I. Causes et caractères des persécutions.
1. Causes des persécutions.
L’empire romain s’était montré très tolérant pour les cultes des nations vaincues. Agrippa avait d’ailleurs élevé à Rome un temple à tous les dieux (Panthéon).
Bien que très exclusif et ennemi des religions païennes, le judaïsme resta toléré parce qu’il n’était pas conquérant.
D’abord confondu avec lui par les autorités civiles, le christianisme jouit de la même tolérance. Il était persécuté seulement par les Juifs. Mais bientôt, on remarqua qu’il visait à la conversion du peuple et à la destruction de l’idolâtrie. Aussitôt la persécution commença.
Le christianisme fut donc interdit : 1° parce qu’il s’opposait au culte de Rome et des empereurs qui se faisaient adorer comme des dieux (crime de lèse-majesté) ; 2° parce que le refus des chrétiens de prendre part aux cérémonies du culte des idoles était considéré comme une preuve d’athéisme et de sacrilège ; 3° parce qu’on attribuait à la magie les miracles accomplis par les chrétiens.
À ces cause publiquement déclarées, s’en ajoutaient deux autres moins avouables : 1° la vertu, recherchée par les chrétiens, constituait pour la corruption païenne un reproche permanent qui excitait entre eux les jalousies et les haines ; 2° la persécution devint souvent pour les empereurs ou les gouverneurs de provinces, un moyen de procurer des ressources, car on confisquait tous les biens des chrétiens mis à mort.
Enfin une effroyable campagne de calomnies commença de bonne heure contre la religion du Christ. On lui attribua les rites les plus odieux, tels que l’adoration d’une tête d’âne, l’anthropophagie, etc. ; on lui imputa toutes les calamités publiques. L’opinion populaire se déchaîna contre elle, souvent avec fureur, et agit sur les autorités. Les lettrés la combattirent par jalousie : ils voyaient dans les chrétiens des rivaux qui prétendaient posséder seul la vraie sagesse et la vraie religion.
Caricature de Jésus en Croix, conservée au Musée Kircher à Rome. Découverte sur le Palatin à Rome en 1857, cette caricature trécée au stylet sur le plâtre d'une maison, date du temps des persécutions. Elle représente un personnage à tête d'âne, attaché à la croix, et une autre personne dans l'attitude en usage parmi les païens pour exprimer l'adoration, avec cette inscription : Alexamène adore son Dieu. Ce graphite a dû être tracé par quelqu'un qui voulait tourner en ridicule une connaissance accusé d'être chrétien. |
À ces causes explicites ou cachées, s’ajouta, dès le début, celle qu’on prit pour base juridique des persécutions durant les deux premiers siècles : d’être une secte malfaisante, prohibée par les lois de l’Empire en qualité d’ennemie du genre humain.
2. Caractères généraux des persécutions.
Il y eu dix persécutions générales, séparées par des périodes de tranquillité relative. Ces épreuves sanglantes durèrent deux siècles et demi (64-311) et firent périr des millions de chrétiens.
Quelques fois les condamnés étaient conduits en foule au supplice ; le plus souvent , dans le but de désorganiser l'Église, on choisissait les victimes parmi les chefs de la religion : papes, évêques, prêtres ou fidèles influents et riches ; on leur infligeait les plus affreux tourments afin de terroriser les autres chrétiens.
Un long emprisonnement précédait souvent l'exécution de la sentence ; mais les cachots se transformaient en oratoires ; les martyrs s'y préparaient à la mort par la prière et par la réception du pain eucharistique qu'on réussissait parfois à leur apporter.
Après la prison venait l'interrogatoire. Il n'y avait ni témoin ni défenseur. Pour recouvrer la liberté, il aurait suffi aux chrétien d'apostasier. Sur leur refus d'adorer les dieux de l'Empire, on les condamnait à la déportation, aux travaux forcés dans les mines, ou à la mort par divers supplices.
Tout ce que la cruauté la plus ingénieuse put inventer a été employé pour triompher de la constance des martyrs.
On les a crucifiés, déchirés avec des crocs ou des fouets, mutilés, brûlés vifs, exposés aux bêtes... Les Actes des martyrs* mentionnent plus d'une centaine de supplices différents.
Malgré ces épouvantables tourments, les martyrs persévéraient, inébranlables dans leur foi. Dieu répandait sur leur visage et dans leur cœur une telle sérénité que les fidèles en étaient encouragés, et parmi les païens qui assistaient à ces supplices, nombre d'entre eux se convertissaient. Ainsi se vérifiait le mot de Tertullien : «Le sang des martyrs est une semence de chrétiens»
* Les Actes des martyrs sur Scripta manent
Source : Histoire de l'Église, éd. Clovis