Après l’exploitation de type colonialiste de la Gaule Transalpine, symbolisée par les abus du propréteur Fonteius de 76 à 74 avant J.C., Rome adopta à l’égard de la Gaule une attitude de collaboration et de libéralisme économique basée sur des relations confiantes. De fructueux échanges à longue distance s’instaurèrent ou s’intensifièrent au sein de l’Empire. Les petits cachets de plomb qui scellaient les liens enserrant les ballots de marchandises, témoignent d’une intense activité commerciale et économique. Plusieurs milliers de ces plombs, découverts à Lyon, attestent le rôle prépondérant exercé par la métropole des Trois Gaules en matière de commerce tandis que son caractère cosmopolite apparaît dans les stèles funéraires comme dans celle du Syrien Thaimos, un marchand de produits aquitains qui tenait boutique dans l’agglomération.
La Gaule fut l’un des greniers à blé de Rome et de l’Italie. Quant aux légions stationnées en Rhénanie et en Bretagne, leurs besoins en blé s’avéraient énorme. C’est dire l’importance des céréales dans les échanges. D’autant que si l’on en croit les auteurs latins, la vente du blé ne procurait que de médiocres bénéfices. Caton par exemple, place le blé immédiatement après les prairies et juste avant les taillis pour la rentabilité. Confrontés à une telle situation du marché, les gros propriétaires terriens de l’Italie Centrale renoncèrent pratiquement à la culture du blé, l’abandonnant à des provinces comme la Gaule ou l’Afrique.
Et de fait, au milieu du IVè siècle encore, le poète grec Claudien mentionne les exportations vers Rome de grains des Lingons et des Rèmes (respectivement région de Langres et de Reims). A son tour, au Vè siècle, Sidoine Apollinaire évoque les exportations de blé gaulois.
D’autres productions rurales alimentaient le grand commerce : raisin, vin, moutons et porcs. Nous avons déjà signalé la découverte d’amphores narbonnaises à Rome. L’une d’elle, d’après l’inscription peinte sur le col, contenait du vin de Béziers . Tout particulièrement appréciées étaient les salaisons de porcs, surtout celles en provenance des Séquanes du Jura . Pline prétend enfin que les oies des Morins, c’est-à-dire de la région de Boulogne en Pas de Calais, fort prisées à Rome, effectuaient la totalité du trajet à pied…
Les productions textiles jouissaient d'une grande renommée. Dès l'époque d'Auguste, les saies ou sayons (capes agrafés sur l'épaule) inondaient littéralement le marché romain et italien. Plus tard, le poète Martial offre un manteau gaulois à un de ses amis : «Présent grossier, concède t-il, mais qui n'est pas a dédaigner par le froid de décembre [...] afin qu'un froid pénétrant ne s'insinue pas dans tes membres trempés de sueur...» Au début du IVè siècle, manteaux de laine et draperies de la Gaule Belgique acquirent une telle renomée que la laine des Atrébates, un peuple de la région d'Arras, était la plus onéreuse à Rome.
Marbres et pierres de couleur qui ornaient les édifices publics et les établissements ruraux, tenaient une place également importante dans ce trafic commercial. La distribution géographique de ces éléments de de décoration montre l'intense utilisation du réseau fluvial gaulois, parfois jusqu'aux limites de la navigabilité. Les bassins du Rhône et de la Garonne de même que la route océane à un moindre degré, bénéficièrent largement de ce commerce avec des pays lointain ainsi qu'en témoignent les deux exemples présentés ci-après. À trente kilomètres du littoral méditerranéen, la villa de Condoumine, à Puissalicon, était agrémentée de marbre de la haute vallée de la Garonne, mais aussi en provenance du bassin de la Méditerranée orientale, d'Afrique et d'Italie. Le même caractère exotique se retrouve avec les éléments décoratifs de la villa de Chatigny à Fondette en Indre-et-Loire : marbres d'Asie, de Numidie, porphyres de Laconie et d'Égypte. Tous matériaux parvenus de Narbonne par l'isthme gaulois entre Méditéranée et Atlantique via la Garonne puis le littoral océanique et enfin la remontée de la Loire.
Quant à certains matériaux de construction renommés dans la Gaule toute entière comme le marbre de Saint-Béat (Haute-Garonne) ou le calcaire de Norroy (Moselle), ils firent l'objet d'expéditions à très longues distances. Mis en œuvre sous forme de plaques de revêtement, le marbre de Saint-Béat a été reconnu notamment à Lyon, à Rennes et à Rouen (700 km !). Le remarquable calcaire de Norroy fut utilisé, quant à lui, à Bonn, à Mayence, Nimègue (400 km) et Strasbourg (450 km par la voie fluviale, 120 par la route)...
Source : Les Gallo-romains- Gérard Coulon éd. A. Colin _