Par ces mêmes chemins montaient vers l’Italie les courtisans ou les fonctionnaires qui se rendaient aux seuils sacrés de Rome : on les reconnaissait aisément à leur escorte, car il fallait être bien misérable, trimardeur ou déserteur, pour voyager seul, sans esclave. Lorsque Musicus, affranchi de Tibère, caissier du Trésor en Lyonnaise, quitta la Gaule et revint à Rome, il se fit suivre d’un cortège de seize serviteurs[33].

 

Quand passait un empereur[34], c’était alors comme une ville qui s’étalait, s’allongeait sur la route. Autour d’Hadrien en voyage s’avançaient les cohortes de la garde, les services du Palais, les amis du prince et leurs esclaves, et des centaines d’ouvriers prêts à travailler sur l’ordre du souverain. Sous les pas d’un tel maître, qui visitait toutes choses en curieux, qui développait en tout lieu la vie d’affaires, qui inspectait toutes les frontières et toutes les administrations, la route romaine s’animait d’une vie extraordinaire, pour satisfaire à la fois à tous les besoins des hommes et à toutes les volontés du souverain[35]. Ces jours-là, elle semblait porter, s’agitant fiévreusement sur elle, l’âme même du grand Empire.

 

Camille Jullian - Histoire de la Gaule, Tome V

 

* Ils ne faisaient que passer.

[11] Écrit avant août 1914.

[12] Vagus in orbe, assidue toto circu[mferor orbe], dit un Gallo-Romain de Bordeaux ; C. I. L., XIII, 581.

[13] Cf. Strabon, IV, 1, 5 ; 2, 1 et 3 ; Dion, XLIV, 42, 3-5 ; C. I. L., XIII, 38, 1550 ; etc.

[14] XIII, 1131 (Poitiers), 1821 (Lyon).

[15] Monument élevé à Vaison en vertu d’un oracle de Bélus à Apamée de Syrie (peut-être l’oracle en faveur de Septime Sévère, Dion, LXXVIII, 8, 6), C. I. L., XII, 1277 ; vires excepit et a Vaticano transtulit, dédicace taurobolique à Lyon, XIII, 1751 ; voyez inversement, à Bordeaux, un habitant du pays qui s’en va consulter la sibylle de Tibur (XIII, 581).

[16] XIII, 1522 : groupe de pèlerins au puy de Dôme. Il y aurait une étude à faire sur les chemins de pèlerinages, par exemple au Donon ou au Puy-de-Dôme. — Dans le même ordre d’idées, rappelons les voyages des délégués et des dévots aux autels provinciaux de Rome et d’Auguste, voyages qui devaient entraîner d’assez grands déplacements d’hommes, vu les fêtes qui s’y donnaient, les dépenses qui s’y faisaient.

[17] XIII, 1499 ; 1498 (un Arlésien). La presque totalité des inscriptions et monuments de Vichy (XIII, 1495-1502) doivent venir de baigneurs.

[18] XIII, 352 (un Ségusiave), 356 (un Butène).

[19] Ammien, XV, 10, 3-6. Et déjà les gens du pays racontaient d’étranges histoires aux voyageurs. Ainsi, à propos du culte d’une Matrona à la source de la Durance, au mont Genèvre, on dit à Ammien que c’était une noble matrone romaine morte là par accident. On devait également montrer des pas d’Hannibal, des pas d’Hercule, des camps de César (Sidoine Apollinaire, Epist., II, 14, I). —Sur les voyages d’étudiants à Marseille et à Autun, t. VI, ch. II, V et VI.

[20] Cf. Pline, XXXIV, 45.

[21] Monument élevé Nymphis Griselicis par la femme du consulaire Vitrasius Pollion (XII, 361).

[22] Monument élevé Ignibus Æternis par un préfet du prétoire entre 269 et 273 (XII, 1551). — Dans les Alpes Cottiennes, on montrait des sources d’eau mortelle, item Alpibus ira Co[tti]i regno est aqua ex qua qui gustant statim concidunt (Vitruve, VIII, 3, 17) : ce qui d’ailleurs, comme me l’indique M. Ferrand, ne doit être que propos et divagations de guides.

