ESSAI SUR LA CONDITION DES BARBARES ÉTABLIS AU IVè SIÈCLE DANS L'EMPIRE ROMAIN
Chapitre III - Les fœderati.
— Le système des garnisons romaines appliqué par les Barbares dans leurs lois du partage des terres.
Les Barbares fédérés jouissaient comme les soldats romains du privilège de l’immunité, immunitas, ou exemption d’impôts[95], tandis que les Barbares admis comme colons étaient soumis à la capitation[96]. Ce privilège de l’immunité avait déjà été accordé, dès le temps de la République, à des peuples et à des villes qui avaient fait avec Rome un traité d’alliance offensive et défensive. Les Fœderati, il ne faut pas l’oublier, étaient des engagés volontaires ; leur condition, bien différente de celle des Dedititii, leur permettait de se réserver certains avantages, de stipuler certains droits dont la violation pouvait entraîner la rupture du contrat signé entre eux et les empereurs. Lorsque Constance voulut rappeler les corps auxiliaires des Hérules et des Bataves qui faisaient la guerre dans les Gaules, pour les transporter en Orient sur les bords de l’Euphrate et renforcer ainsi l’armée romaine destinée à combattre les Perses, il y eut une explosion de mécontentement, parce que les Barbares n’avaient consenti à quitter leur patrie et à s’enrôler sous les drapeaux de l’Empire qu’à la condition de ne jamais franchir les Alpes[97]. Julien représenta à Constance qu’il y aurait un grand danger à mécontenter ainsi les volontaires barbares attirés par les promesses qu’on leur avait faites et par la certitude de n’être point éloignés de leur pays[98]. Il s’engageait à lui fournir en échange un certain nombre de Læti et de Dedititii[99].
L’élément barbare finit par dominer l’élément romain dans les armées impériales ; les trois grandes classes de l’armée romaine, établies par Constantin et substituées à l’ancienne division en légions et corps auxiliaires (legiones, auxilia) ouvrirent successivement leurs rangs aux étrangers[100]. On en comptait parmi les troupes palatines, palatini, premier degré de la milice (honoratior militia) ; parmi les comitatenses ou légions de marche, ainsi appelées parce qu’elles suivaient le prince dans les différentes expéditions, et enfin parmi les pseudocomitatenses ou castriciani, riparienses ripenses, préposés à la garde des frontières et postés dans les camps, sur le bord des fleuves. C’est surtout dans cette dernière classe de la milice que se trouvaient un grand nombre de Barbares auxiliaires, chargés de concourir à la défense du Rhin ou du Danube, tandis que les comitatenses, qui tenaient garnison à l’intérieur et dans les villes, étaient choisis de préférence parmi les provinciaux, provinciales[101]. Nous voyons dans tous les historiens, à propos des nombreux traités conclus avec les Barbares, que Rome cherchait toujours à attirer dans son alliance l’élite des peuples germains (valida juventus). Là en effet se trouvait la véritable force et, quand on songe à la manière dont ces peuples avaient déjà pénétré l’Empire à la fin du IVe siècle, tout en conservant leur amour de la liberté et de l’indépendance, on ne s’étonne plus que les alliés de la veille deviennent les vainqueurs du lendemain, que les premiers royaumes barbares fondés dans les Gaules, l’Espagne et l’Italie, l’aient été par d’anciens Fœderati.
[96] V. le chapitre précédent sur les Dedititii.
[97] Ammien, l. XX, c. IV.
[98] Ammien, l. XX, c. IV.
[99] Ammien, l. XX, c. VIII.
[100] Not. Dign., passim.
[101] Cod. Théod., VII, De re militari, Paratitlon. — Naudet, Des changements opérés dans toutes les parties de l’administration de l’Empire romain sous les règnes de Dioclétien, de Constantin et de leurs successeurs, jusqu’à Julien, t. II, 3e partie, c. V.