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26 juin 2012 2 26 /06 /juin /2012 17:49

              Vercingétorix

 

Chapitre XV - L'assemblée du Mont Beuvray.

 

1. Soulèvement général de la Gaule : nouvelles cités qui se joignent à la ligue.

 

Car cette fois, autour de César et de Labienus, toutes les nations s’insurgeaient. Le long des rivages, depuis les marais de l’Escaut jusqu’à ceux de la Gironde, au pied des montagnes, depuis le Saint-Gothard sujet des Helvètes jusqu’au Mont Lozère client des Arvernes, une ligne continue d’hommes en armes bordaient les frontières de la Gaule soulevée. Il ne restait plus au proconsul que deux nations fidèles, chez lesquelles il pût abriter ses légions errantes : les Rèmes, qui les couvraient en partie contre les agressions du Nord, les Lingons, qui leur ouvraient, de Langres à Dijon, les routes de la retraite vers le Sud ; ces deux peuples étaient les seuls à garder la foi promise à César ; à défaut de patriotisme, ils eurent au moins le mérite de la reconnaissance.

Toutes les autres peuplades, travaillées sans relâche, depuis six mois, par l'or et les flatteries des émissaires de Vercingétorix avaient attendu sa victoire pour achever de se laisser convaincre. Après Gergovie, elles lui furent irrésistiblement gagnées. Ce fut à la nouvelle de la retraite de César, un va-et-vient de messages et d'ambassades entre les cités entre les cités de la Gaule : dans la joie tumultueuse de la délivrance, se perdit l'impression de la mort de Camulogène et de la victoire de Labienus.

La décisions de Éduens entraîna celle de tous leurs clients : une fois ralliés à la cause de la liberté, ils avaient intérêts à y amener le plus grand nombre de leurs amis. Ils s'empressèrent d'expédier partout de l'or, des promesses, des pières ou des menaces. Avec eux se groupèrent leurs vassaux ou alliés. Les Ségusiaves du Forez, les Ambarres de la vallées de l'Ain : renfort précieux entre tous, car les tribus de ces deux peuples, campés en face de Vienne et de Genève, menaçaient directement la province romaine et la retraite de César. Au sud-est de la Loire, les derniers récalcitrants, les Santons de la Saintonge, les Prétucores du Périgord, se décidèrent à suivre la cause que leurs voisins et rivaux du Limousin et de l'Agenais, qui avaient été si prompts à se joindre à Vercingétorix.

Au nord de la Seine, les Belges s'étaient enfin résolus à se battre une fois de plus, et à sacrifier ce qui leur restait d'hommes. On s'arma pour le compte de la Gaule chez les Nerviens du Hainaut, les Morins de la Flandre, les Ambiens de la Picardie, les AttrébatesCommios de l'Artois. De ce côté, l'insurrection fut fomentée par Comm l'Attrébate, guéri de sa blessure, mais non point de sa colère : car il avait juré de ne plus voir de Romains face à face, si ce n'est sans doute l'épée à la main. Étrange personnage que celui-là, le plus original peut-être des Gaulois de ce temps, du moins après Vercingétorix : brave comme pas un, d’une audace morale égale à son insouciance physique, souple, rusé, retors, beau parleur, ayant partout des amis et des hôtes, plein de ressources d’esprit et de bons conseils, disposé aux aventures les plus dangereuses, tenant à la fois d’Ajax, d’Ulysse et de Nestor. Jusqu’en 53, il avait été en Belgique l’homme d’affaires de César, qui ne pouvait se passer de lui ; le voilà maintenant patriote, et, semble-t-il, délibérément, sans arrière-pensée d’intérêt ni de jalousie. Grâce à lui, les Bellovaques eux-mêmes finiront par envoyer quelques hommes à la ligue : car l’individualisme de ce peuple était si incorrigible qu’ils déclaraient faire la guerre à Rome en leur nom et à leur guise, sans ordre de personne : mais ils ne purent s’empêcher d’écouter Comm l’Atrébate.

