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28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 09:37

              Vercingétorix

 

     Chapitre VI - Vercingétorix, ami de César.

 

4. De quelle manière César commandait à la Gaule.

 

Ce semestre de campagnes militaires et politiques (avril-septembre 58) présente donc en raccourci toute l’œuvre que les Romains se sont assignée en Gaule ; les quatre années qui suivirent (57-54) furent consacrées par César à développer le programme qu’il avait d’abord tracé.

À l’intérieur, il imposa l’hégémonie romaine aux différentes ligues qui, en 58, n’avaient point suivi l’exemple des Séquanes et des Éduens : celles des Belges au delà de la Marne, de l’Armorique sur l’Océan, des Aquitains non gaulois au sud de la Garonne. Mais, plus encore qu’à cette tâche intérieure, César s’appliqua à fixer et protéger la frontière de la Gaule. Du côté des Alpes, la route fut ouverte vers l’Italie ; les Cantabres furent rejetés en Espagne ; les Bretons, menacés sur leur île, n’eurent plus la tentation de secourir la Gaule ; et les Germains, deux fois attaqués chez eux, finirent par comprendre que le Rhin allait être la limite sacrée de la chose romaine. Ainsi, avant que la Gaule eût été franchement conquise, César en avait pacifié les abords : la future province était créée, pour ainsi dire, par le dehors.

Périodiquement, les cités gauloises alliées de César envoyaient à son camp des délégués, qui formaient, sous sa présidence ou sous sa protection, le conseil général des Gaules. Elles entretenaient des otages auprès de lui ; il s’approvisionnait chez elles de blé, de fourrage, d’armes et de munitions ; il entrait librement dans leurs places- fortes. Leur noblesse formait dans l’armée romaine la cavalerie auxiliaire. C’était le proconsul qui fixait leur contingent militaire. Il était le chef suprême des armées gauloises unies à ses légions. Il ne commandait pas à la Gaule d’une manière très différente de celle d’un Celtill ou d’un Bituit.

Les cités étaient libres de s’unir, comme autrefois, sous le principal des plus autorisées. Il y avait, comme avant l’arrivée de César, deux grandes ligues : les Éduens avaient recouvré leurs anciens clients, et en avaient acquis de nouveaux ; les Rèmes avaient remplacé les Séquanes et les Arvernes à la tête de la seconde confédération. Mais c’était l’amitié de César qui était la principale garantie de l’hégémonie de l’une et l’autre nations.

  À l’intérieur des cités, il respecta de même, au moins dans les premiers temps, les usages établis. Mais il s’ingéniait de manière à disposer des hommes et des décisions. Il les faisait gouverner par ses amis, ses protégés ou ses obligés. Ambiorix, un chef des Éburons, la plus indomptable et la plus sauvage des nations belges et l’avant-garde de la Gaule entre la Meuse et le Rhin, regardait César comme son bienfaiteur : il lui devait la liberté de son peuple et de son fils (en 57). Chez les Trévires, leurs voisins de la Moselle, le proconsul donna le pouvoir à Cingétorix, qui avait (peut-être dès 58) réclamé l’amitié du peuple romain. Il distribua sans doute à profusion ce titre d’ami, ami du peuple romain ou ami de César. La clientèle de César s’étendit sur la Gaule entière, plus encore que celle des Rèmes ou des Éduens.

Ainsi, la Gaule continuait à être tenue comme elle avait l’habitude de l’être, par les liens flottants de la foi jurée et de la vassalité personnelle. César n’était pas un proconsul commandant à des sujets de Rome ; c’était un chef suprême parlant à des amis et à des clients.

 

5. César restaure la royauté : Vercingétorix, ami de César.

 

Le sénat de Rome, s’il fut assez intelligent pour comprendre ce qui se passait à Bibracte ou à Reims, ne pouvait s’en réjouir. Un proconsul à sa dévotion aurait agi d’une autre manière. Ces procédés de César faisaient pressentir le dictateur, le candidat à la royauté. Avant d’être prince ou roi à Rome, il s’essayait à l’être en Gaule.

