La navigation fluviale a tenu un rôle important à l’époque gallo-romaine, et aucune province de l’Empire romain ne connut un tel développement dans ce domaine. Les bateliers de l’époque utilisèrent même les plus modestes rivières.
Le trafic par voie d’eau qui avait déjà un rôle important à l’époque de l’indépendance prit un essor considérable après la conquête. La parfaite maîtrise des artisans gaulois en matière de charpente et de technique du bois les faisait en effet exceller dans la fabrication de bateaux. Une construction d’autant plus justifiée que le réseau fluvial de la Gaule, dense et harmonieusement disposé, offrait aux transporteurs les itinéraires les plus variés.
Dans une page célèbre, Strabon se montre particulièrement sensible à cette heureuse distribution : « Tout le pays est arrosé de fleuves, qui descendent les uns des Alpes, les autres des Cévennes et des Pyrénées, et se jettent les uns dans l’Océan, les autres dans notre mer (la Méditerranée). Les pays qu’ils traversent sont pour la plupart des plaines et des collines qui ont entre elles des cours d’eaux navigables. Et les rivières sont si heureusement situées l’une par rapport à l’autre que les transports sont aisés d’une mer à l’autre, les cargaisons cheminant sans peine également par les plaines sur une courte distance, mais surtout par les fleuves qu’elles remontent ou descendent. À cet égard, le Rhône présente un certain avantage car il reçoit de toute part des affluents ; il touche à notre mer, bien meilleur que la mer extérieure (Atlantique) ; enfin il traverse la partie la plus fertile de ces contrées (en effet, la Narbonnaise tout entière a les mêmes produits que l’Italie)… Il vaut la peine de noter avant tout, comme nous l’avons déjà dit, l’heureux accord dans ce pays entre les fleuves et la mer (aussi bien la Mer extérieure que la Mer intérieure). On trouverait, en y arrêtant sa pensée, que ce n’est pas là le moindre facteur de l’excellence de ces contrées – j’entends que tout ce qui est nécessaire à la vie peut aisément faire l’objet d’échanges entre tous et que les avantages qu’on en tire son commun à tous(…). Aussi pourrait-on voir là l’œuvre de la providence qui aurait disposé les lieux non au hasard, mais conformément à un plan. En effet, le Rhône se laisse remonter longuement même par des bateaux lourdement chargés, et en direction de nombreuses régions du pays, du fait que ses affluents sont navigables et accueillent les plus grands tonnages. La Saône lui succède puis le Doubs, son affluent. Ensuite on va à pied jusqu’à la Seine. De là, on descend le fleuve jusqu’à l’Océan et chez les Lexoviens et les Calètes (peuples occupant respectivement les régions de Lisieux et de Rouen). De chez ces peuples pour aller en Bretagne, la course est de moins d’une journée. Comme le Rhône est rapide et facile à remonter, certaines marchandises sont transportées de préférence sur des chars, celles qui sont convoyées chez les Arvernes et vers la Loire, bien que le Rhône s’en approche en partie. Mais la route étant en plaine et un peu longue – environ huit-cents stades [soit cent quarante huit kilomètres, le stade valant environ cent quatre-vingt-quinze mètres] – incite à éviter la remontée du fleuve, puisqu’il est plus aisé de voyager par terre. La Loire est ensuite le relai naturel (elle coule des Cévennes en direction de l’Océan). De Narbonne on remonte l’Aude sur une petite distance. On marche ensuite plus longuement jusqu’à la Garonne (soit environ huit cents ou sept cents stades). La Garonne se jette dans l’Océan. »
Afin de favoriser encore ces communications fluviales, l’autorité romaine procéda à divers aménagements comme la digue destinée à maîtriser le cours du Rhin. On forma même le projet de relier le bassin du Rhône à celui du Rhin en creusant un canal entre la haute vallée de la Saône et la Moselle.
Les embarcations.
Plusieurs types étaient en usage en fonction de l’importance des cours d’eau. Des pirogues monoxyles, c’est-à-dire creusées dans une seule pièce de bois, et des radeaux munis de flotteurs, sillonnaient les rivières peu profondes. Un flotteur constitué d’un tronc de chêne évidé, long de neuf mètres cinquante fut découvert en 1980 à Flavigny-sur-Moselle ; inutilisable seul, - deux hautes traverses empêchaient les déplacements à l’intérieur – cet élément dont l’aspect évoque celui d’une pirogue, appartenait primitivement à un radeau à plate-forme. Le plancher était supporté par deux pièces de bois transversales, lesquels étaient assujetties par des chevilles aux deux flotteurs latéraux.
De semblables radeaux n’exigeant qu’un très faible courant d’eau devaient assurés le cabotage sur la Moselle supérieure.
Les petits cours d’eau étaient également parcourus par des bateaux à fonds plats, manœuvrés à la rame ou par halage, les rates. Tout aussi répandus étaient les lintres, barques de transbordement à coque et à fond arrondis dont la poupe et la proue étaient relevées et recourbées. Munis d’un petit mât auquel s’attachaient les cordages destinés au halage, ces barques étaient dirigées grâce à une rame gouvernail manœuvrée à l’arrière. Le célèbre bas-relief de Cabrières d’Aigues représente une de ces embarcations chargée de deux tonneaux. C’est peut-être un bateau de ce type qui gisait parmi les alluvions accumulés à l’emplacement du port Pommeroeul en Belgique. La proue et la poupe qui paraissaient surélevées, étaient malheureusement détruites. Quoi qu’il en soit, sa longueur totale peut être estimée à douze mètres et quatre membrures assuraient la rigidité de la coque.
Les pontones, bateaux plus volumineux, pontés et susceptibles d’accueillir des rameurs, sillonnaient les principaux cours d’eaux. Ces navires pouvaient d’ailleurs être mus également à la voile ou par halage.
Un chaland à fond plat découvert à Pommeroeul, dérivait de ce type d’embarcations. Long d’une vingtaine de mètres à l’origine, large de trois mètres à sa partie centrale, ce navire se signale par la simplicité de sa construction. Au départ une simple pirogue fendue en deux dans le sens de la longueur, dont le fond est ensuite élargi par des planches intercalées. Des membrures, fixées par de longs clous, conféraient à l’ensemble robustesse et cohésion. Mais ce bateau se singularise surtout par les restes d’une cabine coiffant la poupe et la présence d’un bord horizontal et suffisamment large pour permettre à un batelier de circuler librement d’un bout à l’autre afin de manier gaffes et perches pour la propulsion. Cette structure particulière du bord permettait aussi un chargement plus rationnel, la cargaison pouvant dès lors occuper la totalité du fond du bateau.
À ces embarcations les plus courantes s’ajoutaient des bateaux rapides mus à la rame et des navires de plaisance. En un mot, une flottille fort diversifiée dont les manœuvres nécessitaient des installations spécifiques.
Source : Les Gallo-Romains _ Gérard Coulon éd. Armand Colin