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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 16:25

Le camp romain

 

C’est la « Legio VIII Augusta » qui donne au castrum primitif sa forme définitive. Le petit camp primitif de l’« Ala Petriana » est étendu en 10 de l’ère chrétienne aux dimensions d’une légion par la « legion II Augusta » ; ce camp est désaffecté quelques années vers 60 pour renaître entre 70 et 92. Les remparts se succèdent : en bois et terre vers 15 sous le règne de Tibère, en bois sur fondations de basalte sous les Flaviens autour de 80, en pierres calcaires avec chaînage en tuiles et tours intérieures carrées avec plateformes pour abriter les balistes vers 120-140.254.jpg

Le camp atteint son état le plus parfait sous Constantin (306-337) et (ou) Valentinien (364-375) : il s’étend sur une superficie de 19 hectares et dessine un rectangle de 530 x 275m, sur une terrasse non inondable d’une altitude de 132m au nord-est des deux affluents du Rhin, à environ 5 km à l'ouest du fleuve, la Bruche et l'Ill (Ill et Canal du Faux-Rempart), à l’emplacement du centre médiéval de la ville de Strasbourg. Le mur qui ceint le castrum est long de 1 810 mètres. Quatre imposantes tours de garde semi-circulaires de 20m de diamètre flanquent les angles du polygone. Entre ces tours et les quatre portes monumentales, 46 tourelles de guet de 7m de diamètre jalonnent le mur du rempart.

L’accès au camp se fait par la porte prétorienne, « porta praetoria » (rue Mercière, à hauteur du Fossé-des-Tailleurs et de la rue du Vieil-Hôpital) ; après la porte, à gauche, le « tertre des sanctuaires » (emplacement de la cathédrale Notre Dame) comprend, outre le temple romain, les lieux saints celtiques qu’ombrage un bosquet de chênes. En contrebas du tertre, à l'est, (débouché de la rue du Dôme sur la place de la Cathédrale) se trouve le prétoire, l'hôtel du commandement militaire dont les annexes se prolongent jusqu'au croisement de la via principalis ou cardo (rue du Dôme et rue du Bain-aux-Roses) avec la via praetoria ou decumanus (croisement rue du Dôme - rue des Hallebardes - rue des Juifs).

Plus loin se trouvent la chancellerie et le librarium où se trouvent les archives (coin rue des Frères - impasse de la Bière). Le valetudinarium, hôpital militaire, se trouve à l’emplacement de la place du Marché Gayot et plus loin, dans l'angle nord-est du camp, l'arsenal et l’intendance jouxtent les thermes réservés à l'armée (collège Saint Etienne). Enfin une voie ceinture le camp et fait le tour du rempart intérieur.

La citadelle abrite également une manufacture d'armes blanches, la fabrica (rue du Sanglier) où travaillent des armuriers indigènes, marqués au bras au fer rouge par précaution de secret militaire. D’autres thermes importants se trouvent entre la rue de la Hache et la rue du Temple Neuf. Ils comprennent entre autres une pièce circulaire d'une huitaine de mètres de diamètre, comparables à ceux qui sont connus dans d'autres camps rhénans, notamment à Xanten.

Outre la porte prétorienne, deux portiques percés aux deux extrémités de la rue principale donnent, l'un, sur la voie de Brocomagus-Brumath (extrémité de la rue du Dôme - place Broglie), l'autre, à l'opposé, sur la voie du Rhin (à l'emplacement du Château Rohan). Sur le flanc nord de l'enceinte (rue des Pierres - pont des Pontonniers) un autre porche ouvre sur la voie directe de Saletio (Seltz).

 

Un système de fossés développé au moins sur une trentaine de mètres de largeur et probablement une zone supplémentaire de sécurité isolent le camp des quartiers civils.255

L’enceinte du castrum est restée longtemps debout : l'archéologie a montré qu'elle était encore intégralement en usage à la fin du Xè siècle et que ses murailles puissantes faisaient partie sur certains côtés (front nord-est, côté quai Lezay-Marnésia et une partie du quai Saint Etienne) de l'enceinte de la ville à l'époque gothique (jusqu'à la fin du XIVè siècle).

 

À suivre...  6/6

 

Source : http://www.encyclopedie.bseditions.fr

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3 avril 2013 3 03 /04 /avril /2013 05:59

Vaincue en 51 av. J.-C., la Gaule ne devient pas instantanément romaine. Il faudra plusieurs dizaines d’années pour que la province romaine d’Aquitaine, qui va désormais de la Loire aux Pyrénées, soit organisée et prennent des caractères strictement Romains.

Dans les premiers temps de la conquête, le pouvoir est remis à des chefs locaux qui ont aidé César. C’est le cas de Sotiate Adietanus (de Sos dans le Lot-et-Garonne) ou du Santon Contoutos (région de Saintes) qui peuvent même frapper monnaie. Quand Auguste créait et organise la province d’Aquitaine en 27 av. J.-C., ces monnaies disparaissent progressivement, ceci indique l’arrivée d’administrateurs Romains qui vont organiser les agglomérations gauloises à l’image des villes romaines.

Burdigala devient la capitale des Bituriges Vivisques peu après la Conquête. Ce peuple est193.jpg issu du peuple des Bituriges Cubes provenant de la région de Bourges. Ils sont installés par Auguste sur le territoire que convoitaient les Helvètes avant la guerre des Gaules.

C’est à la fin du premier siècle avant J.-C. qu’apparaissent les premiers monuments publics en pierre. Très rapidement, ses monuments seront détruits et remplacés par des nouveaux, plus grand. Des éléments architecturaux sont retrouvés en réemploi dans des niveaux archéologiques datés du règne d’Auguste, comme sur le Cours du Chapeau-Rouge. Les grandes artères, decumanus et cardo sont mises en place au début du premier siècle après J.-C. Le même schéma d’aménagement se retrouve dans toute la province d’Aquitaine, à Iluro (Oloron-Sainte-Marie), Mediolanum Santonum (Saintes), Venusa (Périgueux), Aginum (Agen) ou Aquae Tarbellicae (Dax), etc. À partir des années 20-30 de notre ère, toutes les agglomérations d’Aquitaine présentent les caractéristiques des villes « à la romaine », avec les bâtiments publics, des termes, des temples, etc.

Les campagnes sont aussi organisées, avec la création de vastes domaines agricoles : les villas. Plusieurs grandes agglomérations agricoles sont datées des premières décennies de notre ère comme Plassac (Gironde) ou Lalonquette (Pyrénées-Atlantiques).

Le mode de vie évolue avec l’usage de l’écriture, les inscriptions dans la pierre ou les graffitis gravés sur des céramiques se multiplient. La vaisselle de verre apparaît en plus grand nombre, tout comme les céramiques dites « sigillées », importées d’Italie avant la création de grands centres potiers en Gaule : Montans dans le Tarn, la Graufesenque en Aveyron ou Lezoux dans le Puy-de-Dôme.

De nouveaux produits alimentaires apparaissent et les goûts évoluent. Les huîtres sont désormais consommées dans la région, les amphores huilent d’olive arrivent en plus grand nombre, le vin de Tarraconaise (Espagne) remplace le vin d’Italie mais surtout, les Aquitains apprennent à produire du vin.

Même si quelques très rares indices de culture de la vigne existent avant le premier siècle, notamment près d’Agen et de Lectoure, il faut attendre le tournant de notre ère pour voir la vigne apparaître en Aquitaine. Sur le site de Saint-Christoly, au centre de Bordeaux, des ceps de vignes ont été découverts. Daté de la première moitié du premier siècle de notre ère, il témoigne, avec les très nombreux pépins de raisin découvert sur le site de Chapeau-Rouge, que Bordeaux a déjà une place prépondérante dans l’économie du vin. À partir de 50 après J.-C., le vin aquitain est bien connu à Rome où il inonde le marché. Une nouvelle forme d’amphores particulières à l’Aquitaine apparaît vers 60-70 après J.-C. pour l’exportation du vin, définitivement remplacé par le tonneau de bois autour de 140 après J.-C.