[23] Mela, III, 22. C’est sans doute à cet effet que Sabinus, l’interlocuteur de Lucien (Apol., 15), est allé en Gaule.

[24] Mela, II, 78.

[25] Mela, II, 82-3 ; Pline, LX, 29 et s.

[26] On a dû certainement chercher aux caps ou baies du Finistère le lieu où Ulysse évoqua les morts (Odyssée, XI, 11 et s.) : Est locus, extremum pandit qua Gallia littus Oceani prætentus aquis, ubi fertur Ulysses, etc. (Claudien, In Ruf., I, 123-4). Et c’est sans aucun doute aux mêmes sites que fait allusion Procope, lorsqu’il parle des nautoniers des âmes sur le rivage de l’Armorique ; De Bello Gothico, IV, 20.

[27] Plutarque, De def. or., 18.

[28] C. I. L., XII, 155, à Saint-Maurice en Valais : Rome defuncti... pater infelix corpus ejus deportatum hic condidit ; XII, 118 ; XIII. 2181, à Lyon : Corpus ab Urbe [Rome] adferri curaverunt. Char funéraire ?

[29] Cela résulte de la présence des tombes le long des chemins. — C’est une question, si Arles, Saint-Gilles, Bordeaux, etc., n’ont pas eu dès l’époque païenne des cimetières particulièrement vénérés où l’on désirât se faire ensevelir.

[30] Mirum in hac alite a Morinis usque Romam [par la route de Bretagne] pedibus venire ; Pline, X, 53 : Pline est un témoin oculaire.

[31] Voyez à Amiens le monument élevé par des soldats de l’armée de Germanie euntes [ad] expedi[tionem] Britanicam (XIII, 3496).

[32] Courriers d’État (XII, 4449) ; provinciaux (aucun texte) ; municipaux.

[33] C. I. L., VI, 5197.

[34] Voyages d’Auguste, de Caligula, de Claude, de Galba, de Vitellius, de Domitien, de Trajan, d’Hadrien, d’Albinus, de Septime et de Caracalla, d’Alexandre et de Maximin, de Gallien, des empereurs gallo-romains, d’Aurélien, de Probus. On voit donc que, sauf de 122 à 197 (Antonin, Marc-Aurèle, Commode), à peu près chaque génération a vu au moins un voyage d’empereur. Je laisse de côté les séjours des princes, Agrippa, Drusus, Germanicus, etc.

[35] Je pense à l’expression de Tacite à propos du passage de Vitellius à Lyon (Hist., II, 62), strepentibus ab utroque mari itineribus, où il s’agit surtout de la route de Bretagne à Rome par Lyon.

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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 19:58

   I. — LES ROUTES LES PLUS PASSAGÈRES.

 

Une vie intense s’agita sur les routes de la Gaule pendant toute la durée de l’Empire, plus forte, plus variée qu’à nul autre moment de leur histoire. Outre l’activité propre au pays, une grande part du mouvement général du monde les utilisait sans relâche.

 

De Rome en Bretagne, du centre de l’Empire à sa plus lointaine province, il fallait passer par la Gaule, soit qu’on débarquât à Marseille pour remonter la vallée du Rhône, soit qu’on franchît les Alpes au Grand ou au Petit Saint-Bernard pour gagner Langres par Besançon, Genève ou Lyon : ce qui faisait de la route champenoise, de Langres à Boulogne par le pont de Châlons, l’une des voies les plus bruyantes de la Gaule et de la terre romaine ; là sont passés les grandes niasses d’hommes et les chefs souverains, circulant entre l’Italie et l’Angleterre, les uns pour conquérir de nouvelles provinces, les autres pour enlever Rome à leurs concurrents[1].

