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19 septembre 2011 1 19 /09 /septembre /2011 09:27

   Après la conquête de la Gaule par les Romains, la situation est celle, inédite, de communautés locales diverses intégrées dans un ensemble impériale dirigé par Rome. Une réalité nouvelle, qui a amené les populations des Gaules à se tourner vers l’avenir et la construction d’identités fondés sur l’adoption progressive de la citoyenneté romaine.

  La Gaule, des Pyrénées au Rhin, fut conquise par César entre 57 et 51 avant Jésus Christ, les régions du Midi, de Narbonne aux Alpes, avaient été soumises et largement intégrées à l’empire ; terre de colonies, elles avaient accueilli des vétérans des légions romaines. A côté de ce qui devint la province de Narbonnaise, les nouvelles terres acquises au milieu du 1er siècle av. J.C. furent divisées en trois provinces : l’Aquitaine, la Lyonnaise et la Belgique.gaule romaine

  Au-delà de la conquête, comment cette Gaule, morcelée en multiples peuples gaulois autonomes, est-elle devenue partie intégrante de l’empire ? Et sa population, comment s’est-elle transformée de gauloise en romaine ?

  La première tâche des conquérants fut de pacifier des territoires ravagés par la guerre, puis de les réorganiser. De fait, l’historien grec Dion Cassius nous apprend qu’un peu plus de deux décennies après la fin de la guerre, en 27 av. J.C., un premier recensement eut lieu, prélude à une intervention qui s’attacha à « la manière de vivre et aux formes de gouvernement » des habitants de la Gaule. Traduisons : l’organisation des peuples gaulois en cités.

  Partout où l’empire s’étendit, le pouvoir romain favorisa l’éclosion de ce cadre politique propre aux civilisations méditerranéennes, et que l’on peut définir comme une communauté organisée depuis une ville principale. Les cités étaient ainsi des petits Etats centrés sur une ville chef-lieu dominant et administrant un territoire.

  En Gaule, cette entreprise fut parachevée entre16 et 13 av. J.C., au cours du séjour de l’empereur Auguste dans la colonie de Lugdunum (Lyon), siège du gouvernement provincial. L’implantation de la cité amorça un tournant décisif dans l’histoire des communautés d’Europe nord-occidentale : elle allait de pair avec l’adoption de système de gouvernements inédits, ainsi que de nouveaux comportements et valeurs. C’est dans le cadre de la cité que les Gaulois sont devenus romains.

  Les vestiges archéologiques témoignent de cette évolution. Ainsi ceux mis au jour lors de cette fouille d’Artiparc près d’Arras, où vivait un puissant peuple belge de la Gaule du Nord : les Atrébates. Après la conquête de César, le centre du pouvoir, une ferme aristocratique indigène qui dominait la zone agricole de 180 ha, a disparu. Le territoire était désormais commandé depuis un fortin militaire romain.

  Ce camp romain était flanqué d’un vaste enclos de stockage, bien trop grand pour les seuls besoin des soldats. Il s’agissait peut-être de greniers servants a recueillir le tribut, l’impôt en nature auquel étaient sans doute soumis les Atrébates.

  C’est dans ce contexte que fut fondée de toutes pièces, à quelques kilomètres de là, entre 20 et 10 av. J.C., une ville chef –lieu : Nemetacum (Arras). Alors que l’on construisait les premiers monuments de la ville nouvelle, le camp militaire d’Actiparc fut abandonné. Autour du nouveau marché urbain se développa un important domaine agricole. Et Nemetacum qui offrait à la population un cadre de vie totalement neuf, devint rapidement la capitale des Atrébates.

  La mise au jour de tombes aristocratiques de l’époque augustéenne indique que des notables locaux ont accompagné la fondation de la ville : ceux-là avaient choisi le parti de l’intégration.

  C’est donc bel et bien un nouvel âge qu’inaugura l’organisation des peuples gaulois en cités. Se constituer en cités, c’était pour la population renoncer de façon explicite à la guerre et adopter un cadre de vie « civilisé » ; c’était finalement rompre avec le passé.

Pour Rome, cette mutation présentait un autre intérêt. Le pouvoir romain, en effet, ne disposait en Gaule ni de force de police, ni d’une administration pléthorique et aucune colonie de peuplement n’y fut installée (contrairement à ce qui s’était passé en Narbonnaise) ; ses unités militaires furent rapidement redéployées sur les frontières. Le bon fonctionnement de l’empire reposait donc en grande partie sur un système de gouvernements autonomes, de cités-Etats fondées sur des territoires dûment enregistrés et balisés, le souci du pouvoir romain se résumant essentiellement à la perception de l’impôt, au maintien de l’ordre public et à la sécurité des frontières. Cette forme d’administration impliquait en retour l’adhésion de la cité au pouvoir impérial. Cette adhésion s’exprima totalement par la participation des cités au culte impérial. Dès 12 av. J.C., un autel dédié à Rome et à Auguste fut installé à Lyon.

  Ainsi, d’un côté, les cités étaient dirigées par des membres de l’élite locale, lesquels avaient des devoirs politiques et religieux vis-à-vis de Rome ; de l’autre, le pouvoir romain veillait au versement de l’impôt et à la bonne marche de l’ensemble.