 

Source :  Au temps des Gaulois, L'Aquitaine avant César éd. Errance

 

Image : Le Palais Galien de Burdigala.

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27 mars 2013 3 27 /03 /mars /2013 19:30

Les derniers feux de Rome : 340-451

 

À Rome l’usurpation de Magnence (349-353) et de son frère Décence (350-353) provoque la guerre civile et le départ pour l’Italie de nombreuses troupes du front rhénan. Une coalition de Francs et d’Alamans aux ordres de Chnodonar en profite pour253.gif passer le Rhin et écrase les troupes de Décence à Bingen en 352. La région entre Rhin et Moselle est envahie, les coalisés s’installent et déportent en masse les populations gallo-romaines pour cultiver les terres à leur place. Les villes sont démantelées, pillées et laissées à l’abandon. De cette époque datent les trésors de Villing (Lorraine), Mackwiller, Strasbourg-Saint Etienne, et le fabuleux trésor d'argenterie de Kaisers Augst. Beaucoup d’habitants fuient et se réfugient dans les montagnes. En 355, Cologne tombe. Constantin II appelle son cousin Julien (dit « Julien l’Apostat ») pour redresser une situation qui paraît sans espoir.

En 356, une première expédition permet à Julien de battre les Alamans au sud de Brumath. Prudent, il se replie sur Saverne qu’il fortifie. L’année suivante, deux armées romaines, l’une venant d’Augst commandée par Barbation, l’autre venant de Lorraine avec Julien, tentent de prendre la Alamans en tenaille. Barbation est mis en déroute près de Bâle. Tout repose sur Julien. En août, il marche sur Argentorate. Les deux armées se rencontrent entre Mundolsheim et Hausbergen. Longtemps indécise, la bataille tourne à l’avantage des Romains et de leurs auxiliaires Gaulois. Chnodonar est pris en envoyé à Rome où il meurt en prison.

 

La victoire de Julien redonne espoir aux Gallo-romains, d’autant qu’une série d’incursions en Germanie ramène nombre de déportés. Des Germains vaincus sont fixés sur le Rhin et deviennent soldats-paysans (Villages en « Heim » du Kochersberg ?). Julien et ses successeurs réorganisent la défense du pays. Le castrum d’Argentorate est reconstruit et fortifié par une double enceinte. Dans le Haut Rhin, près de Colmar, est érigé l’important fort d’Argentovaria-Horbourg. En 377, Gratien repousse une invasion alamane du côté d’Argentovaria, passe le Rhin et mène la dernière campagne romaine en Germanie.

Mais à partir de 383 de nouvelles guerres civiles affaiblissent l’Empire, dégarnissant les frontières.

 

En 401, Stilichon, un vandale au service de l’empereur Honorius réorganise la défense du territoire : troupes d'intervention à l'arrière et troupes frontalières groupées dans les forteresses et le long des routes stratégiques avec rôle de surveillance et de renseignement. Le système permet d'engager des batailles massives dans lesquelles les Romains sont supérieurs, au lieu de disperser les forces sur toute la frontière.

 

Rien n’y fait : la masse des Barbares, elle-même poussée par les Huns, est impossible à arrêter. Le 31 décembre 406 une véritable trombe ethnique (Vandales, Suèves, Alains, Burgondes) passe le Rhin à Bingen malgré la résistance des Francs fédérés et déferle pendant deux ans sur toute la Gaule. Saint Jérôme en témoigne dans une lettre célèbre à la veuve Ageruchia : « Des nations innombrables et féroces se sont rendues maîtresses de la Gaule... Tournai, Spire, Argentoratum ont été transférés en Germanie... » Les Alamans, succédant aux Vandales de Genseric, s'installent en Alsace. Pour tenter de colmater les brèches du système défensif romain, un commandement, le « Comes Argentoratensis », est créé à Strasbourg, comportant Argentorate, Saletio et Olino. En 443 Aetius réussit à freiner le déferlement des Burgondes en Alsace, en les vainquant et les transférant en Bourgogne.

En 451 Attila traverse le Rhin à Strasbourg et brûle celle-ci comme en témoignent les fouilles de l'église Saint-Etienne, de la ruelle Saint Médard et de la chapelle Saint-Laurent. Il repasse à l'automne après sa défaite des Champs Catalauniques. C'est la fin de la défense de l'Alsace par les Romains, la fin de la Gaule romaine.

 

À suivre...  5/6

 

Source : http://www.encyclopedie.bseditions.fr

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25 mars 2013 1 25 /03 /mars /2013 17:28

Des Sévère à Constantin : 193-337

 

La mort de Commode déclenche une révolte générale dans l’empire. Septime Sévère (193-211) finit par triompher et récompense la Légion VIII pour sa fidélité : Argentorate est repris en main et rénové. On refait la voirie, les places, et la cité est197.jpg décorée par un bon sculpteur à qui l'on doit la « Tête de Caracalla » et la « stèle des quatre dieux » de la place Kléber. L'Alsace connaît une période de grande prospérité.

Les règnes de Caracalla (211-217), Elagabal (218-222) et Alexandre Sévère (222-235) prolongent la période de paix inaugurée par Septime Sévère. Mais l'assassinat d'Alexandre par les légions germaniques entraînent la révolte de l'Alsace et la VIIIè légion est écrasée par les mutin germains aux ordres de Maximin le Thrace, âme du complot : Argentorate, Ehl, Saletio et Saverne sont totalement détruites. Maximin, d’abord légitimé par Rome, lance de victorieuses offensives contre le danger Germain et plus particulièrement Alaman, qui se précise de plus en plus. Il est supplanté en 238 par deux empereurs sénatoriaux, dont Pupien, célèbre à cause de la tête monumentale retrouvée à Eckbolsheim (Musée archéologique).

Pupien règne 4 mois avant d’être renversé et assassiné par la garde prétorienne de Gordien III. S’ouvre alors une nouvelle période de troubles.

 

En 244, année de la mort de Gordien une première incursion de Germains ravage le nord de l’Alsace et détruit Saletio. Entre 258 et 260, Francs et Alamans franchissent le limes de Rhétie et ravagent le Haut Rhin. Le Limes est abandonné et les troupes romaines se replient à nouveau sur le Rhin. Les trésors monétaires et les réfections répétées de routes (milliaires de Seltz) attestent de multiples incursions. Un mouvement d'invasion plus ample encore semble avoir lieu vers 274-275. Il est probable que certaines fortifications ont été élevées ou renforcées à cette époque (Saverne). La légion VIII est transférée en Angleterre. Mais bien qu’il y ait encore des incursions alamanes en 298 puis en 313, le redressement militaire commence dès 284 sous Dioclétien (284-305).

 

Sous Constantin (306-337) la paix est rétablie. Le camp d’Argentorate est reconstruit et fortifié. Une nouvelle muraille est construite, protégeant désormais la population civile. Partout l’activité économique reprend son essor avec la sécurité revenue, pour une période de 40 années.

 

C’est sans doute aussi à cette époque que le christianisme apparaît à Argentorate : sur ses débuts à Strasbourg, on sait peu de choses. Les traditions placent les premiers lieux du culte, soit dans la région de la butte et de la chapelle Saint-Michel, soit sous l'église Saint-Pierre-le-Vieux. En 313, l'édit de Milan établit la liberté religieuse dans l'Empire. Strasbourg, siège d'un évêché, s'affirme comme foyer de rayonnement du culte nouveau, en voie de conquérir l'Occident.

