Magnus Felix Ennodius ou saint Ennode de Pavie fut évêque de la ville lombarde. Issu d'une famille arlésienne, il fut poète, écrivain, conférencier ; ses œuvres et ses lettres sont une source importante pour connaître certains aspect de le vie au sein de l'empire romain au Ve et VIe siècles.
Voici deux lettres écrites par Ennodius. Traitant d'un sujet d'une grande importance (le mariage), ces correspondances nous plongent dans la vie quotidienne des gens de cette époque.
ENNODIUS A LACONIUS.
Cause matrimoniale : une nièce d’Ennodius est demandée en mariage, en Bourgogne, par un de ses parents à un degré éloigné. Instruit de ce cas et consulté par Laconius, ministre de Gondebaud, Ennodius, bien que persuadé qu’à ce degré de parenté le mariage soit licite, en réfère au pape, dont il transmettra la décision.
Bene cupitis superna dispensatio dedit effectum, et de negotiosi occasione colloquii fraternam refovens diligentiam, quod putabatur necessarium, fecit optabile. Hinc cœlestis cura nepti meæ procum non omnino a sanguine nostro peregrinantem jussit accedere: ut dum consulendi instat opportunitas, sancto amori pabula præstarentur. Vix sustinebam, fateor, procurati studia longa silentii: sed interpres mitior putabam applicandum timori quod subducebatur affectui. Deo gratias qui ad usum styli fraternitatem vestram reduxit et gratiæ. Divinis tamen legibus cognationem indiculo comprehensam in matrimonio licere sociari, sine dubitatione noveritis. Sed continuo ad urbem Roman homines meos dirigo, exacturus a venerabili papa super hac parte responsum, ut animum vestrum potioris præcepti firmet auctoritas.
Domine, ut supra, salutationem plenissimam accipientes, sanctum quoque et communem patrem parilis noveritis esse sententiæ: cujus ad vos per hominem meum, si divinus favor annuerit, cum sedis apostolicæ apicibus litteras destinabo.
La divine Providence donne satisfaction à nos légitimes désirs et voici qu’à l’occasion de rapports d’affaire, elle ravive la fraternelle amitié qui nous lie. Ainsi ce qui pourrait paraître imposé par les circonstances, se trouve répondre à nos plus vifs désirs. Donc le ciel a voulu que ma nièce fut demandée en mariage par un prétendant qui n’est pas tout à fait étranger à notre consanguinité, pour que l’obligation où vous vous trouvez de prendre conseil, fournit à notre sainte amitié un aliment. Je supportais avec peine, je l’avoue, le long silence que vous vous imposiez, mais j’avais l’indulgence de penser qu’il fallait mettre au compte de la crainte ce qu’y perdait l’affection. Grâces à Dieu d’avoir ramené votre fraternité à m’écrire, et à me témoigner sa bienveillance. Or soyez assuré que les lois divines tolèrent, dans le mariage, le degré de parenté marqué dans la table que vous m’adressez. Toutefois, je fais sans retard partir pour Rome des exprès, chargés de demander sur ce point l’avis du vénérable pape. Votre conscience sera pleinement rassurée par l’autorité de cette souveraine décision.
Recevez, mon cher Seigneur, comme précédemment, mes salutations les plus cordiales, et croyez bien que notre saint et commun Père émettra un avis conforme au mien. Si le ciel nous fait la faveur d’en recevoir une lettre, je vous l’enverrai par mon exprès, avec le rescrit du siège apostolique.
ENNODIUS A MAXIME SÉNATEUR.
Cette lettre fut écrite avant la 23e du VIIe livre qui a trait également au mariage de Maxime (aucun lien avec la précédente lettre). Ennodius malade ne pouvant y assister, envoie au futur époux l’expression de ses vœux.
Bene disponantur superno vota nostra judicio. Ipse ad nuptias tuas veniat, qui primo parenti, dum adhuc nativa immortalitate gauderet, supernæ benedictionis munus indulsit. Faciat tibi Christus noster nec custoditæ integritatis fructum perire, nec munera nuptiarum. Sic virginitas prosit ad sobolem, ut castitati tuæ fecunditas nihil decerpat: et miro dispensationis arcano, nec sæculo, dum pater es, pereas, nec Dei gratiæ, dum pudicus. Veniat super te quod Isaac juniori filio pie inductus optavit. Illis domum socrus auspiciis uxor intrœat, quibus ad Tobiæ penetralia nurus accessit, sit tibi causa perfectæ dilectionis in conjuge, in te virginitas custodita. Solam illam deputatam tibi noveris, cui te quasi non esses, ex mundi fæce servasti. Ecce quia venire non potui, oratione non desum. Domine mi, spero ut, honore salutationis accepto, quæ a me directa sunt, dignanter accipias.
Que vos vœux trouvent dans le conseil divin un favorable accueil; qu’à vos noces vienne Dieu lui-même qui accorda au premier père, encore en possession de l’immortalité originelle, la faveur de sa bénédiction. Daigne notre Christ vous accorder de ne perdre ni le fruit de la vertu que vous avez gardée, ni les avantages des noces. Qu’ainsi la virginité tourne à l’avantage de la famille, et que votre chasteté n’y perde rien ; par un dessein admirable de la Providence, le siècle ne perdra rien en vous, puisque vous serez père, ni la grâce divine, puisque vous serez pudique. Obtenez ce qu’Isaac, pieusement sollicité, souhaita à son fils le plus jeune. Que votre femme entre dans la maison de sa belle-mère sous ces mêmes auspices qui accompagnèrent au foyer de Tobie sa belle-fille. Trouvez en votre épouse le motif d’un amour parfait et qu’elle le trouve en vous dans la virginité si fidèlement gardée. Croyez que celle qui vous est choisie est l’unique à laquelle, comme si vous n’étiez pas de ce monde de corruption, vous vous êtes gardé. Je n’ai pu venir, mais je suis présent par la prière. Je vous salue et j’espère, cher seigneur, que vous daignerez agréer mon envoi.
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