 

C’était également par la Gaule que les armées de Germanie et les prétendants choisis par elles communiquaient avec le reste de l’Empire. Pour gagner l’Italie et l’Orient au départ du Rhin, on pouvait à la rigueur se passer de la Celtique en rejoignant le Danube[2] ou en gravissant le Brenner. Mais les soldats et leurs chefs évitaient d’ordinaire ces routes longues et fastidieuses, ils préféraient l’agréable cheminement le long de la Moselle, du Doubs ou des lacs d’Helvétie, la rapide montée par les Alpes de Suisse ou de Savoie : et ce sont les routes que prirent Vitellius et ses généraux, et bien d’autres avant et après eux[3].190.gif

 

De Germanie et de Bretagne encore, pour se rendre en Espagne, on devait couper la Gaule : soit par l’ouest, de Cologne à Paris, Bordeaux et le col de Roncevaux[4] ; soit par le levant, de Mayence à Trèves, Lyon, Narbonne et le col du Pertus[5]. C’était presque toujours cette dernière voie que l’on prenait, plus aimable, plus chaude, plus proche de l’Italie et parée de plus belles villes[6] ; l’autre demeurait plus froide, trop voisine de l’Océan, encore d’apparence à demi barbare : il faudra, pour la doter de gloire, de bruit et de poésie, les rois francs, les Sarrasins, Charlemagne, Roland et saint Jacques[7].

 

Entre l’Italie enfin et cette même Espagne, la Gaule du Midi conservait son rôle millénaire, de servir de route aux héros[8]. Il était bien rare qu’on préférât la traversée de la mer à l’antique et glorieux chemin qui de la Corniche menait à Narbonne et au Pertus ; de Rome à Tarragone et à Cadix la route, le long du rivage gaulois, était si gaie, si facile, si pleine de richesses et de souvenirs ! les seuls ennuis qu’on y rencontrât étaient, comme au temps d’Hercule, le Mistral de la Crau et le passage du Rhône à Tarascon.

 

C’était grâce à ces routes que notre pays servait de trait d’union entre le Nord et le Midi, le Centre et l’Occident du monde européen. Elles étaient les marches, aplanies et embellies, du seuil que la Gaule formait entre toutes les provinces de l’Empire occidental.

 

Au croisement des plus populaires de ces voies, surgissait toujours Lyon. Il n’était donc pas seulement la capitale des Gaules, mais le lieu de rencontre des hommes de nom latin ; et c’est pour cela que tous les prétendants à l’Empire ont voulu, après Rome, tenir Lyon[9].

 

Camille Jullian - Histoire de la Gaule, Tome V

 

[1] Caligula ; Claude ; le retour des soldats de Bretagne en 69 ; Hadrien ; Albinus ; Septime Sévère ; Tetricus et Aurélien ; etc. — De là, l’importance que prit sur cette route le pont de Châlons sur la Marne, à mi-chemin entre les Alpes et l’Océan. — Il ne faut d’ailleurs pas oublier que cette route fut une de celles que prenaient jadis les caravanes de l’étain et des marchands italiens ou marseillais. — Ajoutez le trajet de Germanie en Bretagne et inversement par Cologne et Bavai ou par Mayence, Trèves et Reims.

[2] Cf. la route de Septime Sévère.

[3] Sans doute Agrippa, Drusus, etc., et tous les empereurs qui ont séjourné à Lyon.

[4] Ou le Somport. Je suppose le passage d’Auguste par Roncevaux en 24 ou 25 av. J.-C., à cause des affaires des Cantabres.

[5] Hadrien ; sans doute Auguste.

[6] Ajoutez l’attraction de Tarragone, la grande ville impériale de l’Espagne. — Quand on regarde sur la carte le réseau des routes italiennes, on s’aperçoit aussitôt des motifs qui ont fait construire par Auguste, en 13-12 av. J.-C., la fameuse via Julia Augusta, de Plaisance à Nice par le col de Cadibone (C. I. L., V, p. 953 et s.) : cette route, qui continuait une route venant de Vérone, servait aux communications rapides entre le Danube (soit par la voie d’Aquilée, soit par celle de Trente), la Gaule du Midi et l’Espagne.

[7] Tome VI, ch. VI.

[8] Outre les proconsuls, Pollion en 43, Galba et ses courriers, et sans doute Auguste et Hadrien.

[9] Voyez les séjours à Lyon d’empereurs ou de prétendants à l’Empire. — Lyon comme carrefour d’Empire était doublé : 1° par Chalon, où la route de Lyon à Langres vers Boulogne d’un côté et vers le Rhin inférieur de l’autre se détachait de la route directe de Lyon vers le Rhin supérieur par Besançon, sans parler de la route de la Seine par Autun, laquelle servait aussi à la direction de Boulogne ; ajoutez la lin habituelle de la navigation sur la Saône ; 2° par Langres, où se croisaient cinq très bonnes voies : celle venant de Lyon, celle partant pour Boulogne, celle partant pour Cologne et le Rhin, celle du Grand Saint-Bernard par Besançon, celle du Petit Saint-Bernard par Genève.