 

À suivre... 4/6

 

Image : Stèle des quatre dieux de la place Kléber à Strasbourg : côté représentant la déesse Junon. IIIè siècle. Strasbourg, musée Archéologique

 

Source : http://www.encyclopedie.bseditions.fr

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23 mars 2013 6 23 /03 /mars /2013 15:42

L'espace rhénan romain.

 

195.jpg La cité, camp et ville civile, est alors relativement bien développée : tout indique qu’elle compte vers 50 autour de 18 000 habitants (importante densité des marques céramiques et transfert du cimetière vers l'ouest à Kœnigshoffen). La population redescend aux alentours de 16 000 âmes après les inondations de la décennie 50-60 et les troubles de 68-70. Cette population est sans doute très hétérogène et multiraciale, étant composée principalement de familles de légionnaires venant de tous les coins de l’empire.

 

Le second siècle : 97-193

 

En 96 Domitien, le dernier empereur Flavien est assassiné par Nerva qui se proclame empereur. Par fidélité aux Flaviens, les Champs Décumates et le nord-est de la Gaule, alliés à la Légion XXI stationnée à Mayence, se soulèvent. Argentorate, Ehl, Saletio, Saverne et Brumath sont détruits.

 

Nommé empereur en 98, Trajan (98-117) rétablit l'ordre et reste deux ans dans les Agri afin de reconstruire la paix. Sa politique de conciliation entre l'armée et le sénat ouvre une période de paix et de prospérité dont bénéficie la région. La légion VIII reconstruit le castrum et le « modernise » ; son enceinte de pierre portée à sa hauteur définitive.

 

La légion ne se contente pas uniquement de l’aménagement du camp fortifié. Elle se consacre aussi alors à de grands travaux d’aménagement, à la production de matériaux de196.jpg construction et à la fabrication d’objets plus modestes. Ainsi, comme l’eau du lieu est peu salubre, la VIIIè construit un aqueduc de 20 km de long entre une source d’eau potable située à Kuttolsheim et le castrum. Cet ouvrage franchit un dénivelé de soixante mètres et dessert, avec une pente régulière de 2%, les thermes légionnaires, les maisons des officiers, les fontaines de la cité. Une tuilerie légionnaire est construite à Strasbourg-Kœnigshoffen et produit plus de 8 500 tubes en terre cuite, chacun mesurant 65 cm de long pour 30 cm de large : ainsi est réalisée la conduite constituée d’une double canalisation.

L’atelier fabrique également des tuiles estampillées pour beaucoup de castra, tout le long du limes (Ladenburg, Saalburg…), pour des villes de la province (Rottenburg, Baden-Baden…), ou des provinces voisines de Germanie inférieure ou Rhétie (Aalen). Elle alimente, essentiellement par voie d’eau, l’ensemble des sites militaires soumis à l’autorité de son légat mais aussi la Gaule, les Pays-bas... Mais l’atelier, situé sous la rue du Schnockeloch et le long de l’actuelle route des Romains, produit aussi de la céramique ordinaire utilisée à Argentorate et dans la région.

 

La VIIIè légion exploite aussi des carrières dans la région : celle de la « Champagnermühle » (grès) près de Reinardmunster qui a livré une inscription « Officina Leg.VIII Aug. », celle du Koepfel dans la région de Mackviller (grès gris), celle du Mont Sainte-Odile (poudingue), celles de granit à Dieffenthal et Scherwiller.

 

Sous Hadrien (117-138), La VIIIè aménage les rives de l’Ill pour installer un port fluvial qui va devenir la clef de la navigation sur le Rhin. Elle contrôle ce trafic comme le laisse supposer la célèbre inscription du légat Oppius Severus, inscription dédiée au « Père Rhin » (« Rheno Patri Oppius Severus Leg. Aug. ») Cette dédicace constitue à ce jour le seul témoignage épigraphique d’un culte rendu au dieu celtique « Père Rhin ». Elle correspond au développement du port et du trafic fluvial destiné à ravitailler le limes de Germanie supérieure. Le dédicant est un légat légionnaire de la VIIIe légion Augusta en poste entre 122 et 134 ; Oppius Severus appartient sans doute à la grande et vieille famille sénatoriale des Oppii d’Auximum (Osimo), la noblesse provinciale du Picenum, qui a donné deux consuls à Rome.

La fin du siècle voit deux époques troublées comme l'attestent les fouilles. La première en 165-170, la seconde en 180-190. Elles sont dues, sous les règnes de Marc Aurèle (161-180) et de Commode (180-193) à des incursions barbares, des guerres civiles et des troubles chez les Séquanes. Le castrum d'Argentorate aurait subi un nouveau siège en 186.

 

C'est aussi à cette époque qu'apparaissent les cultes orientaux, qu’atteste à Argentorate le sanctuaire dédié à Mithra découvert à Kœnigshoffen, et que travaille le « Maître du grand relief de Kœnigshoffen ».

 

À suivre... 3/6

 

Image : L’aqueduc double amenant l’eau de Kuttolsheim à Argentorate. Vue d’un dégagement réalisé en 1930 entre Dingsheim et Oberhausbergen

 

Source : http://www.encyclopedie.bseditions.fr

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21 mars 2013 4 21 /03 /mars /2013 15:08

252 Situation générale du camp.

 

À l’endroit où le Rhin resserre son cours mais tout en étant encore relativement large (entre 3 et 5 km en fonction de ses divagations) et où l’Ill et la Bruche forment un chapelet d’îles au milieu de marécages plus ou moins salubres, les Romains installent sur une terrasse avancée et non menacée par les inondations, en 12 avant Jésus-Christ, sous le règne d’Auguste (27av. – 14 ap JC.) un castrum devant assurer la sécurité sur la frontière nouvellement établie : Argentorate. C’est un détachement militaire venu de Mayence, alors centre militaire de la Germania Superior, l'aile de cavalerie « Ala Gallarum Petriana » qui se charge de construire le camp sous les ordres de Nero Claudius Drusus (38 – 9 avant JC), général en chef des armées du Rhin, qui par ailleurs est chargé de créer d’autres forts tout au long du Rhin (Basileia-Bâle, Cambete-Kembs, Olino-Biesheim, Mons Brisiacus-Breisach, Helvetum-Ehl, Saletio-Seltz…). De cette époque de fondation date la stèle de Mars Loucetius Fittio, cavalier de l'ala Petriana, une des plus anciennes de la vallée du Rhin, trouvée place Saint-Pierre-le-Jeune (vers 10 avant JC).

Le site choisi constitue un nœud de circulation dense grâce aux voies fluviales et terrestres qui y sont nombreuses, même s’il est relativement hostile, car constitué principalement d’une zone inondable et donc propice à l’action de la malaria… Le camp est implanté à l'extrémité de la terrasse lœssique dominant les terrains inondables à la confluence de l'Ill et de la Bruche avec le Rhin. Ce premier camp occupe un espace rectangulaire assez petit, autour de la cathédrale, entouré d'un rempart de terre et de bois que longe un fossé.

Le camp va notablement évoluer au fil des ans et des évènements (il sera détruit et reconstruit 9 fois en 463 ans d’existence), et va déterminer dès son existence toute l’histoire de la ville.


Argentorate, poste frontière.

 

De cette frontière rhénane, les Romains tentent de conquérir la Germanie. Mais en l’an 9 de l’ère chrétienne, les 3 légions de Varus sont défaites par Arminius dans la forêt du Teutobourg : ce désastre rend les Romains prudents. En 10, ils se replient sur le Rhin : la légion II Augusta s’installe à Argentorate et y remplace l’aile de cavalerie. La légion comptant environ 6 000 hommes, la surface du camp est triplée.

