Le monde celtique était constitué d'un morcellement de peuples, sans unité politique stable. Il est donc difficile de dresser un portrait commun aux druides Gaulois, Celtes de la péninsule Ibérique, Irlandais et Gallois.
Cependant, certains points culturels apparaissent communs à ces différents peuples celtes.
Les druides faisaient partie de la classe sacerdotale celtique, qui se divisait principalement en trois spécialités : les druides, les bardes et les devins. En haut de la hiérarchie se trouvaient bien entendu les druides. Dans son ouvrage sur la guerre des Gaules, César (100 à 44 av. J.C.) les présentaient comme une catégorie de privilégiés (en compagnie des chevaliers) dans la mesure où ils s'abstenaient d'aller à la guerre, étaient exemptés d'impôt, de service militaire et de toute autre charge. Il existait un druide supérieur qui possédait sur tous les autres une très grande autorité. Lorsqu'il mourrait, la succession revenait au plus digne; s'il y avait plusieurs candidats, la décision se faisait par le suffrage des druides ou par une lutte armée. Le rôle des druides était de s'occuper de la religion, de veiller à l'observation des rites, de régler les pratiques religieuses, de rendre la justice et d'enseigner (Guerre des Gaules, VI, 13-14). Pour l'historien grec Diodore de Sicile[1] (90 à 20 environ av. J.C.), les druides étaient des philosophes et des théologiens. Pour le géographe grec Strabon (environ 63 av.J.C. à 19 apr. J.C.), les druides s'adonnaient à l'étude des sciences de la nature et à le philosophie morale; ils rendaient justice et avaient le rôle d'arbitre au cours des guerres (Géographie, IV, 4, 4). Enfin, le géographe romain Pomponius Mela (milieu du premier siècle apr. J.C.) décrivait les druides comme des érudits, maîtres de sagesse et d'astronomie (chorographie, V, 2, 18).
Le mot druide utilisé également en Irlande, vient de dru-, "chêne" et -wid- "voir, savoir. Druide signifie donc : "celui qui connaît par le chêne". Cette explication donné par Pline l'Ancien est aujourd'hui confirmé par une majorité d'historiens qui se sont penchés sur la question.
La classe sacerdotale celtique était également composée de bardes, mot utilisé en Irlande: bard, et au Pays de Galles : bardd. Selon Diodore de Sicile, ils étaient des poètes lyriques, accompagnés d'une harpe, qui chantaient tantôt des hymnes, tantôt des satires. Ils utilisaient surtout leur art à l'occasion des guerres; sur les champs de batailles, ils s'avançaient au milieu des adversaires et les apaisaient (Bibliothèque historique, V, 31). Timagène[2] d'Alexandrie (Ier s. av. J.C.) indique que les bardes chantaient en vers les hauts faits des hommes illustres, accompagnés de leur harpe.
Autre catégorie de druides : les devins. Pour Diodore de Sicile, ceux-ci prédisaient l'avenir par l'observation des oiseaux et l'immolation des victimes. (Bibliothèque historique, V, 31). Strabon les appelaient les "vates", spécialisés dans le sacrifice et l'interprétation de la nature (Géographie, IV, 4, 4). Enfin, ils portaient le nom d'"euphage" chez Timagène, et avaient pour fonction de révéler la force et les merveilles de la nature (Ammien Marcellin, XV, 9).
Des écrits parlent de druidesses ayant vécues au IIIè siècle, mais la classe sacerdotale semblait plutôt réservée aux hommes. Alors s agissait-il de druidesses, de femmes qui s'étaient auto-proclamée druidesses alors qu'au IIIè siècle les vrais druides étaient en voie de disparition, ou était-il plutôt question de voyantes ?
Les druides n'ont pas mis par écrit leur savoir religieux pour les Celtes, les choses importante ne s'écrivaient pas, elles se disaient de vive voix. Cette position par rapport à l'écriture peut sans doute s'expliquer comme suit : les druides considéraient certainement la parole comme active, dynamique, évoluant comme la vie, à la différence de l'écrit qui fixait, figeait les choses et, dans un certain sens, les tuait. Une raison est donnée par César : les druides n'ont pas mis leur doctrine par écrit afin de ne pas la divulguer aux profanes.
L'enseignement se basait uniquement sur l'oral, ce qui obligeait les élèves à faire travailler leur mémoire. Les gens qui venaient s'instruire auprès des druides devaient ainsi apprendre par cœur un grand nombre de vers. Pour devenir druide, les études étaient très longues car elles pouvaient durer vingt ans (Guerre des Gaules, VI, 14). Pomponius Mela[3] confirme cette durée d'enseignement et précise qu'il était dispensé aux personnes les plus distinguées, mais aussi que cette formation se déroulait secrètement au fond des cavernes ou des bois les plus retirés (Chorographie, V, 2, 18).