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26 novembre 2012 1 26 /11 /novembre /2012 08:00

Dans son ouvrage "Géographie", le géographe grec Stabon, né en 58 avant Jésus Christ et mort entre 21 et 25 après J.C., nous parle de Massilia. Strabon semble ne pas avoir connu la Gaule. Pour sa Géographie, il s'est souvent servi d'ouvrages anciens, parfois peut-être périmés.l-Europe_de_Strabon.jpg

                                                    L'Europe de Strabon

 

Massilia est une création des Phocéens ; elle est située sur un sol pierreux; son port s'étend au-dessous d'un rocher en forme de théâtre, qui regarde le midi. Ce port est entouré de bonnes murailles, ainsi que la ville entière dont la grandeur est considérable. Dans la (ville) haute s'élèvent l'Ephésium et le temple d'Apollon Delphinien : ce dernier est commun à tous les Ioniens ; l'Ephésium est un sanctuaire dédié à Artémis d'Éphèse. Comme les Phocéens partaient de leur pays, un oracle, dit-on, leur fut donné, qui leur enjoignait de prendre pour guide la personne que leur aurait désignée Artémis d'Éphèse : s'étant donc rendus à Éphèse, ils s'enquirent des moyens d'obtenir de la déesse ce guide qui leur était imposé. Alors Aristarché, l'une des femmes les plus honorables du pays, vit en songe la déesse qui, debout près d'elle, lui ordonnait de partir avec les Phocéens en emportant quelque représentation des choses consacrées à son culte. Cela s'étant fait et la colonisation achevée, les Phocéens érigèrent le sanctuaire, et décernèrent à Aristarché des honneurs extraordinaires, en la proclamant prêtresse (d'Artémis). Dès lors dans les villes, colonies de Massilia, on rendit partout les premiers honneurs à la même déesse, et pour la disposition de la statue comme pour les autres usages sacrés, on se fit une loi d'observer les mêmes rites que dans la métropole.
Les Massaliotes ont un gouvernement aristocratique, et il n'y en a pas dont les lois soient meilleures : ils ont établi un conseil de six cents membres qui gardent cette dignité toute leur vie ; et qu'on appelle timuques. Ce conseil est présidé par quinze membres à qui est attribuée l'administration des affaires courantes : les Quinze sont à leur tour présidés par trois d'entre eux qui ont la plus grande puissance, sous la direction d'Un seul. Nul ne peut être Timuque[1] s'il n'a pas d'enfants, et si le titre de citoyen n'est pas dans sa famille depuis trois générations. Les lois sont celles de l’lonie : elles sont exposées en public. Le pays est planté d'oliviers et couvert de vignes, mais il est bien pauvre en blé, à cause de sa sécheresse : aussi, ayant plus de confiance dans la mer que dans la terre, les habitants ont-ils préféré les ressources que leur offrait la navigation. Plus tard cependant, grâce à leurs mâles vertus, ils purent s'emparer d'une partie des campagnes environnantes, avec l'aide de cette même puissance militaire qui leur avait servi à fonder des villes pour s'en faire des remparts.

Les unes, situées sur la frontière d'Ibérie, devaient les couvrir contre les incursions des Ibères, de ce même peuple à qui ils ont communiqué avec le temps les rites de leur culte national (le culte de Diane d'Ephèse), et que nous voyons aujourd'hui sacrifier à la façon même des Grecs ; les autres, telles que Rhodanusia[2] et Agathé[3], devaient les défendre contre les Barbares des bords du Rhône ; d'autres enfin, à savoir Tauroentium[4], Olbia[5], Antipolis[6] et Nicaea[7], devaient arrêter les Salyens et les Ligyens des Alpes.

