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17 mars 2012 6 17 /03 /mars /2012 00:00

             Vercingétorix

 

     Chapitre X - L'empire Gaulois.

 

1. Jusqu’à quel point le soulèvement s’explique par un mouvement démocratique.

 

Vercingétorix et les Carnutes réalisaient donc le dessein que, dix ans auparavant, avaient conçu Orgétorix l’Helvète et Dumnorix l’Éduen, et auquel n’avaient cessé de songer, malgré les incertitudes du moment, les patriotes gaulois. Car, en dehors des hommes qui ne voyaient que l’intérêt de leur classe, comme Diviciac, de leur pouvoir, comme Cingétorix, de leur cité, comme les Rèmes, d’autres rêvaient d’une patrie collective, d’une grande Gaule, libre et fédérée, image peut-être de cette fraternité celtique dont parlaient les druides.

La gloire d’avoir soulevé la Gaule n’appartient en propre à aucune classe d’hommes, à aucun parti politique. Elle ne revient ni à l’aristocratie, ni à la démocratie.

Ces deux mots sont, à vrai dire, trop savants pour garder toujours leur raison d’être au delà des Alpes. À force d’avoir sous les yeux les misères politiques de la Grèce et de Rome, les anciens et les modernes ont trop souvent voulu que la Gaule leur ressemblât. Mais la Celtique de César différait trop de l’Hellade de Polybe pour se laisser absorbervercingetorix-livre.jpg par les mêmes amours-propres de parti. On ne peut appliquer à une nation pleine d’hommes, jeune et débordante, vivant d’action et de sentiments plus que de logique et de systèmes, les mêmes théories qu’à la Grèce, vieux peuple, pauvre en hommes et riche en idées, usé par cinq siècles de lois écrites et de scolastique politique. En réalité, les principes comptaient en Gaule beaucoup moins que les personnes.

Chaque nation n’y était pas divisée sans remède entre deux classes d’hommes et deux notions de gouvernement, l’aristocratie et la démocratie, la noblesse et la plèbe, les riches et les pauvres. Ces deux classes existaient sans doute, mais elles ne correspondaient pas toujours à deux formules différentes de la vie publique et des intérêts sociaux.

La plèbe des cités gauloises ressemblait moins à celle des Gracques et de Cléon qu’à celle des Tarquins et de Servius Tullius. Elle n’a pas d’organisme propre, elle n’existe pas comme ordre politique, elle est diffuse et amorphe, flottant entre les divers clans, morcelée entre les principaux chefs. Elle ne représente d’autre parti que celui de ses patrons. Si certains des nobles sont regardés comme des démagogues, c’est parce qu’ils gagnent ou achètent le plus de plébéiens possible ; mais ce n’est pas la démocratie qu’ils veulent établir, c’est leur autorité personnelle, et s’ils ont contre eux l’aristocratie, cela veut dire que les autres chefs s’opposent à la monarchie de l’un d’eux. Tout se ramène peut-être, en fin de compte, à des conflits de personnes ou de familles.

Le mouvement national de 52 n’est donc pas la revanche de la démocratie gauloise sur l’aristocratie sénatoriale, complice de César. Assurément, il y a eu un sentiment semblable chez quelques peuples, et notamment chez les Arvernes, où la victoire des patriotes mit fin au gouvernement de l’oligarchie, amie du proconsul : mais, même à Gergovie, Vercingétorix se regarda sans doute moins comme le champion de la plèbe que comme le vainqueur des familles rivales. Ailleurs, chez les Sénons et les Carnutes, c’était au contraire une coalition de chefs qui avaient brisé la suprématie de l’un d’eux, tyrannie locale bourgeon de la tyrannie de César.

Ne réduisons pas la révolte de la Gaule aux mesquines proportions d’une affaire de parti, comme a été celle de Capoue, lorsqu’un chef démocratique y appela Hannibal en humiliant le sénat local. César, qui n’eut aucun intérêt à embellir ses adversaires, ne leur fait parler que de patriotisme et de liberté. Laissons-leur les sentiments dont il leur a prêté le langage.

Toutefois, si l’on veut, pour expliquer cette révolte, chercher d’autres causes que de nobles ambitions, on pourra simplement dire qu’elle triompha par l’union des deux peuples les plus désignés pour jouer en Gaule un rôle universel, qui avaient le plus d’influence religieuse ou de gloire politique, qui étaient le cœur du territoire ou le centre des souvenirs, les Carnutes et les Arvernes.

 

À suivre...

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