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14 décembre 2011 3 14 /12 /décembre /2011 06:03

            Vercingétorix

 

  Chapitre III - Le peuple arverne

 

5. Cavaliers et fantassins arvernes

 

L’Auvergne réunissait les deux avantages essentiels aux peuples qui courent les combats et les conquêtes. Elle avait de bons cavaliers et de bons fantassins, et c’était une des rares contrées de la Gaule qui méritaient ce double éloge :

Nulli pede cedis in armis,

Quosvis vincis equo,

disait Sidoine Apollinaire du soldat arverne.

Or, les deux peuples conquérants de l’Europe occidentale, les Gaulois et les Romains, ont dû leurs victoires à deux armes différentes. Les Romains possédaient la légion, la plus solide formation d’infanterie qu’une nation antique ait jamais produite ; et les Gaulois étaient d’incomparables cavaliers. L’infatigable piétinement des légions en marche, les charges rapides des escadrons celtiques, ont été peut-être les forces armées les plusCaval-celt brutales du monde ancien, du moins avant l’arrivée des hordes germaniques. Ces deux forces se heurteront, à peu près pour la dernière fois, sous la conduite de Vercingétorix et de César : ce qui fera le principal intérêt militaire des campagnes de l’an 52.

Comme fantassins, les Gaulois se lassaient vite : ils manquaient de cette souplesse et de cette endurance qui faisaient l’excellence des piétons aquitains et ligures. Les Arvernes ne valaient sans doute pas ces derniers : je me les figure moins agiles. Mais, habitués aux routes des montagnes, ils avaient la patience des longues marches et la sûreté dans l’escalade : ils fourniront le meilleur contingent de l’infanterie de Vercingétorix, ils seront, comme on a le droit de le supposer, les vainqueurs de Gergovie et les obstinés d’Alésia. En tant que cavaliers, les Arvernes égalaient n’importe qui de leurs congénères : tant qu’ils n’eurent pas devant eux des légions en rangs compacts ou des escadrons venus de Germanie, ils ne redoutèrent rien sur les champs de bataille ou dans les lointaines aventures.

 

6. Fidélité aux traditions

 

L’habitant de l’Auvergne, si loin que le conduise son besoin d’entreprise, n’abandonne pas l’espoir du retour dans la patrie. Il ne sait pas rompre le lien qui l’attache à elle. S’il n’y retourne pas périodiquement, il reviendra pour y finir sa vie, et la conclusion de ses courses sera la fondation de pénates solides bâtis à son nom et dans son pays.

Je ne sais si les Arvernes d’autrefois ont eu la même fidélité aux montagnes natales. Cela n’est point impossible. À la différence des Bituriges, des Sénons, des Lingons, des Éduens, et d’autres peuples de leur voisinage, les Arvernes n’ont point laissé en Italie et en Gaule des peuples rejetons de leur souche, et en France, les hameaux ou les bourgs fondés par des émigrants de leur nom paraissent assez rares.

De retour chez lui, l’Arverne d’autrefois ou son descendant d’aujourd’hui aime à reprendre ou à garder les coutumes ancestrales. Le sol du pays était conservateur du passé ; le rocher et la pensée y sont de formation ancienne. La civilisation ne gravissait que lentement ces hauts plateaux, couverts de bois, éloignés des voies normales : les hommes d’Auvergne sembleront parfois un peuple d’attardés, ou, ce qui est plus juste, ils resteront jeunes plus longtemps. Je ne les crois pas, quoi qu’on ait dit, plus superstitieux que d’autres gens de France ; mais ils sont plus entêtés dans leurs affections religieuses, ils éprouvent moins le besoin de changer de dieux et de temples. On a vu leur attachement aux génies des fontaines ; quand le dieu du Dôme reçut son congé, ils le remplacèrent par quelque démon ou quelque saint ; et, comme la montagne avait été le lieu le plus fréquenté des pèlerinages gaulois, elle devint le rendez-vous du chapitre général des sorciers de France. C’est l’Auvergne qui est le principal domicile des saintetés vieillottes, fées ou vierges noires.

Si les choses latines y ont pénétré après Vercingétorix, sans discussion ni combat, c’est par une marche à peine sensible, et par conquêtes très tardives. Jusqu’à plus amples recherches, les monuments romains sont beaucoup plus rares chez les Arvernes que chez les Éduens. La contrée de Clermont elle-même n’a pas encore donné de ces belles inscriptions lapidaires à gravure ciselée, à lignes graduées, à lettres régulières, chefs-d’œuvre de symétrie où excella l’industrie italienne. Les épitaphes sont courtes et talonnées. Les tombeaux ont une forme toute particulière : ce sont des pyramides tronquées, mal taillées et sans proportion, et la dédicace funéraire, qui manque parfois, est souvent réduite à des initiales : le monument, dans son ensemble, rappelle non pas l’autel ou le sarcophage classiques, mais le menhir gaulois, à peine dégrossi et ravalé par un ciseau malhabile. De tous les tombeaux gallo-romains de la terre celtique, les cippes arvernes sont les moins éloignés de la pierre solitaire et anonyme qu’affectionnaient les morts d’autrefois.

On prétend retrouver encore, dans certains cantons de l’Auvergne, les « braies » des premiers Gaulois ; les potiers de Lezoux ont gardé, peut-être sans interruption, la tradition des formes et des procédés de leurs prédécesseurs d’il y a vingt siècles. Aujourd’hui, la ville de Riom, qui est à la latitude de Trévoux et de Rochefort, pays de langue française, fait partie du domaine de la Langue d’Oc, et celui-ci s’avance encore vers le Nord, jusque près des plaines du Bourbonnais : à l’est et à l’ouest du plateau central, les dialectes septentrionaux, déposant leurs formes le long des plus grandes voies romaines, se sont écartés comme elles du massif des Puys, et l’Auvergne est demeurée plus longtemps fidèle aux parlers de jadis. De la même manière, l’idiome celtique ou les vieux patois locaux s’y sont perpétués tardivement : au beau milieu des invasions germaniques, on signale les efforts faits par les nobles du pays, pour dépouiller les écailles du langage celtique. Les Arvernes achevaient à peine de devenir romains, au moment où Rome cessa de leur commander. Mais alors, ayant accepté sans réserve le nom latin, ils en furent, contre les Goths, le principal rempart.

 

À suivre...

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