Son emplacement est précisément localisé dans « l'ellipse insulaire » formé par l'aménagement des fossés médiévaux entre la place de Broglie, la rue des Arcades, le quai Saint-Etienne et le quai Lezay-Marnesia. Du camp partent principalement deux axes : le premier vers le nord, correspondant à l’actuel faubourg de Pierre ; le second vers l’ouest l’actuelle route des Romains, baptisée ainsi à partir de 1894, suite aux nombreuses découvertes archéologiques qui y ont été faites.

Le camp ressemble à tous les camps militaires romains avec son « decumanus » et son « cardo », ses remparts, son quartier général et ses lieux de culte. Ce camps semble avoir été entouré d’un premier mur ancien (Ältere Mauer), réalisé en partie en basalte.

À l’ombre de ces murs s’installent peu à peu des civils, principalement les familles des légionnaires. Ils s’établissent précisément le long des deux axes nord et ouest, parce que les terrains sont surélevés et donc non inondables...

Sous Auguste, la bourgade aurait compté de 5 à 6 000 habitants, pour la plupart étrangers au pays. La légion devient le centre et le moteur de la vie de la cité, de sa croissance et de son rayonnement artistique.

En 21, alors que règne Tibère (1437) la Gaule se soulève contre Rome ; le vicus d’Helvetum (Ehl près de Benfeld) est détruit, mais Argentorate reste sous la protection de la IIè légion, qui participe à la répression.

En 40, après une nouvelle révolte, partie du Taunus, qui secoue la région (Helvetum est à nouveau incendiée) ; l’empereur Caligula doit intervenir personnellement. En 43, la légion II plie bagage pour partir à la conquête de la Grande Bretagne. Le camp est partiellement désaffecté avant que n’arrive légion IV « Macedonia », suivie vers 48 par la XXIè « Rapax », venant de Vindonissa (Windisch). Elle construit une nouvelle enceinte selon un plan d'urbanisme aboutissant à une voirie structurée et préparant la vocation future à laquelle les militaires romains destinent Argentorate : la clef d'un passage rhénan et un nœud d’échanges entre la Gaule et la partie de la Germanie qui doit être conquise. Les travaux de la légion ont semble t-il étés contrariés entre 50 et 60 par une série d’inondation très importantes ; mais les travaux reprennent et la « Rapax » édifie notamment les thermes de la rue du Dôme entre 54 et 68. Lui succède alors la légion XIV « Gemina ».

C’est alors, en 69 que survient la révolte de Claudius Civilis le Borgne, préfet de cohorte batave, révolte soutenue par une partie des Gaulois et des Germains et qui embrase rapidement toute la vallée du Rhin : Argentorate, Saletio, Ehl, Brocomagus, Tres Tabernae et Olino sont ravagés lors de cette véritable guerre civile de l’« année des quatre empereurs ». La révolte est finalement matée par Vespasien (69-79), qui décide d’agir sur une grande échelle contre les Germains. Il met en chantier une vaste opération destinée à annexer toute la région entre Rhin et Danube et à y former un vaste glacis défensif : les Agri decumates. La conquête est entreprise à partir de 73 par Cnaeus Pinarius Cornelius Clemens. Les champs Décumates conquis, les Romains défendent la Germanie par un rempart continu, le « Limes germanicus ».

 

À suivre... 2/6

 

Source : http://www.encyclopedie.bseditions.fr

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13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 18:39

Au début de notre ère le bain n’est pas un luxe mais un facteur de paix sociale ! Rome a son ministre des Eaux, et les Romains leur paradis : des termes luxueux, véritables concessions faites au peuple par l’empereur. Ces lieux de plaisir ont tout pour heurter l’orthodoxie chrétienne.


Descendant de Romulus, qui fut sauvé des eaux, les Romains ont toujours aimé la nage et le bain. La belle Claudia, Cicéron, n’habite pas au Nord du Tibre que pour séduire les jeunes gens qui s’y baignent ; César traverse les fleuves à la nage ; Néron cède au plaisir sacrilège de plonger dans la source sacrée de l’aqua Marcia ; Sénèque ne renonce que sur ses vieux jours à se jeter chaque année, pour le 1er janvier, dans l’eau de l’aqua Virgo. Toniques et fortifiantes, bonnes pour la santé, surtout quand elle est froide, l’eau apporte également aux Romains l’hygiène et la propreté corporelle. Posséder un balnéaire privé devînt donc que très tôt l’un des signes les plus visibles et les plus recherchés de l’abondance et de la réussite sociale. Ce luxe n’était cependant accessible qu’aux notables enrichis par l’argent des conquêtes. Pour les autres, les plus nombreux, on construisit très tôt des bains publics appelés balnea. Le remarquable succès de ces établissements s’explique par le fait qu’il répondait actes ment à la demande d’une clientèle qui avait besoin d’eau chaude et appréciée en même temps le « coup de fouet » que donne l’eau froide. D’abord sommaires, voire inconfortables, les balnea bénéficièrent avec le temps des progrès du chauffage et de l’alimentation en eau. Ils comportaient tous en effet une salle tiède, ou tepidarium, une salle chaude ou caldarium et une salle froide ou frigidarium. Les étapes du bain se trouvaient donc d’emblée définies : on allait de la salle tiède à la salle froide en passant par la salle chaude. Autrement dit, on se préparait eau tiède, on se lavait au chaud, on se baignait au froid et l’on pouvait prolonger à son gré la durée de chaque étape.

Les balnea restèrent cependant toujours des établissements modestes et s’agrandir plutôt en nombre qu’en superficie : il y en avait 160 à Rome à la fin de la république et près de 1000 au IVème siècle après J.-C. Quand l’horreur des guerres civiles lui prit fin, le nouveau pouvoir - celui d’Octave devenu auguste - compris aussitôt qu’un des meilleurs moyens d’affirmer le retour à la paix sociale, au bonheur et à la prospérité générale, était d’offrir à tous ceux dont les plus nantis étaient encore les seuls à jouir : le plaisir d’avoir de luxe. Agrippa, qui fut entre autres importantes fonctions le « ministre des eaux » d’Auguste, entreprit donc, des 29, la construction sur le Champ-de-Mars d’un nouveau type d’établissement inspiré de ce qu’on trouvait déjà en Grèce et en Italie du Sud. Pour la première fois lors nécessaire était amenée par un aqueduc spécial. Toutes les salles étaient disposées, non plus en ligne, mais en cercle autour d’une vaste rotonde et l’ensemble était installé au cœur d’un parc avec un arc artificiel où l’on pouvait nager en plein air au sortir du frigidarium. Ce n’était donc plus vraiment des balnea. On trouva donc un autre nom, évoquant à la fois la Grèce et la chaleur : les termes étaient nés. Ils connurent immédiatement un succès considérable et bénéficiaire ensuite de l’engouement populaire, de la volonté du pouvoir et des progrès continus de la technique. Rome venait, en fait, de découvrir un autre monde. Il restait à en définir le modèle et ce fut Néron, dans son désir de vie inimitable qui le fixa le premier.249.jpg


