Deuxième partie de l'article consacré aux dieux celtes. Première partie : cliquez ici.
Mars-Ogme ou Ogmios l'Héracles aux liens
Lucien, philosophe grec du IIè siècle après J.C. né à Samosate, tombe, un jour qu'il est en Gaule, en arrêt devant un tableau représentant u personnage vêtu d'une peau de lion, armé d'une massue traînant derrière lui des hommes souriants que des chaînes relient par les oreilles à sa langue. Il s 'agit d'Ogmios, ou Ogme, «le dieu lieur», dieu de l'éloquence qui lie les auditeurs. Ogme est également le dieu de la guerre et de la violence, de la magie, de l'écriture, de l'éloquence magique - d'ailleurs, il est l'inventeur de l'alphabet dit «ogamique», qu'on retrouve dans les légendes celtes jusqu'au Moyen Âge. Il préside enfin aux serments. Pour Georges Dumézil, il était comparable au dieu védique Varuna, l'omniscient et omnipotent, maître du cosmos (l'univers ordonné), des lois et des châtiments.
Ogmios par Albrecht Drürer
Ogme est d'autre part le conducteur des morts dans l'autre monde. Par opposition au Dagda, dieu bon, les Irlandais l'ont surnommé Elcmar, «le très mauvais» ou «le grand envieux», dans le récit christianisé du cycle d'Etain. Il incarne alors tout ce qui est sombre, violent, brutal et déréglé. Le Dagda et Ogme sont associés dans l'exercice de la souveraineté, le Dagda incarnant l'autorité spirituelle et Ogme le pouvoir temporel dans sa forme brutale. Ils forment un couple indissociable, tel Mithra et Varuna dans l'Inde védique. La fonction guerrière se divise à son tour en deux niveaux chez les Celtes :
_ magico-guerrier avec Ogme
_ royal et régulateur avec Nuada, roi des Tuatha Dé Danann.
On remarquera pour finir qu'Ogme paie ses pouvoirs par une mutilation qualifiante, à savoir le percement de la langue qui fait du dieu de l'éloquence un bègue. C'est là un principe théologique connu et ancien, selon lequel un dieu paie son pouvoir par la mutilation de l'organe physique lié à celui-ci.
Minerve-Brigit, la déesse mère
Les artisans, ou aes dana, sont sous le patronage de Brigit, déesse souveraine que l'on trouve sous des noms différents, tour à tour épouse, fille ou sœur de chacune des grandes divinités souveraines. Principe féminin unique du panthéon celtique, on l'appelera, selon ses fonctions et manifestations, Brigit (ou Brigid), Boand, Eithné, Etain, Ana, Dana...
Sous le nom de Brigit, elle est fille du Dagda, la patronne des poètes, des forgerons et des médecins. L'un de ses surnoms est Belisama, «la très brillante». Le Glossaire de Cormac la nomme mater deorum Hibernensium, c'est à dire «mère des dieux de l'Irlande». Brigit incarne ainsi la déesse mère dans toute sa fécondité et son abondance, se situant ainsi dans la troisième fonction dumézilienne (voir première partie ici). Une fécondité qui s'incarne dans la terre elle-même, à travers le symbolisme des mamelons de Dana ou d'Ana, collines jumelles d'Irlande dont la forme évoque une paire de seins. La tradition chrétienne gaélique a perpétué le souvenir de Brigit à travers la fête de la Sainte Brigitte. En Bretagne enfin, Dana est assimilé à sainte Anne, mère de la Vierge. Un pardonlui est même dédié à Sainte Anne d'Auray, dans le Morbihan.
À suivre...
Source principale : Religion et Histoire N° 34