Fluctuat nec mergitur… « Flotte, mais ne coule pas. » Une maxime que son armateur aurait dû inscrire aux flancs de ce navire romain. Parce qu’il ne le fit pas ou parce que Mercure, dieu du commerce l’abandonna, son bateau fut englouti dans le port antique d’Arles (France). Deux mille ans plus tard, cette coquille de noix va être sauvée des eaux. Découvert en 2004 par huit mètres de fond dans le lit du Rhône, il s’agit « du seul bateau romain complet qu’on connaisse », dixit Claude Sintes, directeur du Musée Arles Antique. Une nouvelle trouvaille majeure après un buste remonté en 2007, seule représentation contemporaine de César identifiée comme telle.
Le bateau fatal pourrait être un fabuleux révélateur de la vie quotidienne des Gallo-Romains : « A bord on a retrouvé des cordages, la cuisine des marins, avec son four, la vaisselle gravée à leurs noms, des outils comme une houe, une serpette et tout son chargement : 27 tonnes de pierres taillées destinées à la construction ! » Pour une raison inconnue, le bateau a coulé comme un bloc et s’est enfoncé dans le limon du fleuve, qui a permis sa conservation. Aux sédiments fluviaux sont venus s’ajouter des milliers d’amphores, de poteries, de céramiques et d’objets usuels, jetés par les habitants dans le fleuve entre le Ier et le VI e siècle. Cet énorme dépotoir de près de 3 mètres de hauteur a formé une gangue protectrice durant près de 2 000 ans. Déjà fouillée à trois reprises en 2008, 2009 et 2010, cette couche, qui pourrait renfermer plus de 2 000 amphores et quelque 10 000 céramiques, a déjà livré des trésors comme un lustre à 20 becs, un service quasi-complet en bronze, et même le dé pipé d’un tricheur !
La découverte de ce site exceptionnel offre aussi des informations précieuses sur les circuits marchands au temps de la Pax Romana, établie par le glaive et le négoce. Elle « permet de comprendre les réalités du commerce fluvial et grâce au mobilier retrouvé, d’avoir une photographie des échanges maritimes entre l’Europe du Nord et le bassin méditerranéen jusqu’au VIe siècle ». Pour rendre possible ces révélations, archéologues et plongeurs ont commencé à dégager l’épave, remontant chaque jour des centaines de poteries. L’épave sera ensuite découpée en une dizaine de tronçons qui, une fois remontés, subiront un traitement résineux puis une lyophilisation (extraction de l’eau). Les vestiges de la barge romaine seront exposés en 2013 au musée départemental Arles Antique.
Source : Monnaies & Détections N° 59 - Midilibre.fr