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5 décembre 2013 4 05 /12 /décembre /2013 08:41

Un beau relief de marbre, dit « de la tombe des Haterii », découvert le long de la via Labicana à quatre milles au sud de Rome, fournit une excellente représentation de veillée funèbre. Le centre du relief est occupé par le lectus funebris, dressé devant les colonnes de l’atrium. Au chevet de la femme qui repose se tiennent deux pleureuses (praeficae), tandis qu’un homme s’apprête à ceindre son front d’une couronne ou d’une guirlande. À gauche du lit, une musicienne joue de la flûte, aux côtés d’une pleureuse qui, les mains jointes, implore la défunte. À droite figure trois autres femmes coiffées de pileus, signe distinctif des esclaves affranchis par leurs maîtres. En guise de décoration, des étoffes sont tendues d’un pied à l’autre du lit, des guirlandes de fleurs et de fruits surmontés d’éventails sont suspendues au compluvium. De grandes torches, fichées sur des supports emboîtés, brûlent aux quatre coins du lit, à la manière des chandelles qui encadrent le cercueil dans la liturgie chrétienne. De part et d’autre, sans disposer des candélabres en bronze, sur lesquels reposent de lourdes lampes à huile allumée. Au premier plan, figure de récipient à piédestal, identifiables comme brûlent-parfums. Un homme s’en approche pour alimenter la flamme.

Selon Pline (Hist. Nat. X, 43), les décorations végétales sont apportées par les proches et amis du défunt. Symbole de fragilité et de renouveau, fruits et fleurs sont choisies pour leurs propriétés particulières - principalement des roses, mais aussi des violettes, des immortels, de la myrte et des branches de pain. Ces éléments, comme la pomme de pin, ont valeur d’emblèmes funéraires. D’innombrables ornements en pierre, sculptés en forme de pomme de pin, d’œuf ou de flamme incandescente, qui couronnaient à l’origine la cime des mausolées ou le couvercle des urnes cinéraires, évoquent aussi bien la vie éternellement renouvelée que les décorations exposées lors de la veillée mortuaire.

La dernière étape franchie par le corps avant inhumation est le cortège, ou funus translaticium. Les textes et les représentations figurées permettent de s’en faire une idée relativement précise. De son atrium familial, le défunt est extrait pied devant sur0171.jpg son lit, porté par un lourd brancard (feretrum). Le cortège se compose d’une foule bruyante de pleureuses aux cheveux défaits couverts de cendres, souvent précédées de musiciens réunis en fanfare d’instruments à vent, parfois de danseurs, de mines et de jongleurs. Les hommes sont vêtus de lainages de couleur, non lavée, les femmes de vêtements noirs, exempt de parures, les cheveux décoiffés et les ongles non coupés. Les images des ancêtres (imagines maiorum) sont portées devant le cercueil. Ces portraits funéraires sont des empreintes en cire du visage des défunts de la famille prise peu après la mort, peintes et conservées dans des petites armoires en bois placés dans l’atrium. En 392, un édit de Théodose interdisant le culte des ancêtres fera peu à peu disparaître cette coutume.

  À l’origine, le convoi s’effectue préférentiellement de nuit, éclairé par des torches et des lampes à huile, pour éviter aux prêtres et aux magistrats de croiser un cadavre impur. Ces cortèges nocturnes n’ont plus lieu à l’époque impériale, remplacés par des cérémonies diurnes plus propices à l’exhibition du défunt et de sa maisonnée. Mais elles demeurent éclairées à l’aide de torches et de lampes, dont la lueur artificielle enrobe le convoi d’une sorte de « nuit » symbolique. Le brancard est fréquemment porté par des affranchis, esclaves libérés par testament suite à la mort de leurs maîtres, caractérisés comme sur le relief des Haterii par le port du pileus. Au cortège officiel des proches, des clients et des affranchis se mêle une foule hétéroclite, plus ou moins nombreuse selon la renommée du défunt. La désaffection croissante des convois, qui attente à la dignité des familles, donne lieu à différents stratagèmes destinés à attirer les proches et le chaland. Des récompenses sont distribuées à l’assistance, qui peuvent équivaloir à la totalité des biens légués par le défunt. Offerte par voie testamentaire à celui qui arrivera le premier, elle donne lieu à une véritable « course à l’héritage », au sens propre ! Les plus pauvres sont réduits à effectuer leurs trajets en solitaire jusqu’à la fosse commune, préférentiellement de nuit.0172.jpg

Du centre-ville, les cortèges funéraires sont conduits hors de la cité, à un emplacement défini à l’avance où les attend le bûcher. La conduite des défunts au-delà de cette limite procède bien d’un rite d’exclusion, pour ne pas dire d’expulsion du cadavre hors de l’enceinte urbaine, même si elle est accomplie dans des formes qui ménagent sa dignité.

 

Source : L'Archéologue N°105, d'après Matthieu Poux.

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commentaires

J
Excellent article
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L
<br /> <br /> Merci J.M.<br /> <br /> <br /> Après un mois de novembre difficile, je repart à l'attaque. Toutefois, n'ayant pas pu travailler sur de nouveaux articles, je n'ai pas grand chose à poster.<br /> <br /> <br /> J'espère repartir serieusement dès janvier. Profite de ce temps magique (si rare aujourd'hui) qu'est le temps de Noël !<br /> <br /> <br /> <br />

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