De par leurs nombreuses compétences, les druides occupaient une position prééminente chez les Celtes anciens. Pour ainsi dire, il étaient dépositaires d'un savoir traditionnel qui constituait les fondements de la société qu'ils conservaient et transmettaient de manière orale. Cette classe de savants existait sans doute avant la dispersion des différentes populations celtiques, ce qui peut expliquer la présence de traits de civilisation communs entre Gaulois, Celtes Ibères, Irlandais ou encore Gallois.
La romanisation, qui a touché la plupart des pays celtiques (à l'exception de l'Irlande) a causé la disparition du druidisme. La conquête romaine a entraîné de nombreux bouleversements au niveau politique et institutionnel.
Dans le nouveau mode de société imposé par Rome, qui exigeait le culte de l'empereur, les druides n'avaient plus leur place. Leur importance déclina progressivement, et c'est la période augustéenne qui a scellé définitivement leur sort. Suétone[4] nous apprend que l'empereur Claude "abolit entièrement chez les Gaulois, la religion si barbare des druides qu'Auguste s'était contenté d'interdire aux citoyens romains". (Vie des douze César, 5, Claude, 25). La disparition de l'élite sacerdotale a entraîné de facto l'affaiblissement inéluctable de la langue indigène, la perte de la théologie ainsi que la fin d'un système religieux cohérent.
En tant que représentants de la classe sacerdotale, les druides étaient les seuls personnages de la société celtique à pouvoir communiquer avec les dieux. Pour cela, les druides les invoquaient essentiellement par des surnoms, car le véritable nom des divinités faisait l'objet d'une interdiction religieuse. Par respect, superstition, pour ne rien révéler de la religion à un étranger ?
Les druides qui entretenaient une relation privilégiée avec les dieux, tenaient de ceux-ci leurs pouvoirs et leurs connaissances. Ils faisaient donc office d'intercesseurs entre les dieux et les hommes. Et lors de la prise de pouvoir d'un nouveau roi, ils transmettaient à celui-ci les valeurs de vérité, de savoir et de sagesse, chères à leurs divinités.
Ayant le privilège d'avoir accès à la science divine, les druides avaient la connaissance des choses du passé, du présent et de l'avenir. Cela explique leur pratique si fréquente des actes de divinations et de prophéties.
Diodore de Sicile a noté que les devins avaient recours à un rite particulier pour consulter les présages : "Après avoir consacré un homme, il le frappe avec une épée de combat dans la région au dessus du diaphragme, et quand la victime est tombée sous le coup, ils devinent l'avenir d'après la manière dont elle est tombée, l'agitation des membres et l'écoulement du sang" (Bibliothèque historique, V, 31). Une technique comparable se retrouve chez l'historien romain Justin (II ou IIIè siècle apr. J.C.) Lorsque les Gaulois ont appris qu'Antigone, le roi de Macédoine, allait les attaquer, ils se sont préparés au combat en immolant des victimes pour interroger les auspices; l'aspect des entrailles leur a présagé une grande défaite mais, au lieu de prendre peur, ils sont entrés en fureur et ont commis un véritable massacre dans leur propre camp (Histoires philippiques extraites de Trogue Pompée[5]). Il y a aussi le témoignage de rituels divinatoires moins sanglants. Ainsi, le même Diodore de Sicile nous apprend que les devins prédisaient l'avenir par l'observation des oiseaux. Justin confirme là aussi cette information lorsqu'il explique que les Gaulois ont pénétré en Illyrie car ils étaient guidés par le vol des oiseaux. Justin précise qu'ils étaient, de tous les peuples, les plus instruits dans la science augurale. Enfin, Élien le Sophiste[6] (170-234 apr.J.C.) évoque plusieurs peuples "barbares", dont les Celtes, qui se livraient à des actes de divination par l'entremise d'oiseaux, de signes ou par les entrailles des animaux (Histoires variées, II, 31).
Comme la plupart des peuples, les Celtes eurent recours au sacrifice, quelquefois humain car, avant la christianisation ce rite était un acte essentiel de la vie religieuse qui permettait de communiquer avec les dieux et de purifier la société humaine. Il était forcément accompli par des personnes qui étaient en contact avec les forces divines, c'est à dire les druides pour les Celtes. À en croire César, le sacrifice avait une place très importante dans la vie de la société gauloise. Ainsi, les personnes qui ne se soumettaient pas à la décision des druides étaient exclues des sacrifices, ce qui était le châtiment le plus grave chez les Gaulois; ceux-là étaient dès lors considérés comme des impies, des criminels ou des impures (Guerres des Gaules, VI, 13).