Le paradis pour une misère


Les termes qu’il fit construire vers 60, près de ceux d’agrippa, s’étendait sur 3000 m². Néron disparu, ses successeurs s’efforcèrent tout à la fois de bannir sa mémoire et de faire mieux que lui. Après Titus, Trajan éleva des termes qui portèrent à la perfection le schéma Néron le mien desservir désormais de modèles canoniques à toutes les constructions du même genre. La disposition générale était semblable, mais autour du balnéaire, dans l’immense frigidarium était devenu pareil à une basilique, on trouvait maintenant des jardins, des espaces de promenade et de repos, des salles de concert, des portiques et une bibliothèque. Établie sur une surface de 110 000 m², l’ensemble était entouré d’un mur élevé qui viserait du reste de la ville. Les termes étaient devenus comme un monde à part dans lequel s’exposer toute la richesse architecturale et culturelle de l’empire. Le progrès était indéniable et l’ensemble du monde Romains se couvrir de bâtiments semblables dans leur esprit sinon dans leur dimension. À Rome même, Caracalla construisit encore en 217 des termes qui s’étendaient sur 140 000 m², et c’est vers 300 Dioclétien fit élever les plus grands et les plus beaux de tous. Le voyageur qui se rend à Rome par le train arrive à la gare de Termini. Il pourrait se croire au terminus : il est au terme de Dioclétien. Étalé sur une superficie de 150 000 m² et pouvant accueillir 3000 personnes à la fois, il tenait en effet tout l’espace qu’occupe actuellement la place du Quinquecento, la place de la république, l’ensemble du musée national des termes et l’église de Sainte Marie des anges, dans la structure et les imposantes dimensions - sauvegardaient par Michel-Ange à la fin de sa vie - sont toujours celles de l’immense frigidarium centrale. Là où le voyageur attend maintenant son taxi iranien sans cesse autour des termes une extraordinaire agitation. Vendeur de parfums, donc glands, de sandales ou de boissons, militaire en civile, vigiles en patrouille, étrangers venus de tous les coins du monde, intellectuelles et voyous, femme aux allures engageantes ou bande de jeunes gens bruyants, c’était partout des invitations, des sollicitations, des cris, des appels, des odeurs étranges, des relents de tavernes et de cuisine en plein air. On s’approchait de la grande porte, en s’acquitter d’un as - une misère - et l’on entrait. A l’intérieur, c’était un univers de luxe et de beauté : pour quelques heures, on se croyait reçu dans ces palais des rois d’Asie que les Grecs appelaient paradisoi, des paradis. Depuis des siècles le parcours était toujours le même. On se déshabillait dans l’immense vestiaire aux parois de stuc, dans le les murs desquels était aménagé des niches où l’on déposait des chaussures et vêtements. Nu ou presque, chaussé de sandales de bois et prenant garde à ne pas glisser sur les mosaïques et les marbres qui décoraient le sol, on entrait ensuite dans le tepidarium où régnait ordinairement une température de 20 à 30° C pour une géométrie de 20 à 40 %. Dans la chaleur humide, le corps se détendait et s’échauffait, puis commençait à transpirer. On pouvait alors pénétrer dans le caldarium. L’endroit était moins éclairé, moins vaste et la température est montée jusqu’à 40°C. Dans une abside se trouvait une grande baignoire collective, un grand bassin de marbre dont le fonds était tapissé de mosaïques représentant des poissons, des divinités marines ou des monstres marins ; une autre très chaude il tombait en permanence. On n’y accédait en descendant quelques marches sur lesquels on s’asseyait, près de ceux qui s’y trouvaient déjà. Immergé jusqu’à la taille ou jusqu’aux épaules, on est resté aussi longtemps que l’on pouvait. Quand la sensation de chaleur cessait d’être agréable, on allait, à l’autre extrémité de la salle, se rafraîchir à une grande vasque en porphyre qu’une fontaine ornée de griffons alimentait continuellement en eau froide. On restait debout quelque temps près de cette source fraîche en bavardant avec l’un ou l’autre, on se décrassait le corps en le frottant avec un strigile pour enlever sueur et saponaire, et l’on retournait se plonger dans le bassin brûlant. Avant d’entrer, pour finir, dans le frigidarium, les plus sages se ménageaient une transition dans la salle tiède, mais les plus audacieux passaient directement du chaud au froid, de l’eau de la baignoire à celle de la piscine. Au début de leur parcours, les hommes étaient entrés d’un côté du vaste bâtiment, les femmes de l’autre ; ils avaient suivi les mêmes étapes et traverser des salles absolument identiques, les unes à droite, les autres à gauche de la grande pièce centrale où ils se retrouvaient tous pour plonger dans la piscine en plein air. De toutes les salles des thermes, le frigidarium était donc que la plus spacieuse et la plus haute. Il avait l’aspect d’un vaste promenoir, entouré de colonnes en granit rouge et décoré d’œuvres d’art qui en faisait un véritable musée. Tombant des grandes fenêtres haut placées, la lumière du jour et le soleil qui soulignait l’éclat des mosaïques et jouait, dans un brouhaha de rire et de paroles, avec le reflet des marbres colorés. À l’extérieur, dans le prolongement de la salle, miroitaient la grande piscine ; autour d’elle s’est tendait toute une nature arrangée par l’homme, ou la pierre et les statues se mêlaient à la verdure, aux arbres et aux fleurs. Les thermes cependant n’offraient pas que les plaisirs du bain. Avant d’entrer dans la salle tiède, on pouvait déjà s’échauffer dans la palestre en jouant à la balle pour en s’entraînant à la course. Juste après le bain chaud, on pouvait aussi se faire épiler, si c’était nécessaire, ou s’abandonner longuement aux mains expertes d’un masseur. Une fois le corps rafraîchi, c’était encore une autre plaisir de flâner dans les jardins, de s’asseoir, hommes et femmes, à l’abri des tonnelles ou de s’attarder dans les exèdres aménagé pour la conversation. Certains préféraient lire dans la bibliothèque, d’autres écoutaient un concert, et peut-être n’était-il venu que pour cela.

The_Baths_of_Caracalla.jpg                                 Les bains de Caracalla par Sir Lawrence Alma-Tadema

Sexe, culture et oisiveté


Avec leurs annexes et leurs jardins, les thermes n’étaient donc pas seulement des palais de la chaleur et de l’eau : ils étaient aussi des lieux de sport, de rencontrer de culture. Le musée côtoyait le gymnase et les plaisirs du corps, ceux de l’esprit. Chaque jour, et partout dans l’Empire, des milliers de personnes aux origines les plus diverses s’y abandonnaient, dans le luxe et le confort, au plaisir de l’oisiveté. Le soir cependant, quand enfermer les porter qu’on réduisait le feu sans jamais arrêter, chacun devait retrouver sa vraie demeure est sa vraie vie. Pour beaucoup - la plupart sans doute - c’était la pauvreté d’une ou deux pièces insalubres à l’intérieur d’un immeuble instable est toujours menacé d’incendie. Pendant quelques heures pourtant, ils avaient vécu dans l’illusion d’une vie facile et riche. L’infinie sollicitude d’un empereur tout-puissant leur avait donné une part de la splendeur du monde. Entretenu par la présence, à la fin du IIIème siècle, d’établissement si nombreux et si vaste, cette oisiveté quotidienne imposée déjà un problème. Or les termes recevaient ensemble des milliers de personnes. Au milieu d’une telle foule, les étapes du bain pouvaient évidemment devenir toute autre chose qu’un parcours d’équilibres et de santé. Certes, il arrivait parfois qu’on croise quelque notable ou même l’empereur, mais autour des sportifs et des baigneurs ordinaires grouillaient plutôt toute une foule de voleurs, d’escrocs, de séducteur en tout genre et de prostituées des deux sexes. Avec ses vestiaires immenses, ses couloirs mal éclairés, ses recoins, ses coulisses obscurs et c’est salle emplie de vapeur opaque et traversées de traits lumineux, les thermes peuvent alors nous apparaître comme le théâtre de tous les vices : le riche y étale, comme Trimalcion,, sa fortune insolente ; on n’y prépare des affaires ou des assassinats ; les Messalines y rôdent ; les Nérons s’y prostituent ; la pureté des jeunes gens disparaît dans les palestre, l’honneur des femmes dans les salles de massage et l’argent dans les vestiaires. Toutes les vertus semblent ainsi bouillir et s’évaporer dans une marmite impudique sous laquelle brûle sans trêve des feux d’enfer, et l’épaisse fumée qui s’échappe jour et nuit des cheminées sabbats certains jours sur la ville avec une âpre odeur d’incendie de fin du monde.