Des peuples de la frontière germanique, les Trévires, seuls, ne furent pas en mesure d’envoyer aux Gaulois un secours apparent. En réalité, ils leur étaient fort utiles. Depuis le commencement de la guerre, ils ne cessaient de batailler contre les Germains, et par là ils empêchaient la Gaule d’être prise à revers par une invasion toujours prète. Mais les Médiomatriques (de Metz), les Séquanes et les Helvètes acceptèrent de défendre la liberté de tous : les Séquanes n’étaient-ils pas d’anciens alliés du peuple arverne ? les Helvètes n’avaient-ils pas à venger la première injure que César eût infligée à une cité de la Gaule ? Au delà des plaines de la Saône, ces deux derniers peuples allaient mettre de nouvelles barrières entre César et sa province.

Pour achever de les décider, eux et les autres, les Éduens eurent recours au procédé cher aux Barbares. On venait de leur expédier à Bibracte les otages que la Gaule avait jadis livrés à César. Ils annoncèrent qu’ils mettraient à mort les représentants des nations qui refuseraient de s’allier à eux, et peut-être quelques premiers supplices montrèrent que la menace n’était point vaine. Les dieux, cette fois encore, eurent leurs victimes. Les peuples effrayés n’eurent plus qu’à obéir. Et ces mêmes otages qui avaient garanti la fidélité de la Gaule à César allaient garantir son attachement à la liberté.

 

2. Affaiblissement réel de l’autorité de Vercingétorix.

 

En réalité, ce soulèvement général de la Gaule enlevait à Vercingétorix autant de force qu’il lui amenait de secours.

Sans doute, il peut doubler l’effectif de sa cavalerie et de son infanterie. Mais les milices qui vont lui arriver ne valent pas ces hommes dociles et endurants dont il a, depuis vingt semaines, exercé et façonné l’âme et le corps. Les nouveaux venus apporteront cette indiscipline et cette ardeur à la bataille qu’il avait eu tant de peine à refréner chez ses premiers soldats, et ces défauts deviendront d’autant plus dangereux qu’ils agiteront des masses plus grandes.

Le nombre des chefs se multiplia comme celui des hommes. Si, devant Avaricum, Vercingétorix a dû céder aux autres maîtres de nations, il les avait réduits, dans Gergovie, à n’être que ses légats. Cette tâche était à recommencer pour lui.

Au début de l’insurrection, il avait, en l’honneur de ses dieux, fait flamber quelques bûchers d’adversaires. Ce qui lui était possible dans l’exaltation de la prise d’armes, et sur la terre paternelle de Gergovie, était impraticable après la victoire et sur le sol éduen, où il n’était plus que l’hôte d’une cité alliée.

De plus, Vercingétorix n’avait certainement pas, depuis six mois, épuré son conseil de toutes les jalousies. Ses succès et son commandement impérieux avaient dû bien plutôt en accroître le nombre. Les plus irréductibles, sans doute, étaient celles de ses plus proches voisins, ces chefs arvernes qui avaient été ses camarades de jeunesse ou ses rivaux politiques. Plus d’un sénateur gergovien ne devait pas lui pardonner d’être le fils d’un tyran, et roi lui-même. L’arrivée d’Éduens renforça la bande de traîtres et d’envieux qui se formaient autour de lui.

Enfin, c’étaient de nouveaux peuples qui se joignaient aux Arvernes et aux Carnutes, jusque-là les deux principaux arbitres de l’insurrection. Mais les Carnutes étaient trop compromis contre César pour souhaiter une défaite, et derrière les Arvernes, Vercingétorix s’appuyait sur l’amitié solide des Cadurques et autres clients séculaires de la royauté de Gergovie. Il avait à compter maintenant avec les Helvètes, les Séquanes, les Éduens, rivaux traditionnels de son peuple. Quelle sécurité pouvait-il trouver chez ces derniers venus de la révolte, décidés moitié par crainte et moitié par intérêt, et qui offriraient sans peine à César des occasions et des motifs de pardon ? Vercingétorix aurait à combattre, avec la jalousie des chefs, les rancunes des nations, et de la nation éduenne entre toutes.

 

À suivre...

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