Aussi, se préparant à la tyrannie du monde et à la conquête de l’aristocratie romaine, ilcesar.jpg n’eut pas toujours pour les sénats des cités gauloises le respect et les attentions que Flamininus et Paul-Émile avaient témoignés à ceux de la Grèce. Le régime oligarchique des chefs ne trouva pas chez lui les sympathies exclusives que le patriciat éduen avait espérées. César ne tarda pas à moins s’inquiéter de ces aspirations monarchiques et populaires contre lesquelles Diviciac l'avait mis en garde. Du jour où il se crut le maître en Gaule, il pensa qu’il lui était profitable d’avoir comme amis des tyrans ou des rois gaulois. Après tout, leur situation ressemblerait un jour à la sienne, et, dans ses luttes contre la noblesse italienne, il trouverait un appui plus utile chez des rois amis de César que chez un sénat frère du peuple romain. Aussi peu à peu voyons-nous se réorganiser en Gaule, avec l’appui du proconsul, ces monarchies que Rome et César lui-même avaient contribué à renverser.

César avait fait hiverner ses légions chez les Carnutes en 57-56, et il s’y était cherché des amis. Le principal des chefs de cette nation, l’homme qui y avait le même rang que Vercingétorix chez les Arvernes ou Castic chez les Séquanes, était Tasget, fils ou descendant des rois du pays, le représentant de la famille souveraine à laquelle l’aristocratie avait enlevé le titre royal. Tasget s’était attaché à la fortune de César, le suivit dans ses guerres, se comporta près de lui à la Gauloise, bravement et loyalement. Aussi, dès l’année 56, et peut-être avec l’aide des légions, Tasget reçut de César l’investiture du pouvoir royal qu’avaient détenu ses ancêtres : la monarchie fut rétablie chez les Carnutes, à la grande colère des sénateurs du lieu, et à la surprise, sans doute, de ceux de la Gaule. — Les Sénons étaient, comme les Carnutes, un peuple d’une grande puissance et d’une haute influence. Au moment de l’arrivée de César, ils obéissaient à leur roi Moritasg, descendant d’une ancienne dynastie : ils réussirent, vers ce temps-là, à se débarrasser de la royauté ; mais plus tard le proconsul leur imposa comme monarque le frère même de Moritasg, Cavarin. — Ces deux faits ne peuvent être des exceptions : nous ne voyons nulle part César substituant à la monarchie le régime sénatorial, et nous connaissons le nom de quelques rois dont il s’est fait le créateur. Quand les familles royales lui manquaient dans un pays, il cherchait ailleurs. Commius, qu’il fit roi chez les Morins (en 57 ?), était un Atrébate. Et c’est parce qu’il aimait à forger des rois que, en manière de plaisanterie, il offrait quelque royauté gauloise aux Romains qui cherchaient fortune près de lui.

Il y a plus. Le bruit courut en Gaule qu’il avait fait espérer à Dumnorix le titre de roi des Éduens. Dumnorix avait affirmé ce propos devant le sénat de son peuple ; César le rapporte sans le démentir, et j’incline à croire qu’il a fait l’offre, soit sincèrement, pour s’attacher Dumnorix, le plus célèbre et le plus influent des chefs gaulois, soit par une double ruse, pour le brouiller avec les sénateurs éduens et les tenir en respect sous la menace de la monarchie.

Ce fut dans des intentions semblables que le proconsul donna le titre d’ami, mais d’ami de César, à Vercingétorix. Le fils de Celtill était le chef du clan le plus puissant de l’Auvergne ; son père avait failli être roi et avait commandé à toute la Gaule ; il pouvait, le moment venu, s’inspirer des souvenirs paternels, et prétendre aux mêmes rôles qu’Orgétorix et Dumnorix. César prit les devants ; il crut se le concilier en lui attribuant le titre d’ami ; peut-être même lui fit-il, comme à Dumnorix, la vague promesse d’une royauté sur son peuple.

 

À suivre...

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