Des fantasmes inavouables


Le tableau peut paraître forcé. Dès l’Antiquité pourtant s’élevèrent contre les thermes, et les bains en général, des critiques variées et vives. C’est que tout d’abord, les Romains de la République, au contraire des Grecs, étaient de nature pudique et n’aimaient pas se montrer nus, même en famille. Mais comment prendre un bain sans se dévêtir ? Soutenu par le puissant courant de l’hellénisme, la nudité entra donc progressivement dans les habitudes et dans les mœurs. La mixité en revanche ne fut jamais totalement admise. Les chrétiens fulminaient. Quand, avec Constantin, leur pouvoir devint plus fort, ils obtinrent finalement l’interdiction complète des bains…  aux femmes. C’était prendre le problème sous un autre angle et de régler radicalement. On critiquait aussi le luxe insolent des termes et les changements qu’ils apportaient dans le comportement quotidien des Romains. On dénonçait une certaine forme de décadence, celle que produit l’excès de confort quand il abolit les corps est engourdi les arbres. Car c’est bien d’excès qu’il s’agit. On se baignait trop, et à tort et à travers. Chez beaucoup la passion du bain était devenue comme une drogue. Caracalla voulut ainsi que ses thermes fussent ouverts jour et nuit et facilita les choses en faisant éclairer toutes les rues de Rome à grands frais. Ces fantaisies coûteuses et impériales ne sont peut-être que ragots malveillants. Elle donne cependant une image grossie du comportement de gens plus ordinaires et plus modestes. Très souvent, en effet, la frénésie des bains s’associait à d’autres plaisirs qu’on pouvait toujours satisfaire aux thermes ou non loin d’eux. Cette dérive hédoniste et fataliste était manifestement entretenue par un pouvoir soucieux depuis Néron de procurer aux peuples des raisons de croire à son bonheur. L’idée en elle-même était habile et les grands thermes furent un puissant agent de romanisation.

À partir du IIème siècle, en effet, tous les peuples soumis à Rome se mirent à faire, à peu près à la même heure, à peu près la même chose : ils se plongèrent dans l’eau. Les termes diffusaient ainsi chaque jour le même message : ils affirmaient la toute-puissance d’un empereur, maître de l’univers, est capable, en régnant sur la nature et sur les eaux, de répandre en tout lieu le bien-être et les plaisirs. La dérive des plaisirs fut cependant accompagnée d’une dérive du pouvoir. Plus l’empire fut menacé dans son équilibre et plus on construisit de terme. Au Vème siècle cependant, Sidoine Apollinaire célébrait encore la beauté des bains de Narbonne, mais le christianisme évolua vers une ascèse qu’il éloigna des termes au moment même où la religion musulmane, en rendant les ablutions rituelles obligatoires avant la prière, en sauvegardait le principe. Les bains Romains devinrent ainsi les bains turcs, ou hammams, que l’on trouve souvent près des mosquées, dans toutes les villes de l’islam.

À la fin du XIXe siècle, les artistes y trouvèrent un moyen d’illustrer le thème de la décadence romaine, dont on leur avait enseigné qu’elle était exclusivement morale. Avec des images qui n’étaient peut-être que l’expression d’un rêve inavouable, sans doute nous ont-ils transmis une bonne part de leurs fantasmes.

 

Source : Historia Spécial N° 45, article d'Alain Malissard

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28 février 2013 4 28 /02 /février /2013 19:24

Très peu d’éléments antérieurs à la fondation de la ville romaine d’Arausio sont à ce jour inconnu. Le géographe strapontin évoque toutefois dans ces textes que la région était habitée par les Cavares. C’est aux dépens de ce peuple que sera établie la colonie romaine, en 35 av. J.-C. Les terres gauloises sont alors redistribuées à des soldats romains mutinés envoyés en Gaule comme colons : les vétérans de la IIème légion gallique. Suite aux nombreuses guerres civiles précédant cette période, la fondation de la colonie gallo-romaine instaure la paix et la fidélité des tribus gauloises envers l’empire romain.

Sous le règne d’Auguste, la ville d’Arausio s’est développée suivant le plan en damier partout adopté dans le monde romain. La ville s’est structurée à partir de deux axes perpendiculaires : du nord au sud, la ville était traversée par le cardo maximus et, d’est en ouest, par le decumanus maximus. Puis, avec un instrument d’arpentage, on délimitait des parcelles carrées de 710 m de côté (les centuries), elles-mêmes divisées en trois lots. Ce sont ces lots qui étaient attribués aux colons. Dans ce schéma urbain s’intégraient divers monuments et comme toute ville d’une certaine importance Orange avait plusieurs temples au pied de son capitole, un gymnase et des termes dont on ne connaît pas l’emplacement avec certitude. À l’ouest de la ville s’élevait un amphithéâtre que les archéologues ont identifié par ces vestiges. Hormis le temple tous ces édifices publics ont disparu.


Le temple.


Il mesurait 24 m sur 35 m et comportait une salle basse et un podium. La salle était entourée par une grande plate-forme dallée, qui supportait 30 autres colonnes plus larges et plus hautes. Pour parachever l’ensemble, un portique semi-circulaire composé deorange temple cinquante-deux colonnes encastrées entourait le temple. Des gradins du théâtre, on pouvait accéder au Capitole et au temple intermédiaire par une rampe d’accès encore visible à ce jour. On s’y rendait par un grand escalier et deux autres, plus petit, permettait de monter la colline conduisant au Capitole.

Une sorte de rue dallée, large de 7 m, séparait le temple du théâtre. Des passages permettaient de communiquer entre les deux édifices, en particulier par une entrée monumentale qui permettait l’accès au forum.

Étant donné l’état des vestiges de cet ensemble monumental, il est très difficile aujourd’hui de déterminer les fonctions des édifices. Les archéologues ont pensé autrefois qu’il s’agissait de restes d’un cirque ou d’un stade. Cette hypothèse, démesurée vu la taille de la ville, a été par la suite abandonnée. On suppose aujourd’hui que le théâtre, associé au temple, formaient un augusteum, ensemble consacré au culte impérial, vraisemblablement prolongé par un forum.


L’Arc de Triomphe.


Il reste à orange, avec le théâtre, un autre magnifique témoignage de la grandeur romaine : l’Arc de Triomphe. Édifiée sous l’empereur Tibère, c’est un monument commémoratif à la gloire des vétérans de la IIème légion gallique, fondateur de la ville.

Situés à l’extérieur des murs d’enceinte de la ville antique, sur la voie d’Agrippa, l’arc de triomphe marquait le passage de la campagne à la ville.

Haut de plus de 19,20 m il était semble-t-il surmonté d’imposantes statues. L’art que ce composé de trois passages voûtés : une grande arche au centre et deux petites de chaque côté. Chaque façade était richement décorée, de colonnes mais aussi de panneaux sculptés représentant des armes, des trophées ou encore des scènes de combat et des dépouilles navales.Arc_de_Triomphe_d-Orange.jpg

L’arc fut ensuite abandonné jusqu’au XIIIe siècle où Raymond des Baux, prince d’Orange, s’en servit comme ouvrage de défense avancée.

Tout comme le théâtre, il fut restauré dès 1824, sous la direction de l’architecte A. Caristie.


Le cadastre.*


On ne pourrait évoquer la ville d’Orange sans parler de son cadastre romain. Les fouillescadastre Orange B-1 ont mis au jour plus de 400 fragments de marbre constituant trois cadastres, appelé A, B et C. On y trouve représentés les cours d’eau, les fossés, les chemins, les voies romaines ainsi que le quadrillage qui structure la ville. Une inscription découverte près des fragments exprimait la volonté de l’empereur Vespasien (60 - 79 après J.-C.) de remettre de l’ordre dans l’état des propriétés des colons de la IIème légion gallique. Cette motivation a sans doute initié l’élaboration de ce cadastre, unique en son genre.