Celui qui avait les connaissances, l'expérience et la sagesse était considéré comme le plus à même à délivrer des jugements corrects. "Ce sont les druides qui tranchent presque tous les conflits entre États ou entre particuliers, et su quelques crime a été commis, s'il y a eu meurtre, si un différent s'est élevé à propos d'héritage ou de délimitation, ce sont eux qui jugent, qui fixent les satisfactions à recevoir et a donner" (Guerre des Gaules, VI, 13). Cette fonction est confirmée par Strabon selon qui les druides rendaient des jugements sur tous les litiges privés ou publics, se prononçaient dans les cas de meurtre (Géographie,IV, 4, 4)
Les druides disposaient de pouvoirs de guérison. Par incantation, par chirurgie et par les plantes.
Si l'on sait peu de choses sur les deux premières méthodes, les sources concernant la pratique de la médecine par les plantes sont plus nombreuses : Il convient tout d'abord de citer le célèbre passage sur la cueillette du gui : "Les druides n'ont rien de plus sacré que le gui et l'arbre qui le porte, pourvu que ce soit un rouvre... On trouve très rarement du gui (de rouvre) et, quand on en a découvert, on le cueille en grande pompe religieuse; ce doit être avant tout au sixième jour de la lune, qui marque chez eux le début des mois, des années et des siècles... Ils l'appellent dans leur langue "celui qui guérit tout". Il préparent selon les rites au pied de l'arbre un sacrifice et un festin religieux et amènent deux taureaux blancs dont les cornes sont liées alors pour la première fois. Un prêtre, vêtu de blanc, monte dans l'arbre, coupe le gui avec une serpe d'or et le reçoit avec un sayon blanc. Ils immolent ensuite les victimes en priant le dieu de rendre son présent propice à ceux auxquels il l'a accordé. Ils croient que le gui, pris en boisson, donne la fertilité à tout animal stérile, qu'il est un remède contre tous les poisons. Tant les peuples mettent d'ordinaire de religion dans des objets frivoles !" (Histoire naturelle, XVI, 95). Pline évoque ensuite une plante appelée selago en gaulois, qui ressemble au genévrier sabine (arbuste rampant). Sa cueillette faisait l'objet d'un véritable rituel : "On la cueille sans se servir du fer avec la main droite à travers la tunique à l'endroit où on passe la gauche, comme pour voler; il faut être vêtu de blanc, avoir les pieds nus et bien lavés, et avoir, avant la cueillette, sacrifié du pain et du vin; on l'emporte dans une serviette neuve. Les druides gaulois ont publié qu'il faut en avoir sur soi contre tous les malheurs et que la fumée en est utile contre les maladies des yeux". Pline parle d'une autre plante que les druides ont nommé samolos : "C'est une plante qui croît dans les lieux humides; elle doit être cueillie de la main gauche, à jeûn, pour préserver de la maladie les porcs et les bœufs; celui qui la cueille ne doit ni la regarder ni la mettre ailleurs que dans l'auge, où on la broie pour la leur faire boire"(Histoire naturelle, XXIV, 62-63).Dans les trois cas, les druides utilisaient une plante qu'il fallait cueillir selon un rituel précis (ce qui témoigne du caractère religieux de l'acte) et qui sera utilisée pour guérir les hommes et les animaux. L'utilisation d'une médecine par les plantes est également attestée par Marcellus de Bordeaux[7] qui évoque de nombreuses formules magiques, notamment une adressée aux déesses gauloises (matronae).
En cas de guerre, les druides n'étaient pas tenus de combattre. L'utilisation des armes ne leur étaient pas interdites, mais les druides étaient souvent âgés et les précieuses connaissances qu'ils avaient acquises, les rendaient plus utiles à l'écart plutôt qu'au cœur des combats. En cas de conflit, les druides ne se contentaient pas de décider s'ils prendraient part au combat ou pas, ils pouvaient également occuper la fonction d'ambassadeur ou de médiateur. C'est ce que dit Diodore de Sicile : "Non seulement dans les nécessités de la paix, mais encore et surtout dans les guerres, on se confie à ces philosophes et à ces poètes chantants, et cela, amis comme ennemis. Souvent, sur les champs de bataille, au moment où les armées s'approchent, les épées nues, les lances en avant, ces bardes s'avancent au milieu des adversaires et les apaisent, comme on le fait avec les bêtes farouches avec des enchantements. Ainsi chez les barbares les plus sauvages la passion cède à la sagesse et Arès respecte les Muses" (Bibliothèque historique, V, 31). Strabon indique que lors des guerres, les druides avaient la position d'arbitre (Géographie, IV, IV, 4). C'est ce que fit Diviciacos, un druide Éduen, vers l'an -60, quand il se présenta devant le Sénat romain pour demander une aide militaire pour combattre les Séquanes.
Le druide n'était pas le chef de son peuple, toutefois, quel chef se serait aventuré à commander sans consulter régulièrement son druide.