  Cette définition de l’autonomie instaurée par le pouvoir romain trouva sa pleine expression dans les villes établies comme chefs-lieux des nouvelles cités au cours des deux décennies avant notre ère. En vingt ans furent fondées pas moins d’une soixantaine de villes ! Certaines, comme Avaricum (Bourges) ou Limonum (Poitiers), ont simplement succédé à des centres de peuplement préromains. Mais les fouilles récentes, comme celles menées à Vesontio (Besançon), semblent montrer que le nouvel urbanisme rompait de manière franche avec le système urbain précédent : dans plusieurs cas, un système de voies de circulation au tracé régulier fut ainsi mis en place.

  La plupart des villes furent cependant crées sur un site vierge ou quasi vierge : Il en est ainsi à Nemetacum, déjà mentionné, Autun, Avenches (suisse), Amiens, Limoges, Paris, etc. Les anciennes capitales changeaient dès lors de statut. La fondation d’Augustodunum (Autun) sur un site mieux adapté aux nouveaux circuits économiques entraîna ainsi l’abandon de l’opodum historique des Eduens, Bibracte (situé sur le mont Beuvray, dans le Morvan), dans lesquels César avait séjourné. Chez les Trévires, l’oppidum de Tilterberg perdit sa prédominance au profit de la ville nouvelle d’Augusta Treverorum, installée sur un replat de la vallée de la Moselle.

  Quelle était l’aspect de ces villes nouvelles ? N’allons pas imaginer que sortirent de terre, d’un seul coup, de splendides monuments de pierre. Dans bien des cas, les bâtiments, à l’époque augustéenne, étaient en bois et en torchis. C’étaient parfois des maisons-étables disposées le long des rues, comme en témoigne l’exemple d’Aduatuca (Tongres). A Amiens, un quartier périphérique fut occupé jusqu’au milieu du Ier siècle ap. J.C.par des habitations construites sur des poteaux de bois et des enclos à ovins. C’est seulement à partir des années 80 qu’elles furent peu à peu remplacées par des constructions à péristyle respectant le modèle romain. Quelle meilleure illustration que cette modernisation de l’habitat de l’émergence d’un groupe toujours plus important de citoyens romains au sein de la cité ?

  Toutes les villes ne se développèrent pas à la même vitesse. A Mediolanum (Saintes), les blocs d’architecture retrouvés dans le rempart du Bas-Empire (datant de la fin du IIIe, début du IVe siècle) indiquent un épanouissement précoce de la parure monumentale de la ville nouvelle. C’est que vivaient dans la cité des familles de notables riches et prospères qui avaient obtenu dès le Ier siècle av. J.C. la citoyenneté romaine. A Andritum (Javols) au contraire, chef-lieu de la cité des Gabales en Lozère l’établissement d’une voirie au début de l’empire cache mal le maintien d’espaces libres, non construits, sur une surface qui ne dépassa toutefois jamais 35 ha.

  De tels décalages s’expliquent aisément : les rythmes d’urbanisations étaient de toute évidence soumis aux richesses locales et à l’attitude des élites. Car ce n’est pas Rome qui finança la construction de ces villes. Ce sont donc les ressources tirées essentiellement de la terre et des mines et, bien entendu, les capacités financières ainsi que la bonne volonté des élites locales qui furent mises à contribution.

  Malgré ces différences, la structure de ces villes suivait, au final, le même schéma. On commençait par créer la voirie régulière, un réseau de rues susceptible de guider le développement urbain. Au cœur de la ville, un emplacement était réservé pour le forum et les bâtiments qui lui étaient associés, la curie (lieu de réunion du sénat local), la basilique (espace ouvert dédié aux affaires publiques et juridiques), architectures essentielles car elles continuaient des expressions claires de l’existence politique des nouvelles cités.

Nous ne sommes donc pas surpris de découvrir que, à Vannes, Fleurs (dans le Forez), Beuvray ou Limoges, l’emplacement du forum fut délimité d’office dans le schéma urbanistique des origines. C’est là en effet que devaient prendre place les cultes (de l’empereur, de la famille impériale, du génie de la cité) et les images (statues impériales) susceptibles de faire le lien avec Rome et le pouvoir impérial, bref d’ancrer la communauté locale dans la réalité impériale. A Senlis, capitale de la cité des Silvanectes, on conserve ainsi la base d’une statue en bronze de l’empereur Claude, qui se dressait dans le centre monumental.

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commentaires

S
<br /> Passionnant... on peut se demander dans quelle mesure les nouvelles élites n'étaient pas des soldats romains intégrés aux familles Gauloises dirigeantes ? les jeunes gaulois avaient été tués dans<br /> la guerre, les terres étaient la récompense d'une carrière militaire romaine. Ce qui expliquerait peut-être la rapidité du mixage; un peu comme les Vikings devenus Normands en une génération ? les<br /> mariages et les bébés rapprochent vite, mais les Druides dans cette situation ? trop passionnant... merci !<br /> <br /> <br />
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