 

* Tout savoir sur la cadastre d'Arausio ici

 

Source : Orange, Vaison-la-Romaine, Jacques Martin - Alex Evang. Collection Les voyages d'Alix

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20 février 2013 3 20 /02 /février /2013 18:01

20 février 197, bataille de Lugdunum (Lyon)

 

Après la mort de l'empereur Pertinax en 193, une lutte s'engage pour sa succession. L'empereur de Rome, Didius Julianus, doit faire face à un prétendant, le commandant des légions pannoniennes Septime Sévère. Avant d'aller à Rome, Sévère fait alliance avec le puissant commandant des légions de (Grande)Bretagne, Clodius Albinus. Après avoir éliminé Didius en 193, Pescennius Niger en 194, Sévère accorde à Albinus le titre de César en avril 194, puis le prend comme collègue pour le consulat de l'année 194. Mais après une campagne en Orient en 195, Sévère attribue à son fils le titre de César. Cette nomination entraîne la rupture de son alliance avec Albinus qui est déclaré ennemi public par le Sénat.Septimius_Severus.jpg                                                             Septime Sévère

En 196, après avoir été acclamé empereur par ses troupes, Clodius Albinus marche sur la Gaule. D'après l'historien Dion Cassius, jusqu'à 150 000 hommes prennent part à l’affrontement dans chaque camp. Ce nombre est très probablement exagéré car cela signifierait que près des trois-quarts des troupes de l'empire romain de l'époque y auraient participé. Il est néanmoins vraisemblable qu'Albinus emmene alors tous ses effectifs de Bretagne, soit trois légions et des troupes auxiliaires. De Gaule, il envoie des messagers demander des subsistances et de l’argent. Il installe son quartier général à Lugdunum, incorporant la XIIIe cohorte urbaine qui servait de garnison dans cette capitale provinciale. Il y est rejoint par Lucius Novius Rufus, le gouverneur de Tarraconaise et par la VIIe légion Gemina.

Durant l’année 196 les escarmouches se succèdent dans différents secteurs. Albinus attaque les forces de la province de Germanie dirigées par Virius Lupus. Il les bat mais cette victoire n'est pas suffisante pour convaincre ces troupes de leur intérêt à changer de camp. Albinus envisage alors d'envahir l'Italie, mais Sévère qui a prévu cette éventualité a renforcé les garnisons protégeant les cols alpins. 

Durant l'hiver 196-197, Sévère rassemble ses forces le long du Danube et marche vers la Gaule, où, à sa grande surprise Albinus dispose de troupes équivalentes aux siennes. Les deux armées s'affrontent d'abord à Tinurtium (Tournus), où Sévère bien que vainqueur ne peut obtenir une victoire décisive.Clodius_Albinus.jpg                                                        Monnaie de Clodius Albinus

L'armée d'Albinus fait retraite vers Lugdunum et celle de Sévère la suit. La bataille frontale et décisive commence le 11e jour avant les calendes de mars (19 février 197).  D’après tous les narrateurs, l’issue de la bataille est longtemps incertaine. Selon Dion Cassius l’aile gauche d’Albinus finit par plier et se retir dans son camp. Elle est alors immédiatement attaquée par les soldats de Sévère. De l'autre côté, l’aile droite feint une attaque pour lancer ses traits, suivie d’un repli et attire les sévériens dans un secteur piégé de tranchées dissimulées où ils tombent en désordre et commencent à se faire massacrer. Sévère intervient avec ses prétoriens, mais tombe de cheval, frappé par une balle de fronde en plomb selon l’Histoire Auguste. Se relevant il déchire son manteau impérial, tire son épée et se jetant parmi les fuyards parvient à les arrêter et à les ramener au combat. Hérodien donne une version moins glorieuse : l’armée d’Albinus est en train de l'emporter dans le secteur commandé par Septime Sévère, qui en se repliant tombe de cheval et doit abandonner son manteau impérial pour n’être pas reconnu.

Le cours de la bataille est boulversé par l’intervention décisive de la cavalerie de Laetus qui contre-attaque de flanc les troupes d’Albinus. Celles-ci se croyant victorieuses ne sont plus en ordre de bataille et se débandent après une brève résistance. Les troupes de Sévère les poursuivent jusqu’à Lugdunum (Lyon) et les massacrent dans le cul-de-sac que constitue le confluent de la Saône et du Rhône. Hérodien et Dion Cassius insinuent tous deux que Laetus aurait attendu pour intervenir que l’affaire tourne mal pour Sévère, dans l’espoir de se faire proclamer empereur à sa place.

Le bilan de la bataille est inconnu, les auteurs évoquent de lourdes pertes de part et d’autre, mais aussi des prisonniers et des fuyards. Dion Cassius décrit le classique tableau des champs de bataille : plaine couverte de cadavres d'hommes et de chevaux, ruisseaux de sang qui coulent dans les fleuves. Tertullien, écrivain africain contemporain des faits, se fit l’écho du massacre, en datant un de ses écrits du temps où « le Rhône n’avait pas eu le temps de laver ses rives ensanglantées ».

Le sort exact d'Albinus n'est pas connu, car les auteurs divergent. Aurelius Victor, auteur tardif, mentionne laconiquement qu’il est tué près de Lyon. Dion dit qu’il se réfugie vers Lugdunum où il se suicide. Sévère le fait décapiter et fait disperser le reste de son corps. Selon Hérodien, les soldats de Sévère le capturent dans Lyon et le décapitent. L’Histoire Auguste rapporte diverses issues : suicide, tué par ses soldats, ou frappé par un de ses esclaves et trainé mourant devant Sévère. Toujours selon l’Histoire Auguste, Sévère aurait fait piétiner son corps par son cheval, l’aurait laissé exposé plusieurs jours, puis l’aurait fait déchiqueter par des chiens et jeter les restes dans le Rhône. En revanche, tous les auteurs s’accordent pour indiquer que la tête d’Albinus fut envoyée à Rome afin d’y être exposée en guise d'avertissement.

La ville de Lugdunum fut quant à elle livrée au pillage des soldats vainqueurs et incendiée.

L'archéologie situe la bataille vers la place Sathonay, à Lyon, quartier au pied de la colline de la Croix-Rousse et proche de la Saône.


À la suite de ce conflit, le pouvoir de Septime Sévère est définitivement établi. La répression frappe en Gaule et en Espagne ceux qui ont aidé Albinus, à Rome les sénateurs qui l'ont soutenu, trahis par les lettres saisies dans les archives d’Albinus.

La XIIIe cohorte urbaine basée à Lugdunum et dispersée dans la bataille ne fut pas reconstituée. Sévère remplaça cette garnison par des détachements prélevées sur les quatre légions du Rhin, récompensant leur fidélité par des affectations de tout repos.


Divers objets militaires trouvés sur site sont présentés dans le Musée gallo-romain de Fourvière : armes blanches, balles de fronde en plomb, cotte de mailles...

 

Sources : Dion Cassius, Histoire Romaine Gallica.bnf.fr  _  Anonyme, Histoire Auguste -Vie d'Alexandre Sévère Wikisource.org  _  Hérodien, Histoire des empereurs romains de Marc-Aurèle à Gordien III Wikisource.org

 

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7 février 2013 4 07 /02 /février /2013 19:52

VI. DES CONDITIONS DES VOYAGES : SÉCURITÉ ET VITESSE.

 

Les empereurs n’ont point fait de très grands frais pour assurer la police de ces routes : il leur importait d’abord qu’elles fussent ouvertes à leurs soldats, et contre voleurs ou brigands les soldats se défendaient eux-mêmes. Ils ne pensèrent jamais à les doter d’une garde spéciale, analogue à l’ancienne maréchaussée ou à la gendarmerie actuelle : les seules troupes de ce genre que nous trouvions en Gaule sont des corps de police rurale entretenus par les municipalités avec l’assentiment de l’État. Quand elles ne suffisaient pas à la protection des routes, celui-ci recourait à ses troupes de ligne, et établissait des camps ou des postes aux principaux carrefours[81].

