On pourrait décrire le terroir de Lutèce, le Paris antique, d'après sa diversité : des prairies, des zones humides, des collines et des forêts. Ce paysage varié et accueillant, au climat tempéré humide, était très proche du milieu actuel, avec un couvert arboré clairsemé aux abords de la Seine et plus arbacé sur les pentes sud de la montagne sainte Geneviève. D’un point de vue hydrologique, toute une série de rivières, dont l’Yonne et la Marne, convergeaient en amont de Lutèce pour y former un grand fleuve, la Seine, aux berges inondables et marécageuses. Une rivière plus petite, la Bièvre, aujourd’hui disparue dans les égouts parisiens, présentait au sud-est un cours étroit et inégal, bordé de falaises, riche en carrière de pierres, tandis que sur la rive gauche, des lieux de sources, comme celle de la place de la Sorbonne fournissaient les ressources en eau. Ce site avantageux a fourni aux habitants des matériaux de construction à extraire des différentes couches de terrains et de l’eau dans ses nappes souterraines. Le développement qui s’opère quelques années avant notre ère, sous le règne de l’empereur Auguste, a privilégié la rive gauche, sur un site sans doute déjà occupé par le peuple gaulois des Parisii dans la seconde moitié du 1er siècle avant notre ère. La nouvelle ville s’est établie sur un lieu dégagé, de faible altitude, la montagne Sainte-Geneviève. Cette colline qui culminait à 56m au-dessus du niveau de l’eau se présentait comme un plateau aux pentes assez raides. Elle présentait l’avantage d’un lieu sain éloigné des marécages mais débouchant sur le gué naturel qui permettait le passage sur l’île de la Cité et la rive droite puis, plus loin au nord, l’accès au pas de la Chapelle, petit col entre les collines de Montmartre et de Belleville.
Un chapelet de monceau et d’îles formait autant de ponts naturels mais peu stable entre les deux rives ; l’île de la Cité était aussi constitué à l’origine de trois monceaux séparés par des petits chenaux. La rive droite de la Seine se présentait sous la forme d’une plaine alluviale limitée au nord par une série de hauteurs, Auteuil, Chaillot, l’Etoile, Montmartre, Belleville, Ménilmontant et les Buttes-Chaumont. Cette plaine devait être encore parcourue par un petit cours d’eau dont le tracé perpétuait celui d’un ancien bras de la Seine qui coulait en contrebas des reliefs tertiaires et qu’empruntent aujourd’hui les Grands Boulevards. Plus proche des berges de la Seine, des monceaux peu élevés subsistaient, dont l’un, le monceau Saint-Jacques (à l’emplacement de la tour actuelle du même nom), face à l’île de la Cité, permettait au cardo (axe nord-sud principal de Lutèce) de poursuivre sa route vers le nord. Des vestiges antiques y on été mis au jour sur une superficie réduite aux abords immédiats de la route, entre la berge de la Seine et l’actuelle place Beaubourg.
Lutèce, favorisée par sa situation au croisement d’un fleuve navigable et d’une route terrestre très ancienne, s’est installée sur le sommet et les versants du plateau de la montagne Sainte-Geneviève, en pente en direction de la Bièvre et surtout de la Seine.
La ville du 1er siècle après Jésus-Christ est d’aspect encore très gaulois : elle est couverte de maison en torchis et à toit de chaume. Elle s’étend très largement sur tous les versants de la colline, jusqu’au quartier du Luxembourg et à la rue Monsieur-le-Prince vers l’ouest, jusqu’à la Bièvre vers l’est et avant le Val-de-Grâce au sud. Au nord, la zone de marécages limite la ville de la rive gauche aux environs du boulevard Saint-Germain. Elle garde la même superficie jusqu’au Bas-Empire, correspondant, schématiquement, au 5è et à une partie du 6e arrondissement actuel.
A partir de la fin du 1er siècle apr. J.C., si les zones artisanales se concentrent sur la périphérie de Lutèce, près des axes sud et sud-ouest d’entrée dans la ville, les habitations et les commerces s’établissent un peu partout dans la ville sans qu’on observe de répartition des activités. En revanche, c’est clairement sur le versant nord de la colline qu’ont été bâtis les grands monuments civils de Lutèce, le forum, les thermes de Cluny et du collège de France et le théâtre. Les urbanistes de l’époque ont choisi pour l’édification des « arènes » un lieu un peu en dehors de la ville sur le versant le plus escarpé de la Bièvre afin de profiter de sa déclivité naturelle. « Parure monumentale » destinée à être vue de la Seine, le paysage urbain de Lutèce se déployait en étages sur la montagne Sainte-Geneviève, offrant de haut en bas les grands monuments symboles de la romanité et de l’adhésion aux valeurs de l’Empire.
Le plan d’urbanisme de la ville reposait sut l’implantation de ce que le Romains nommaient le « cardo maximus », c’est-à-dire le principal axe nord-sud d’une fondation urbaine. A Lutèce, cette voie a donné naissance aux actuelles rue Saint-Martin, sur la rive droite, rue de la Cité sur l’île du même nom, et rue Saint-Jacques sur la rive gauche. Le cardo constituait plus largement une route permettant de franchir la Seine, faisant en partie de Lutèce, une ville-pont. A partir de cet axe et de voies décumanes (orientées d’est en ouest suivant le décumanus romain), comme la rue des Ecoles ou la rue Pierre-et-Marie-Curie, un quadrillage théorique de la ville a sans doute servi de base aux premiers tracés de rues. Cependant si le système orthogonal est attesté dans le centre urbain, principalement autour du forum, des thermes de Cluny et du théâtre, l’ensemble des rues de Lutèce en forment une adaptation libre, modelée par des contraintes topographiques ou par le respect d’axes de circulations gaulois qui ont dû persister.
Source : Construire à Lutèce, éd. Paris musée