Les Massaliotes, ont encore des abris pour les vaisseaux et des magasins d'armes : auparavant il y avait chez eux, en quantité et toujours prêts, des navires, des appareils, des machines pour armer les vaisseaux et assiéger les villes : ils avaient pu ainsi tenir tête aux Barbares et gagner l'amitié des Romains, en se mettant à même de leur rendre tant de services que ceux-ci aidèrent volontiers à l’accroissement de la puissance des Massaliotes.

Ainsi Sextius, celui qui défit les Salyens, ayant fondé non loin de Massilia une ville dont le nom, qui est le sien; rappelle aussi ces eaux chaudes devenues, dit-on, en partie froides, y établit une garnison romaine et chassa du littoral, à partir de Massilia jusqu'en Italie, les Barbares que les Massaliotes n'avaient pu en expulser tout à fait. Lui-même, n'obtint guère d'autre résultat que de refouler, les Barbares à douze stades de la mer dans les parties où les côtes sont abordables, et à huit seulement, là où elles sont abruptes.

Mais le terrain abandonné par les indigènes, il le livra aux Massaliotes. On voit encore, dans la ville où elles sont exposées, un grand nombre des dépouilles conquises par les habitants dans des batailles navales contre tous les rivaux qui leur disputaient injustement la mer.

C'est ainsi que jadis ils jouirent d'une prospérité extraordinaire à tous égards, et, particulièrement en ce qu'ils gagnèrent l'amitié des Romains, dont on pourrait trouver maintes preuves : ainsi, il y a sur l'Aventin une statue d'Artémis qu'y érigèrent les Romains, et elle est disposée comme celle qui est chez les Massaliotes. Mais au temps, de la lutte de Pompée contre César, ce peuple, s'étant attaché au parti qui fut vaincu, perdit la plus grande part de sa prospérité.

Pourtant il reste encore chez lui des traces de ses anciens goûts, particulièrement pour la construction des machines et pour les armements maritimes. Mais comme les Barbares du haut pays d'alentour s'apprivoisent sans cesse, et, grâce à la domination romaine, ont déjà abandonné la guerre pour la vie civile et l'agriculture, l'application aux travaux dont nous parlons ne saurait plus être aussi grande chez les Massaliotes, on le voit bien à l'esprit qui aujourd'hui y règne : tous les gens distingués s'y portent vers l'éloquence et la philosophie, si bien que leur ville, qui depuis peu était devenue une école ouverte aux Barbares, et avait rendu les Galates philhellènes au point de rédiger leurs contrats en langue hellénique, a présentement persuadé aux plus illustres des Romains de renoncer au voyage d'Athènes et de venir à Massilia pour l'amour de l'étude. Les voyant agir ainsi, et d'ailleurs résignés à la paix ; les Galates consacrent avec plaisir leur temps à de pareils genres de vie, et ce n'est pas là un caprice individuel, mais le goût public.

Aussi font-ils bon accueil à nos sophistes qui, comme les médecins, reçoivent chez eux un riche salaire soit des particuliers, soit des villes. Mais'il y a toujours dans les habitudes des Massaliotes de la simplicité et de la modestie, et l'usage que voici n'est pas la moindre preuve que l'on en pourrait donner : la plus grosse dot est chez eux de cent pièces d'or, plus cinq pièces pour les vêtements et cinq autres pour les parures d'orfèvrerie : on ne permet pas davantage. César et les princes qui sont venus après lui, en souvenir de l'amitié des Romains pour Massilia, ont apprécié avec mesure les fautes commises durant la guerre, et ont conservé à cette ville l'autonomie dont elle avait joui dès l'origine. Ainsi elle n'obéit pas, non plus que les peuples qui sont sous son obéissance, aux préfets envoyés dans la province.

Voilà ce qu'on peut dire au sujet de Massilia.

 

[1] Sénateur.

[2] Important poste grec situé près de l'embouchure du Rhône, probablement localisé au niveau des lieux-dit l'Argentière et Espeyran sur la commune de Saint-Gilles (Gard). Arbre-celtique.com

[3] Important comptoir massaliote établi entre l'embouchure de l'Hérault et le bassin de Thau, à proximité immédiate de Béziers. Arbre-celtique.com

[4] Saint Cyr sur Mer _ Var

[5] Hyères _ Var

[6] Antibes _ Alpes-Maritimes

[7] Nice _ Alpes-Maritimes

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