 

Dans l’ensemble, les routes de la Gaule étaient plus sûres que celles du reste de l’Empire. Il y avait bien de temps en temps, et plus souvent que nous ne pensons[82], des coups d’audace, des attaques à main armée, des convois enlevés, des voyageurs laissés morts sur la place[83]. Mais la Gaule romaine ne nous offre point de ces sinistres récits de brigands ou de chauffeurs[84] analogues à ceux de la France d’autrefois. Remarquez qu’ils ne sont point rares dans l’Empire, en Afrique, en Grèce, en Italie même : la littérature d’imagination, romans et nouvelles, vivait alors en partie d’histoires de voleurs ou de bandits, filles enlevées ou voyageurs détroussés[85], et, dans la réalité, des bandes opéraient parfois jusqu’aux portes de Rome, tenant tête aux prétoriens eux-mêmes[86]. L’Empire était un corps à la fois très puissant contre les ennemis du dehors et très faible contre ceux du dedans ; à côté d’une organisation très savante, il présentait d’extraordinaires négligences d’entretien. Ses armées commandaient au monde, et les bandits infestaient ses routes.

 

La Gaule, du moins à notre connaissance, demeura plus souvent indemne de ce fléau. Ce fut d’ailleurs le mérite du pays plutôt que du prince : la misère y était moins grande, les mœurs plus douces, le sol mieux cultivé, l’activité plus régulière que dans les autres provinces : les routes se garantissaient elles-mêmes par leur propre mouvement[87].

 

D’anciennes entraves habituelles en disparurent sous le nouveau régime. On ne payait de droit de douane qu’aux frontières du pays, aux Alpes, aux Pyrénées ou dans les ports. À l’intérieur, sauf quelques péages inévitables, on ne rencontrait plus que les octrois municipaux, exigés aux limites des cités : mais, étant donné que ces cités avaient de très vastes territoires, d’ordinaire égaux ou supérieurs à nos départements, la perception de ces droits locaux n’arrêtait le voyageur qu’à de longs intervalles, une ou deux journées de marche[88].

 

Faites de pierre et de mortier, les routes ignoraient les fondrières et les cassures imprévues ; bâties presque toujours sur haut terrain, l’inondation ne les atteignait pas, et si la poussière y devait être fort gênante[89], elle n’était pas de nature, comme la boue, à alourdir la marche[90].242.jpg

 

Le principal retard y venait, on l’a vu, du passage des grands fleuves. Mais d’autres avantages compensaient ce retard et excitaient à la vitesse, et surtout l’avantage de la direction en droite ligne.

 

Sans doute, pour maintenir la ligne droite, les côtes étaient souvent fort pénibles, la pente atteignait parfois et dépassait même dix pour cent[91]. Mais les hommes et les bêtes de ce temps n’avaient pas encore perdu l’habitude des plus rudes montées ; et grâce à ces ascensions franches des chemins de crête, aux rapides descentes qui s’ensuivaient, la voie romaine rachetait un peu plus d’effort par un bon gain de temps.

 

L’hiver n’empêchait pas les voyages, pas même par les cols des plus hautes Alpes : c’est en janvier ou février que l’armée de Vitellius traversa le mont Genèvre et le Grand Saint-Bernard[92]. Il est vrai que tout était préparé, dans le voisinage des sommets, pour aider les voyageurs : temples qui servaient d’abris[93], guides du pays[94], attelages de renfort[95], et, le long des chemins, de hauts poteaux qui, émergeant de la neige, marquaient la direction à suivre[96].

 

De là, en dépit de tous les ennuis, des voyages d’une extrême rapidité, je parle de voyages à cheval, avec changements de monture à de nombreux relais. En 68, un courrier impérial mit sept jours pour aller de Rome à Clunia en Espagne, soit deux cent cinquante à trois cents kilomètres par vingt-quatre heures, plus de dix kilomètres à l’heure en vitesse commerciale. Et cet exemple et d’autres montrent que les routes romaines avaient été faites pour permettre à l’être vivant d’y développer son maximum de force et d’énergie : car, au delà de ces chiffres, rien n’est possible à l’homme ni à la bête.

 

Il faut cependant ajouter que ces chiffres furent près d’être atteints, sur ces mêmes routes, dès l’époque gauloise : César ou ses messagers y circulèrent presque aussi vite que les courriers des empereurs[97]. Tout en admirant l’œuvre romaine, n’oublions pas que la Gaule libre l’avait, par son travail, plus qu’à demi préparée.

 

Camille Jullian - Histoire de la Gaule, Tome V.

 

[81] Encore avons-nous remarqué que ces postes n’ont pas été permanents, et qu’il n’est pas prouvé qu’ils aient réellement fait fonction de police ou de gendarmerie ; le texte de Suétone, Tibère, 37, rend cependant la chose vraisemblable.

[82] Voyez les brigandages sous Commode, et peut-être aussi sous Marc-Aurèle et sous Antonin.

[83] Inscription de Lyon (XIII, 2282) : a latronibus interfecto ; autres morts de ce genre, XIII, 3689, 6129 ; même un soldat (Autun, XIII, 2667).

[84] Sauf sous Commode, et sans parler des temps troublés du IIIe siècle.

[85] Cf. Marquardt, Privatleben, p. 165.

[86] Dion Cassius, LXXVI, 10 ; Suétone, Tibère, 37.

[87] Je répète que tout cela a changé depuis Marc-Aurèle.

[88] Sauf exceptions, la diagonale des territoires municipaux dépasse 25 milles, et de beaucoup. Je ne peux croire un seul instant que la question des droits à payer ait pu entraver la circulation. Dans certains cas, l’État permettait sans doute de ne dédouaner qu’au lieu de destination (à Lyon).

[89] Sidoine, Ép., VIII, 12, 1 (sur la route de Bazas à Bordeaux, lorsque soufflait le vent du sud, Bigerriens turbo).

[90] Ajoutez, pour protéger la route, les précautions extrêmement nombreuses prises par l’État contre les empiétements des particuliers, les dégradations du fait des riverains, etc. ; Digeste, XLIII, 7 et 3.

[91] Constatations faites sur la route du col de Roncevaux (Colas, p. 18-9) et ailleurs.

[92] Voyez le voyage de Sidoine (Ép., 1, 5) : facilis ascensus.... cavatis in callem nivibus. Traversée des Alpes en mars. Ennodius, Vita Epiphani, p. 369, Hartel.

[93] Au Grand Saint-Bernard, le temple de Jupiter Pœninus, C. I. L., V, 6863 et s. ; cf. en dernier lieu l’article Pœninus dans le Lexikon de Roscher (Ihm). Au Petit Saint-Bernard, Pétrone, Sat., 122, 146. Il est vrai qu’il n’est pas dit nettement que ces lieux sacrés pouvaient servir d’hôtels ou d’abris : mais cela me parait aller de soi ; il fallait bien remiser les attelages et abriter les cantonniers chargés d’ouvrir les chemins de neige.

[94] Ammien, XV, 10, 5, locorum callidi.

[95] Attelages de bœufs pour ralentir la descente : pleraque vechicula vastis funibus inligata pone cohibente virorum vel boum nisa valido (Ammien, XV, 10, 4).

[96] Eminentes ligneos stilos per cautiora loca defigunt (Ammien, XV, 10, 4).

[97] Et peut-être même plus vite. Je parle des courriers à cheval, et non des crieurs de messages, qui envoyaient d’ailleurs les nouvelles à une vitesse, soit de 13 à 14 km, par heure, soit même de près de 20 km.

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